Le conflit armé qui a sévi au Népal a fait plus de 17000 victimes. Pendant dix ans, les violences sexuelles, la torture, les disparitions forcées et l’enrôlement d’enfants soldats étaient monnaie courante.
TRIAL International intervient dans le pays depuis 2010 pour soutenir les victimes dans leur quête de justice et former des avocats locaux. En tant que responsable de programme, je suis en contact quotidien avec ces victimes et les membres de la société civile sur place.
Une décennie après la fin du conflit, la lutte contre l’impunité reste malheureusement d’actualité. Le système judiciaire népalais est frappé d’inertie. Des centaines de victimes attendent encore d’obtenir justice et les coupables sont toujours en liberté. Cette impunité s’étend malheureusement aussi aux crimes commis après le conflit, notamment les exécutions arbitraires et la torture.
Plusieurs facteurs expliquent cette impunité généralisée. D’une part, la législation népalaise est loin de correspondre aux standards internationaux. Par exemple, les actes de torture ne sont pas considérés comme des infractions pénales. D’innombrables victimes de torture – y compris des enfants – n’ont donc aucun recours pour voir leur agresseur puni à la hauteur de leur crime. L’absence totale de volonté politique est un autre facteur favorisant l’impunité. Le gouvernement cherche constamment à protéger ses officiers de police et les gradés de l’armée qui se sont rendus responsables des crimes les plus graves pendant le conflit armé.
Face à l’inertie de la justice népalaise, notre organisation porte devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDH) les affaires de violations des droits humains qui n’ont pas abouti devant les cours nationales.
Lorsque nous nous saisissons d’une nouvelle affaire, je rencontre les victimes pour établir un lien de confiance avec elles. Lors de ces rencontres, je cherche à établir les faits et à rassembler des preuves. Nombreuses sont les victimes qui ont été, jusqu’ici, déçues par les procédures judiciaires: je passe donc également beaucoup de temps à leur expliquer chaque étape afin qu’elles se sentent les plus impliquées possible. Cette phase peut durer entre six et dix mois. Quand le dossier est prêt, la longue procédure devant le CDH peut commencer. Le dépôt formel de la plainte contre l’Etat népalais, les réponses aux observations et les délibérations du Comité peuvent durer plusieurs années. Ces longueurs sont une frustration additionnelle pour les victimes. C’est pourquoi nous restons en contact avec elles, leur expliquons les raisons de ces lenteurs et tentons de les rassurer.
Jusqu’à présent, TRIAL International a toujours obtenu des décisions positives. C’est une grande joie pour nous et pour les victimes de voir leurs souffrances enfin reconnues. Malheureusement, le CDH ne dispose pas de mécanismes contraignants pour faire appliquer ses recommandations. De ce fait, malgré les douze décisions à son encontre, l’Etat népalais n’a rien mis en œuvre pour les victimes. Toutes attendent encore vérité, justice et réparations, et les coupables jouissent de l’impunité la plus totale. C’est pourquoi TRIAL International a lancé la campagne «Real Rights Now», pour pousser le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations des Nations Unies et, enfin, assurer les droits des victimes. La mobilisation publique et le plaidoyer sont un autre pan essentiel de notre travail, sans lequel nos victoires juridiques resteraient lettre morte.
Le Népal n’a pas ratifié le Statut de Rome et le continent asiatique ne dispose d’aucune Cour régionale. Malgré ses limites, le Comité des droits de l’homme reste donc la seule instance supraétatique vers laquelle les victimes népalaises peuvent se tourner. A l’avenir, il est essentiel que le CDH soit réformé et puisse mettre en œuvre ses décisions. Il en va du sort de milliers de victimes, au Népal et dans le monde.