Un arrêt marquant
Commentaire de l’arrêt du TF 6B_367/2021.
Sommaire
Plaidoyer 02/2022
22.03.2022
Dernière mise à jour:
30.03.2022
Clara Schneuwly, Avocate et membre du comité de l’Association des juristes progressistes (AJP)
Le 14 janvier 2021, le Tribunal fédéral a admis le recours d’une victime de violences sexuelles, en constatant que les conditions des infractions de viol et de contrainte sexuelle étaient réalisées.
Dans le cadre de cet arrêt, le Tribunal fédéral reconnaît que la recourante a valablement manifesté à son partenaire son refus d’entretenir avec lui des rapports sexuels, de manière claire, insi...
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Le 14 janvier 2021, le Tribunal fédéral a admis le recours d’une victime de violences sexuelles, en constatant que les conditions des infractions de viol et de contrainte sexuelle étaient réalisées.
Dans le cadre de cet arrêt, le Tribunal fédéral reconnaît que la recourante a valablement manifesté à son partenaire son refus d’entretenir avec lui des rapports sexuels, de manière claire, insistante et répétée, même si cette opposition n’a été que verbale.
Le Tribunal fédéral admet également qu’on ne saurait reprocher à la recourante de ne pas s’être opposée physiquement à son agresseur, compte tenu du caractère violent et impulsif de ce dernier et des violences physiques dont elle avait déjà été victime dans le passé. La peur que l’auteur inspirait à la victime est ainsi reconnue par le Tribunal fédéral comme un moyen de contrainte suffisant, au sens des articles 189 et 190 CP, pour obliger la victime à différents actes d’ordre sexuel non consentis.
Le raisonnement du tribunal s’inscrit dans une nouvelle approche logique et progressiste, ce qui se doit d’être souligné. Notre Haute Cour comprend et tient compte des réactions psychiques d’une personne victime de rapports sexuels non consentis. Le Tribunal fédéral s’arrête également sur le comportement adopté par l’auteur des faits en considérant que ce dernier aurait dû «s’assurer du consentement de sa partenaire, et non en tout cas comme il a fait, de simplement la contredire tout en poursuivant ses actes» (c. 2.3.2).
Toutefois, cet arrêt démontre bien les limites du droit pénal sexuel actuel. La question de l’usage d’un moyen de contrainte reste l’élément central de l’infraction. Pourtant, on sait aujourd’hui que l’usage de la contrainte n’est pas toujours nécessaire pour obliger une personne à subir des actes d’ordre sexuel qu’elle ne souhaite pas. La victime se trouve souvent, voire le plus souvent, dans un état de sidération qui ne lui permet pas de réagir à son agression. De plus, c’est principalement le comportement de la victime – et non pas celui de l’auteur– qui est analysé, afin de déterminer si elle s’est suffisamment défendue. Et il en sera ainsi tant que les dispositions pénales relatives aux violences sexuelles reposeront sur une présomption de consentement tacite de chacun à l’activité sexuelle.
Ainsi, une révision des infractions sexuelles est aujourd’hui indispensable et seul un renversement de cette présomption permettra de prendre en compte toutes les situations de violence sexuelle. La Suisse doit – conformément à ses engagements internationaux découlant de la Convention d’Istanbul – adopter une législation dans laquelle les infractions sexuelles seront fondées sur l’exigence de recueillir un consentement valide de son partenaire, car seule cette définition répond aux besoins des victimes. Il est temps que la loi n’entérine plus la conception patriarcale du consentement des femmes et que les tribunaux vérifient que le consentement est bien l’expression d’une volonté libre et autonome. ❙