A la suite de l’enlèvement et de l’assassinat d’un enfant par un délinquant sexuel récidiviste, la province de l’Ontario a instauré, en 2001, un registre des criminels sexuels. En 2004, avec l’entrée en vigueur de la loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, le Canada s’est doté d’un registre national des délinquants sexuels. Il s’agit d’une banque de données contenant diverses informations sur les agresseurs sexuels condamnés (les criminels ayant subi leur peine avant l’entrée en vigueur de la loi n’y figurent pas). Elle n’est pas publique et seuls les organes accrédités y ont accès. Le registre contient, outre des renseignements identitaires (nom, date de naissance, sexe, domicile, numéros de téléphone, caractéristiques physiques, etc.), des éléments tels que la description des infractions commises, le genre de travail, l’adresse de l’employeur, le véhicule utilisé. L’objectif du registre est double. Il sert, d’une part, d’instrument de prévention spéciale selon l’idée que figurer dans un tel répertoire constitue une sanction en soi. D’autre part, il facilite le travail de la police en permettant une identification plus rapide des suspects. S’agissant de la procédure, les délinquants sexuels sont tenus de comparaître auprès d’un bureau d’inscription, en principe dans les sept jours suivant leur condamnation, leur mise en liberté ou leur libération. Ils doivent ensuite s’annoncer chaque année et communiquer, sans délai, tout changement relatif aux renseignements enregistrés. En application du Code criminel canadien, cette obligation dure dix ans, vingt ans ou à perpétuité d’après la gravité des infractions perpétrées. Enfin, les données enregistrées sont, sauf acquittement et cas particuliers, conservées pour une durée indéterminée.
Toujours outre-Atlantique, les Etats-Unis disposent également d’un arsenal de lois fédérales réglementant le fichage des délinquants sexuels ainsi que la notification, ici consultable par tout un chacun, d’informations personnelles (nom, adresse, photo, infractions perpétrées, etc.).
Il n’existe pas, en Suisse, de registre listant les criminels sexuels. Toutefois, différentes bases de données (casier judiciaire, index national de police, système automatique d’identification des empreintes digitales, etc.) fournissent des informations utiles à l’identification ultérieure d’auteurs. Pour certains, ceci ne semble pas suffisant. La thématique se fait alors redondante sur la scène politique fédérale, que ce soit sous la forme d’objets parlementaires ou, même, d’une récente initiative populaire fédérale. Jusqu’alors sans succès…
N’en déplaise aux adeptes du populisme sécuritaire, les systèmes de fichage des délinquants sexuels nord-américains apparaissent comme des outils dispendieux visant davantage à (faussement) rassurer la population qu’à prévenir efficacement la criminalité. A l’extrême, on constate les dérives causées par la publicité des registres aux Etats-Unis. Là-bas, des auteurs, ainsi mis au ban de la société, ne peuvent se réinsérer au terme de leur peine et sont parfois agressés. Autant de facteurs criminogènes (isolement social, chômage, précarité) qui ne parlent pas en faveur d’une diminution du risque de passage à l’acte, bien au contraire. Ensuite, le principe même d’un registre renforce les mythes selon lesquels les agresseurs sexuels récidivent forcément et sont de parfaits inconnus. A cet égard, il est clairement établi qu’en vérité, les délinquants sexuels présentent un taux de récidive de base modéré, à la différence d’auteurs de certaines infractions autres que sexuelles dont le taux de récidive de base est élevé ; ensuite, on sait que, dans la majorité des cas d’agression sexuelle, l’auteur connaît sa victime. Dans cette situation, l’utilité d’un registre apparaît nulle, puisque la victime sait, très probablement, qui est son abuseur et où celui-ci réside.