Sommaire
Plaidoyer 5/10
07.10.2010
Dernière mise à jour:
07.10.2013
Richard Greiner
Samedi matin, minuit vingt. Quelque part au bord du lac Victoria, une foule de gens applaudit. Les sourires accompagnent certains gros soupirs de relâchement. Le crime d'agression est adopté par consensus. La tension perceptible lors des derniers jours retombe.
Les mots du président liechtensteinois de l'Assemblée des Etats Parties au Statut de la Cour pénale internationale viennent conclure deux semaines de Conférence de r&eacut...
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Samedi matin, minuit vingt. Quelque part au bord du lac Victoria, une foule de gens applaudit. Les sourires accompagnent certains gros soupirs de relâchement. Le crime d'agression est adopté par consensus. La tension perceptible lors des derniers jours retombe.
Les mots du président liechtensteinois de l'Assemblée des Etats Parties au Statut de la Cour pénale internationale viennent conclure deux semaines de Conférence de révision du Statut de Rome. Ici, en Ouganda, au cœur d'une région durement touchée par les crimes les plus graves, on aimerait penser que le moment est historique. Quelques heures auparavant, personne n'était encore prêt à parier un kopek sur l'issue favorable de la Conférence. Certes, la Déclaration de Kampala rappelle le soutien des Etats à la Cour, mais elle est non contraignante et son impact reste symbolique.
D'autre part, l'amendement belge criminalisant l'utilisation de certains types d'armes (gaz, poison, balles dum dum) dans les conflits armés à caractère non international n'a qu'une portée pratique minime. Il aurait été judicieux de se pencher sur les armes plus actuelles, à savoir les mines antipersonnel et l'arme nucléaire, problèmes d'une autre envergure. Après les interventions introductives de Ban Ki-moon ou de Kofi Annan, la tirade assez délirante du président ougandais et l'enchaînement à un rythme infernal et interminable du flux de délégations étatiques et autres observateurs, plusieurs thèmes prédéterminés ont donné lieu à des tables rondes: l'impact du système du Statut de Rome sur les victimes, la relation entre la paix et la justice, la coopération et la complémentarité.
Deux petits incidents ont légèrement animé les débats. L'un opposant la délégation israélienne à celles d'Egypte et de Palestine au sujet de la flottille de Gaza - nécessitant la relecture du Règlement - et l'autre à la suite de la prise de parole virulente de la représentante du Parlement européen condamnant la lenteur du Sénégal pour juger le dictateur tchadien Hissène Habré.
Le véritable enjeu de Kampala était toutefois abordé en deuxième semaine. L'objectif commun était de conclure la Conférence avant le coup d'envoi de la Coupe du monde. Les négociations autour du crime d'agression auront abouti quelques heures plus tard, sacrifiant au passage l'intégrité du Statut, chère à TRIAL et aux membres de la Coalition suisse pour la CPI dont j'étais le représentant sur place. La Conférence a eu le mérite de remettre l'accent sur le ius contra bellum, 65 ans après les condamnations pour crime contre la paix prononcées à Nuremberg et à Tokyo. Le prix à payer fut l'acceptation de dispositions complexes relatives à l'exercice de la juridiction par la Cour. S'attachant à leur rôle d'autoproclamés gardiens d'une paix du siècle dernier, les membres permanents du Conseil de sécurité ont été des éléments perturbateurs. Le procureur pourra néanmoins exercer sa juridiction de sa propre initiative ou à la demande d'un Etat Partie sans que le Conseil de sécurité ait au préalable qualifié une situation d'acte d'agression.
Les Etats gardent la possibilité d'opting out et l'entrée en vigueur sera soumise à une décision de 74?Etats membres ainsi que la ratification de 30 d'entre eux, mais pas avant 2017. Signe du destin, la mise en œuvre du Statut de Rome dans le Code pénal suisse a abouti quasi simultanément. Mais le crime d'agression attendra.
Richard Greiner a été le coodinateur de la coalition suisse pour la Cour pénale internationale à la Conférence de révision du Statut de Rome, début juin à Kampala, capitale de l'Ouganda