La croissance des échanges commerciaux entre le Cambodge et la Suisse au cours des dernières années et les éventuels différends qui peuvent en découler méritent un bref exposé sur la reconnaissance et l’exequatur des décisions étrangères en matière civile et commerciale au Cambodge, et plus particulièrement celles de la Suisse.
A l’exception de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits des enfants, le Cambodge et la Suisse ne sont liés ni par un accord bilatéral ni par une convention internationale régissant la reconnaissance et l’exequatur des décisions étrangères en matière civile et commerciale. Ainsi, le droit interne du Cambodge s’applique pour qu’une décision helvétique déploie ses effets sur son territoire.
A la différence de la Suisse, le Cambodge n’a pas de loi sur le droit international privé. Aucune formalité ou procédure spéciale, sauf en cas d’exception, n’est nécessairement demandée pour qu’une décision étrangère définitive et irrévocable soit reconnue sur le territoire cambodgien, si cette dernière satisfait à toutes les conditions requises par l’article 199 du Code de procédure civile cambodgien de 2007 (CPC), à savoir: (a) la compétence du tribunal étranger est reconnue par une loi, un traité ou une convention ratifiée par le Cambodge; (b) la citation à comparaître ou tout autre acte introductif d’instance ont été notifiés au défendeur défaillant ou, à défaut, ce dernier a répondu à la prétention de la demande; (c) le contenu du jugement, et la procédure dans laquelle le jugement est rendu ne sont pas contraires à l’«ordre public» ou aux «bonnes mœurs» du Cambodge et (d) il existe une garantie de réciprocité entre le Cambodge et le pays étranger dans lequel le tribunal est basé.
Quant à l’exequatur d’une décision étrangère, le CPC prévoit à son article 352 une procédure spéciale en la matière. Une action doit être intentée pour confirmer que les conditions de reconnaissance ont été respectées et exiger que la décision étrangère soit déclarée comme ayant force exécutoire au Cambodge. Dans l’action, le fond de la décision étrangère ne peut être réexaminé (art. 352 alinéa 4 CPC). Le for compétent est celui du domicile du défendeur qui est déterminé par l’article 8 CPC ou, en l’absence de celui-ci, le tribunal de première instance du lieu de l’objet de la demande (art. 352 alinéa 2 CPC). Le jugement rendu et la décision étrangère forment un titre exécutoire (art. 350 alinéa 2-g CPC).
A ce jour, il semble qu’aucune demande d’exécution d’une décision suisse n’ait été introduite au Cambodge. Etant donné que le Code de procédure civile cambodgien mentionne les conditions de reconnaissance et d’exequatur des décisions étrangères et que, à notre connaissance, il n’existe aucun accord sur la réciprocité des décisions de justice entre le Cambodge et la Suisse, il est possible qu’un tribunal cambodgien réévalue le fond de l’affaire avant de décider s’il exécute une décision suisse.
Ratha Lim, doctorante en droit à l’Université de Neuchâtel, travaille sur le thème de la réception d’un modèle de procédure civile étranger, en faisant une étude comparée des Codes de procédure civile japonais et cambodgien.