En Iran, depuis septembre 2022, la situation des droits humains devient chaque jour plus alarmante. Cette escalade fait suite aux manifestations pacifiques des femmes iraniennes contre le port obligatoire du voile, rapidement suivies par tout le peuple iranien revendiquant le respect de ses droits fondamentaux. Les violences subies par la population ne cessent de s’amplifier et ont atteint un paroxysme d’horreur1: condamnations à mort; pendaisons de jeunes gens; simulacres de procès expéditifs; enfants et adolescents tués en nombre; arrestations arbitraires et massives de manifestants, d’avocats, de journalistes, de médecins, d’artistes, de sportifs et de bien d’autres; disparitions; tortures; viols. C’est une véritable terreur qu’orchestrent les mollahs, que rien ne semble arrêter. La main de ce régime s’abat aujourd’hui aussi sur des Iraniens vivant hors du pays, qui sont surveillés et menacés2.
Lors d’une session extraordinaire, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU3 a décidé de créer le 24 novembre 2022 une mission d’établissement des faits pour enquêter sur les violations alléguées des droits de l’homme en Iran liées à ces manifestations. En attendant le résultat de ces investigations, la situation se péjore drastiquement, au point où elle ne souffre plus l’inaction. Le 10 janvier 2023, Volker Türk, haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, a qualifié de «meurtre cautionné par l’État» le fait d’instrumentaliser «des procédures pénales pour punir les personnes qui exercent leurs droits fondamentaux, comme ceux qui participent ou organisent les manifestations»4. Et d’ajouter que le Gouvernement iranien a recours à la peine capitale pour intimider le peuple et éradiquer toute contestation. En sus, Volker Türk n’a pas manqué de relever l’absence d’une défense digne de ce nom, le recours à des aveux contraints et à la torture.
Plusieurs pays ont adopté des sanctions ciblées contre la République islamique, dont l’Union européenne par ses résolutions des 17 octobre, 14 novembre et 12 décembre 20225. Par une résolution du 14 décembre 2022, l’Iran a été exclu de la Commission de la condition de la femme de l’ONU6. L’Angleterre a inscrit les pasdaran («gardiens de la révolution»), comme groupe terroriste7. La ministre allemande des Affaires étrangères a déclaré le 9 janvier 2023 que «lister les gardiens de la révolution en tant qu’organisation terroriste est politiquement important et fait sens»8. Le 19 janvier 2023, le Parlement européen a adopté une résolution appelant à davantage de sanctions contre le régime iranien et demandant que le Corps des gardiens de la révolution islamique soit ajouté à la liste des organisations terroristes de l’UE9.
Membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU depuis le 1er janvier 2023, la Suisse a affirmé, se référant à sa Constitution, qu’elle «se mobilise en faveur d’un ordre international juste et pacifique», et que son siège au sein de ce Conseil constitue «un outil important de promotion des intérêts et des valeurs de la Suisse en matière de politique étrangère»10. C’est en ce sens que s’est aussi exprimé le conseiller fédéral Ignazio Cassis dans son discours prononcé le 12 janvier 2023 lors de sa première participation au Conseil, en plaidant en faveur du respect – essentiel pour la paix et la sécurité dans le monde – des principes de la Charte des Nations unies. Par ailleurs, dans le document du DFAE d’août 2022, intitulé Priorités de la Suisse au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2023/2024, construire une paix durable apparaît comme sa première priorité, la deuxième étant la protection de la population civile, «impératif humanitaire», la Suisse militant depuis longtemps en faveur de l’État de droit. Rappelons que le 17 juillet 2020, c’est à l’initiative de la Suisse que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté une résolution sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques11. En 2015, dans un document concernant le Conseil des droits de l’homme12, la Suisse soulignait déjà les thématiques prioritaires que sont la lutte contre l’impunité et pour la justice transitionnelle, les manifestations pacifiques et la lutte contre la peine de mort. C’est dire si, pour être en accord avec ces positions ainsi exprimées, il n’est plus possible à la Suisse de rester passive face à la répression sanglante qui sévit actuellement en Iran.
Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent en Suisse afin que des mesures concrètes et ciblées soient rapidement prises contre le régime islamique. Une pétition13 regroupant 25 000 signataires a été adressée le 15 novembre 2022 à la Chancellerie fédérale, de même que divers courriers14 au gouvernement, demandant quelles démarches avaient été entreprises par la Confédération pour faire respecter les droits de l’homme en Iran, y compris en ce qui concerne la liberté d’expression, la lutte contre la peine de mort et la torture, et la protection des minorités et des femmes, définies comme les priorités du DFAE dans ses lignes directrices sur les droits de l’homme 2021-202415. La Suisse doit désormais s’aligner sur les sanctions prises par l’UE. Les avoirs en Suisse des dignitaires du régime islamique et de leur famille doivent notamment être gelés, et ces derniers ne doivent plus être autorisés à entrer sur le territoire helvétique.
Des élus ont exprimé leur préoccupation concernant les violences en Iran16. Le 16 janvier 2023, la Commission de politique extérieure du Conseil national a décidé d’adopter une déclaration du Conseil national en faveur des droits humains et de la démocratie en Iran17. Nos parlementaires devront examiner ces questions lors de la session parlementaire débutant en février 2023. Souhaitons que le Parlement prenne la mesure de la gravité de la violation des droits humains en Iran et qu’il vote des décisions concrètes, permettant à la Suisse d’être en accord avec ses valeurs et d’occuper la place qu’elle revendique sur la scène internationale. ❙
1 Cf. les faits rapportés p. ex. par l’ONG Iran Human Rights (iranhumanrights.org); ou par Amnesty International (amnesty.org/fr/location/middle-
east-and-north-africa/iran/#news).
2 Cf. article d’Armin Arefi paru le 10.1.2023 dans Le Point.
3 news.un.org/fr/story/2022/11/1130127 (consulté le 18.1.2023).
4 ohchr.org/fr/press-releases/2023/01/respect-lives-voices-iranians-and-listen-grievances-pleads-un-human-rights (consulté le 18.1.2023).
5 consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/iran/ – cf. aussi les résolutions du Parlement européen P9_TA(2022)0050 du 17.2.2022 et P9_TA(2022)0352 du 6.10.2022 (cf. europarl.europa.eu).
6 news.un.org/fr/story/2022/12/1130617 (consulté le 18.1.2023).
7 i24news.tv/fr/actu/international/europe/1672751466-les-gardiens-de-la-revolution-iraniens-seront-nommes-organisation-terroriste-dans-quelques-semaines-media-britannique (consulté le 18.1.2023).
8 challenges.fr/top-news/iran-l-ue-pourrait-designer-comme-terroristes-les-gardiens-de-la-revolution-dit-paris_841548 (consulté le 18.1.2023).
9 Résolution P9_TA(2023)0016 du 19.1.2023 du Parlement européen sur la réaction de l’UE face aux manifestations et aux exécutions en Iran (europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0016_FR.html).
10 eda.admin.ch/eda/fr/dfae/politique-exterieure/organisations-internationales/nu/engagement-suisse/UNO-Sicherheitsrat.html (consulté le 18.1.2023).
11 admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-92523.html
12 Le Conseil des droits de l’homme, Guide pratique, Les priorités suisses au Conseil des droits de l’homme, publié par la Confédération suisse en 2015, p. 3.
13 Lancée par Free Iran Switzerland.
14 Cf. p. ex. la lettre ouverte au CF publiée dans Le Temps du 17.11.2022 par l’association Zan Zendegui Azadi – Femme Vie Liberté – Suisse (dont l’auteure du présent article est membre); cf. aussi sa lettre du 21.12.2022 au CF, accessible sur le site www.femmevieliberte.ch.
15 newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/67115.pdf
16 Cf. p. ex.: Question 22.7918 «Reprendre les sanctions à l’encontre de l’Iran. Conforter la société civile» du 30.11.2022 de la conseillère nationale Friedli (liquidée); Question 22.7762 «Droits des femmes en Iran» du 20.9.2022 de la conseillère nationale Marti (liquidée). Cf. aussi N. Bourban «Les députés suisses parrainent aussi les condamnés à mort en Iran», quotidien 24 Heures du 15.1.2023.
17 Objet N° 23.020. Et cf. communiqué de presse du 17.1.2023 (parlament.ch). Cf. aussi la Motion 22.4278 «Soutien à la société civile iranienne» déposée par la Commission de politique extérieure du CN le 22.11.2022.