Une décision «juridiquement créative» à l’encontre du Procureur
Sommaire
Plaidoyer 01/2017
24.01.2017
Sylvie Fischer
La décision du Conseil supérieur de la magistrature du 8 août 2016, dont seul un extrait a été publié sur internet (CSM/4/2016 DISCIP), reconnait un manquement à la dignité du magistrat dans l’affaire du Procureur général genevois qui avait flirté publiquement, lors d’une soirée dansante, avec une jeune procureure sur laquelle il avait autorité. Le CSM estime qu’un avertissement serait ...
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AbonnementLa décision du Conseil supérieur de la magistrature du 8 août 2016, dont seul un extrait a été publié sur internet (CSM/4/2016 DISCIP), reconnait un manquement à la dignité du magistrat dans l’affaire du Procureur général genevois qui avait flirté publiquement, lors d’une soirée dansante, avec une jeune procureure sur laquelle il avait autorité. Le CSM estime qu’un avertissement serait approprié, mais renonce à prononcer une sanction, notamment en raison du fort retentissement médiatique de cette affaire. Une décision «juridiquement créative», estime le professeur de droit administratif à l’Université de Genève, Thierry Tanquerel. Avocat à Genève et auteur d’une thèse sur le droit disciplinaire des magistrats du siège (Bâle, Helbing Lichtenhahn, 2016), Nicolas Pellaton estime, quant à lui, qu’«en faisant application du principe de l’opportunité des sanctions disciplinaires, en utilisant par analogie une solution prévue par le droit pénal, ce que je proposais dans ma thèse, le CSM a pris une décision valable, qu’il a déjà utilisée dans d’autres cas. Il serait toutefois souhaitable que cette possibilité soit inscrite et les motifs d’exemption définis dans la loi d’organisation judiciaire genevoise.» Ce qui porte à confusion, selon l’avocat, est le considérant disant que la procédure sera classée à l’égard du Procureur général. «Cela regarde l’opportunité des poursuites. Ici, puisque l’on constate un manquement, on ne peut plus classer la procédure. Le dispositif est cependant correct», car il renonce à une sanction disciplinaire au vu d’un intérêt à punir restreint. Nicolas Pellaton trouve «un peu étonnant» le fait que le Premier procureur ait siégé dans la composition du CSM avec voix consultative: «La LOJ prévoit un remplacement du Procureur général, membre de droit du CSM, par le Premier procureur. Elle prévoit également le siège avec voix consultative, notamment pour le Procureur général lorsque la procédure disciplinaire vise un procureur membre de sa juridiction, mais non l’inverse; le CSM a probablement utilisé cette solution par analogie vu les rapports hiérarchiques existant au sein du Ministère public.» L’art. 17 LOJ fait actuellement l’objet d’une révision pour l’adapter à la nouvelle Constitution genevoise, qui prévoit une composition d’une minorité de magistrats dans le CSM; une particularité allant à l’encontre des recommandations internationales en la matière.