Quand une entreprise est-elle assujettie à l’impôt sur le bénéfice au niveau de la société aux Etats-Unis? En Suisse, l’assujettissement à l’impôt dépend, en principe, de l’existence de la personnalité juridique du point de vue du droit civil (art. 1 et 49 LIFD).
Or, la fiction de la personnalité juridique n’a aucune importance en droit américain pour distinguer l’imposition dite «transparente» d’une entreprise, quand l’impôt sur le rendement de l’entreprise est prélevé directement au niveau des détenteurs de participations, et celle d’une imposition «classique» de société, lorsque cette dernière est un sujet fiscal indépendant (BLANCHARD KIMBERLY S., The Tax Significance of Legal Personality: A US View, 2012). En effet, les règles états-uniennes d’assujettissement à l’impôt sur le bénéfice ignorent, en principe, le droit commercial, cela valant tant pour les entreprises domestiques que pour les étrangères.
La loi fiscale fédérale (notamment l’Internal Revenue Code – IRC) et les règlements y relatifs (Code of Federal Regulations, CFR) stipulent expressément que, en ce qui concerne l’impôt fédéral, le droit fiscal fédéral américain détermine si une entreprise est distincte de ses propriétaires ou non, cela quelle que soit sa forme juridique dans l’Etat dans lequel elle a été créée (26 CFR 301.7701-1). La seule exception est le cas d’une entreprise organisée en tant que société selon le droit commercial d’un Etat américain: celle-ci est toujours assujettie à l’impôt sur les sociétés au niveau fédéral ainsi qu’au niveau de l’Etat en question.
Ainsi, selon le droit fédéral américain, comment pouvons-nous distinguer les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés? L’IRC suit une approche à trois niveaux.
Premièrement, il s’agit de déterminer si un arrangement spécifique peut être qualifié de simple contrat, de contrat conférant un droit de propriété («ownership agreement») ou de création d’une entité distincte au sens du droit fiscal. En particulier, une entreprise commune (joint venture) peut créer une entité séparée du point de vue du droit fiscal si les participants poursuivent des activités commerciales ou des opérations financières et en partagent les profits (26 CFR § 301.7701-2).
Par conséquent, pendant cette première démarche de classification, il est fréquent de trouver l’existence d’une entité indépendante au sens du droit fiscal, qui n’est pas présente en dehors de ce contexte: par exemple, un «deemed partnership» ou un «constructive trust.» La jurisprudence états-unienne penche vers une présomption d’existence d’une entité de droit fiscal (Blanchard, 2015).
Une fois que l’existence d’une entité indépendante du point de vue du droit fiscal est établie, sa qualification exacte est déterminée par des normes diverses des CFR, sauf si l’IRC définit un traitement spécifique. En pratique, il faudrait déterminer si cette entité est une entreprise («business entity») ou un trust. Une entreprise est toute entité qui n’est pas un trust ou n’est pas sujette à un traitement spécial selon l’IRC.
Enfin, il conviendrait de déterminer si l’entreprise doit être catégorisée en tant que société («corporation») ou en tant qu’entité transparente fiscalement. Certaines entreprises sont automatiquement qualifiées en tant que sociétés et les autres peuvent choisir cette classification sous les règles du régime «check-the-box». Les sociétés créées sous le droit d’un des Etats américains (supra) sont automatiquement qualifiées, tout comme certaines entités étrangères ainsi que les entités qui sont définies en tant que sociétés par l’IRC.