«Certaines unités administratives exigent le versement d’émoluments véritablement dissuasifs aux personnes souhaitant consulter des documents en vertu de la loi sur la transparence.» Cette flèche n’émane ni d’un média ni d’une association de consommateurs montant aux barricades pour la transparence. Elle est lancée par la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N), qui soutient à une écrasante majorité (dix-sept voix contre quatre) une initiative parlementaire réclamant la gratuité de l’accès aux documents de l’Administration fédérale (sauf dans des cas dûment motivés où le coût qui en résulte pour elle est sans commune mesure avec l’intérêt public qu’il représente).
Cette revendication s’appuie sur un constat simple: tandis que le nombre des demandes de consultation est stable depuis quelques années, le montant total des émoluments réclamés a grimpé en 2015, pour atteindre 13 663 fr. (contre 2600 fr. en 2014 et 6500 fr. en 2013). Et ce sont toujours les mêmes départements qui monnaient leurs services, à en croire le dernier rapport du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT): «Il convient de noter la permanence des différences en la matière entre les différentes autorités. Alors que la Chancellerie fédérale et trois départements n’ont prélevé aucun émolument, quatre autres ont partiellement facturé leur temps de travail aux demandeurs.» A ce palmarès, les services de la défense (DDPS) viennent en tête, suivis de ceux de l’environnement et des transports (Detec) et de l’économie (DEFR).
L’initiative parlementaire sus-mentionnée (n° 16.432) donne quelques exemples: l’Office fédéral de l’armement exigeait 7900 fr. d’une association de citoyens uniquement pour la réalisation d’une étude sur la possibilité d’accéder au dossier des camions militaires Duro (devant être modernisés pour une somme exorbitante). Une association de protection contre le bruit s’est, pour sa part, vu réclamer 16 500 fr. pour obtenir une copie d’un rapport de 90 pages.
Résultat, rapporte l’auteure de l’initiative, Edith Graf-Litscher, «lorsqu’ils voient les sommes qui leur sont réclamées, les citoyens et les journalistes préfèrent généralement retirer tout bonnement leur demande.»
Pourtant, l’ordonnance sur la transparence (Otrans) est claire: la photocopie ou la transmission en ligne est facturée 20 ct. par page (ou jusqu’à 2 fr. pour des formats spéciaux), la copie sur CD-Rom ou DVD se monte à 35 fr. Quant au travail pour la préparation des documents, il peut être facturé 100 fr. de l’heure. Cependant, il n’est pas perçu d’émolument quand la demande occasionne des frais inférieurs à 100 fr.
Par ailleurs, depuis septembre 2014, une réduction d’au moins 50% doit en principe être pratiquée quand la demande émane d’un média. Cet allégement a été introduit à la suite d’un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 139 I 114), qui avait dénoncé les pratiques dissuasives de certains services de l’administration et estimé que les médias, en particulier, devaient bénéficier d’une exonération (ou du moins d’une réduction) des coûts, en raison de leur mission d’information.
Un message qui, à l’évidence, a encore de la peine à passer… La Commission des institutions politiques du National l’a compris: pour barrer la route aux pratiques abusives, rien ne vaut la gratuité.