La lutte contre la traite d’êtres humains est du ressort des cantons. Ces derniers ont ainsi la charge de la poursuite pénale et du soutien aux victimes. C’est donc une étude centrée sur les cantons que nous offre le CSDH en soulignant les aspects négatifs et positifs du fédéralisme.
Pour l’heure, dix-huit cantons ont organisé des tables rondes visant la collaboration de tous les acteurs de la lutte contre la traite d’êtres humains. Il s’agit notamment des ministères publics et de la police, des autorités de protection de l’enfant et de l’adulte ou d’organisations non gouvernementales, telles que le FIZ (Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes).
Le rapport relève des différences cantonales dans le traitement de la problématique. Ce point avait pourtant été pointé du doigt par le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite d’êtres humains du Conseil de l’Europe (GRETA) en 2019 déjà.
Le CSDH le souligne: les mesures mises en place sont, dans la majeure partie des cas, proportionnelles aux risques locaux. Il en ressort que les différences de traitement sont également structurelles, en ce sens que les cantons adaptent leurs mesures en fonction des risques inhérents à la traite d’êtres humains sur leurs territoires respectifs.
Axé sur la prostitution
Le plus souvent, les mesures visent la lutte contre la traite d’êtres humains dans le secteur de la prostitution. Or, le rapport relève aussi que certaines régions pourraient être plus touchées par la traite d’êtres humains par l’exploitation du travail. Tel est le cas où certains types d’activités sont prévalents. Constat a été apporté que l’agriculture, les secteurs de l’hôtellerie et de la construction ou l’économie domestique présentaient un risque accru d’exploitation par le travail. Malheureusement, les moyens employés dans ce cadre sont lacunaires. Le CSDH propose donc d’inclure l’inspection du travail dans les tables rondes.
Peu de condamnations
Les statistiques de Fedpol démontrent bien qu’il s’agit d’un phénomène difficile à appréhender. Courant 2018, 86 infractions ont été saisies et 4 condamnations sont entrées en force. Parallèlement, le FIZ constatait 177 cas de traite d’êtres humains. Autant dire qu’un fossé existe entre la réalité du terrain et la poursuite pénale.
Or, il est compliqué d’appréhender cette infraction avec laquelle d’autres délits se recoupent, notamment les infractions à la loi sur les étrangers ou l’encouragement à la prostitution. Difficilement identifiable, la traite d’êtres humains reste en zone grise.
Exploitation du travail
Cela est d’autant plus le cas en matière d’exploitation du travail. Le GRETA s’était déjà inquiété des lacunes quant à la répression de la traite d’êtres humains par l’exploitation du travail lors de son deuxième cycle d’évaluation en 2019. Le groupe d’experts relevait déjà que les interprétations restrictives de ce que constitue la traite d’êtres humains menaient à des acquittements ou à des affaires considérées comme des violations du droit du travail ou une exploitation n’impliquant pas la traite des êtres humains. Preuve en est, les condamnations sont particulièrement rares, surtout dans le secteur de la construction.
La disposition légale applicable, nommément l’article 182 CP, ne définit pas précisément le terme d’exploitation. Les juges en donnent une interprétation pour le moins restrictive en s’attardant sur l’autodétermination de la victime. Une interprétation qui va à l’encontre d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle considérait l’abus de vulnérabilité comme un moyen permettant de condamner l’employeur pour traite.
Des efforts doivent être réalisés
Bien que le rapport du CSDH conclue que certains cantons, comme Genève ou Berne, couvrent le risque estimé de traite d’êtres humains en menant des actions adéquates, il est fait état d’un traitement disparate au niveau suisse. Il est ainsi noté que d’autres cantons n’ouvrent que peu de procédures pénales ou ne sont pas équipés d’un dispositif de lutte suffisant au vu du risque estimé. Des efforts doivent donc être encore réalisés pour assurer l’établissement d’un mécanisme de lutte efficace contre ce fléau. ❙