En juillet 2010, l'affaire «Sara Landriault» fait le tour de la presse canadienne: une mère de famille à la peau blanche habitant la région d'Ottawa postule à un emploi au sein de l'administration fédérale.
A sa surprise, le système électronique permettant de postuler en ligne met fin à sa requête après sa réponse à une question portant sur son origine. En effet, le poste en question est réservé aux personnes autochtones (c'est-à-dire aux Amérindiens) ou faisant partie d'une minorité visible (c'est-à-dire des personnes dont la couleur de la peau n'est pas blanche). N'appartenant à aucune de ces deux minorités, Sara Landriault ne peut pas compléter sa candidature en ligne. Scandalisée par ce processus, elle s'adresse aux médias.
L'affaire «Sara Landriault» a mis en lumière un système de discrimination positive appliqué dans l'administration fédérale canadienne depuis quelques années. Telle que pratiquée par plusieurs ministères, cette discrimination positive ne se limite pas à encourager certains groupes ethniques à postuler, mais va jusqu'à exclure les dossiers de candidature de personnes faisant partie d'un groupe surreprésenté au sein de l'administration. Les emplois mis au concours peuvent ainsi se limiter à certains groupes désignés, tels que les femmes, les handicapés, les autochtones et les minorités visibles.
C'est la loi sur l'équité en matière d'emploi, adoptée en 1986 et modifiée en 1995 (L.C. 1995, c. 44,E-5.401), qui permet de favoriser certains groupes lors de l'embauche. Le but de cette loi est «de corriger les désavantages subis» par ces groupes dans le domaine de l'emploi. Issus de l'histoire multiculturelle du Canada, ce texte législatif et la discrimination positive stricte qui en découle sont de plus en plus critiqués aujourd'hui. L'affaire «Sara Landriault» a ainsi donné l'occasion au gouvernement conservateur de faire une révision de l'application de la loi sur l'équité en matière d'emploi. Selon des articles de presse parus au début de novembre 2010, cette révision vient d'être achevée. Modifiant la pratique actuelle, de nouvelles lignes directrices aviseront les ministères fédéraux de ne plus exclure des candidats à des emplois en raison de leur origine ethnique.
Si l'on jette un coup d'œil sur l'actualité suisse, on constate qu'une ligne de conduite similaire a été adoptée récemment pour l'administration fédérale, dans un contexte toutefois très différent. A Berne, il n'est pas question de protection des minorités ethniques lors de l'embauche, mais de protection des minorités linguistiques. L'ordonnance sur les langues, entrée en vigueur le 1er juillet 2010, prévoit ainsi un taux minimal de présence linguistique s'appliquant dans l'administration fédérale (allemand: 70%; français: 22%; italien: 6%; romanches: 1%). C'est pour la première fois que ces chiffres - qui reflètent d'ailleurs la situation démographique actuelle des communautés linguistiques - figurent dans un texte normatif. Les Alémaniques étant surreprésentés dans les fonctions dirigeantes et dans certains départements, l'instauration de valeurs cibles est d'une importance non négligeable. L'ordonnance ne va toutefois pas aussi loin que la pratique canadienne. Il est ainsi exclu de mettre au concours des postes réservés à une seule communauté linguistique. Selon le conseiller fédéral Didier Burkhalter, il ne s'agit pas de forcer les changements, mais d'engager un processus. C'est par le pouvoir de conviction plus que par la contrainte que les minorités linguistiques sont protégées à Berne, une solution à laquelle semble être arrivée l'administration fédérale à Ottawa à la suite de l'affaire «Sara Landriault».
Mélanie Mader, Dr en droit, LL.M. (Cambridge GB), poursuit une partie de son travail de thèse au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal grâce à une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique.