Depuis le génocide rwandais de 1994, l’est de la République démocratique du Congo est le théâtre de violents affrontements entre des groupes armés et l’armée nationale. Ces groupes visent essentiellement le contrôle et l’exploitation des ressources minières de la région. Des milliers de civils ont perdu la vie dans ces conflits. De graves violations des droits humains, notamment des cas de violences sexuelles, continuent d’être documentées.
TRIAL International intervient principalement dans les provinces du Kivu, qui sont les plus touchées par ces violences. Notre travail consiste à documenter les crimes de masse dans des zones reculées et en proie à des situations sécuritaires difficiles. Nous fournissons ensuite ces éléments de preuves aux autorités judiciaires compétentes. Celles-ci sont, dans la plupart des cas, très éloignées du lieu de l’incident et manquent de moyens pour enquêter de manière satisfaisante.
Les preuves pour les crimes de violences sexuelles sont récoltées suivant le Protocole international relatif aux enquêtes sur les violences sexuelles dans les situations de conflits*, dont TRIAL International assure la diffusion et l’appropriation en RDC. Les missions de documentation se préparent au moins dix jours à l’avance, suivant trois étapes.
D’abord, nous échangeons sur les modalités de la documentation. Nous évaluons le canevas d’enquête, précisons les objectifs de la mission et discutons de la méthodologie à adopter sur place.
Nous examinons ensuite la faisabilité de la mission, en analysant la situation sécuritaire et des risques pour les participants, les victimes et la communauté locale. Etant donné la précarité de la situation, il est parfois difficile de déterminer si, dans une zone, le groupe armé impliqué dans les crimes sévit encore. Dans ces cas-là, la documentation sera plus risquée.
Enfin, nous préparons les dispositions logistiques. Il faut, par exemple, décider du mode de déplacement: jeep ou moto, estimer les moyens matériels nécessaires à mobiliser pour la documentation, entre autres. Durant la saison des pluies, certaines routes sont impraticables, ce qui nous oblige à parcourir plusieurs kilomètres à pied pour atteindre les lieux du crime. Chaque cas est particulier.
En fournissant des preuves bien documentées, nous soutenons l’action judiciaire devant les tribunaux congolais et les instances internationales de protection des droits humains. Plus les preuves sont convaincantes, plus les plaintes des victimes ont de chance d’aboutir.
Avant que TRIAL International ne commence à soutenir les enquêtes en RDC, plusieurs organisations locales documentaient déjà ces crimes, comme Avocats sans frontières (ASF), l’Association du Barreau américain (ABA) et le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme (Bcnudh). Grâce à leur travail, des poursuites ont été ouvertes, des procès tenus et des criminels condamnés. Ces victoires ont permis aux victimes de reprendre espoir en la justice. Le rôle de TRIAL International s’inscrit dans la continuation de cet effort commun. A notre tour, à présent, nous aidons les ONG locales à améliorer la qualité de leur documentation. Par exemple, nous les formons à la récolte de preuves photographiques, sonores et vidéo.
Je suis persuadé que documenter les crimes les plus graves est la base de la réussite d’un procès. La RDC est déchirée par les conflits, mais l’espoir de justice est très présent. Le récent verdict dans l’affaire de viols d’enfants à Kavumu ravive la confiance d’innombrables victimes.
En RDC, les défenseurs des droits humains forment une communauté très soudée et solidaire. Ce soutien mutuel est nécessaire et nous permet de tenir face à tous ces crimes odieux, en attendant qu’ils ne cessent définitivement.
*www.euromedwomen.foundation ➛Centre documentaire ➛Documents ➛aller dans la fenêtre «titre», taper «protocole»