Le 10 juin 2011, le Ministère chinois des ressources humaines et de la sécurité sociale a soumis à une consultation publique d'une semaine les mesures provisoires pour l'adhésion des étrangers employés en Chine à la sécurité sociale chinoise. Ces mesures constituent un règlement d'application de la nouvelle loi chinoise sur la sécurité sociale, entrée en vigueur peu après, le 1er juillet 2011.
Selon cette loi, les employés étrangers en Chine comme leurs employeurs seraient désormais soumis à la sécurité sociale chinoise. Celle-ci couvre la retraite, la maladie, les accidents professionnels, le chômage et la maternité.
La Chambre de commerce européenne en Chine a estimé que la contribution annuelle de l'employeur pourrait s'élever à 51900 CNY (7143 fr.) à Shanghai et à 49150 CNY (6765 fr.) à Pékin, alors que celle de l'employé représenterait jusqu'à 15430 CNY (2123 fr.) à Shanghai et 15915 CNY (2190 fr.) à Pékin. Ce sont des sommes non négligeables rapportées au marché du travail chinois, ce qui explique que cette perspective a fait couler beaucoup d'encre.
En effet, si cette loi ne représente, pour les employés chinois, qu'une mise à jour, importante certes, d'une situation existante, il n'en va pas de même pour les employés étrangers, dont l'adhésion était jusqu'alors impossible. Ainsi, si l'employeur ne contribuait pas volontairement à la sécurité sociale de leurs employés expatriés, ceux-ci n'avaient d'autre recours que d'adhérer facultativement à la sécurité sociale de leur pays d'origine, quand celui-ci le permettait, comme la Suisse (à certaines conditions), ou de se contenter d'épargner.
Si nous avons choisi cet exemple pour sujet de cette «Lettre de Chine», ce n'est pas tant pour discuter la problématique du droit du travail ou des assurances sociales, mais plutôt un cas typique du processus législatif chinois et des difficultés pratiques en résultant pour l'investisseur étranger en Chine et son avocat ou son juriste.
Ainsi, alors même que la loi sur la sécurité sociale était sur le tapis depuis plusieurs mois et qu'elle a été promulguée le 28 octobre 2010 déjà pour n'entrer en vigueur que le 1er juillet 2011, les autorités chinoises ont attendu le 10 juin 2011, trois semaines avant l'introduction de la loi, pour faire circuler pendant une semaine seulement le projet des mesures concernant les employés étrangers.
En l'occurrence, celles-ci soulèvent autant de questions qu'elles apportent des réponses. Par exemple, la loi contraint l'employeur en Chine d'un employé étranger à s'enregistrer dans les trente jours suivant son établissement, mais ne dit rien des employeurs déjà présents avant l'entrée en vigueur de la loi. Le barème du calcul des cotisations n'est précisé nulle part. Notamment, nul ne sait si celui qui s'applique aux employés chinois sera également valable pour les étrangers. La loi prévoit des exceptions pour les pays ayant conclu une convention avec la Chine en la matière. Or, seuls deux pays, l'Allemagne et l'Australie, l'ont fait. Quel sera alors le sort des employés suisses en Chine cotisant facultativement aux assurances sociales suisses?
Pour couronner le tout, la loi prévoit des sanctions détaillées en cas d'inobservance, alors que diverses consultations avec les autorités d'application, quelques jours avant l'entrée en vigueur, ont révélé que celles-ci ignoraient tout de l'adhésion des étrangers à la sécurité sociale chinoise et qu'elles n'avaient pris aucune disposition à cet effet, encore que différents fonctionnaires et différentes juridictions consultés étaient de différents avis.
Savoir que dire à ses clients en pareilles circonstances tient ainsi souvent de l'équilibrisme. Le but de cette «Lettre de Chine» n'est pourtant pas de fustiger le système légal chinois, dont l'auteur de ces lignes est un grand admirateur, mais d'illustrer que la rapidité extraordinaire de son développement pose des problèmes de mise en œuvre plutôt que de fondement du droit. Des problèmes qui nécessitent souvent une approche plus pragmatique et moins formaliste qu'en Suisse.