En choisissant un système fédéraliste en matière d’exécution des sanctions pénales, le législateur a choisi que l’exécution des peines et mesures ressortisse aux cantons (art. 123 II Cst). Le fait que les cantons exécutent les jugements rendus par leurs tribunaux (à ce sujet, rappelons que les jugements pour une affaire similaire ne seront pas identiques à Genève ou en Argovie) implique déjà une certaine hétérogénéité en pratique, alors que les cantons devraient en même temps garantir une exécution uniforme des sanctions pénales (art. 372 III CP).
Afin d’harmoniser les conditions d’exécution des jugements pénaux et des décisions y relatives, les trois Concordats régionaux sur l’exécution des peines et mesures (Suisse centrale et Nord-Ouest, Suisse orientale et Suisse latine) ont édité plusieurs actes législatifs. La nécessité d’une collaboration intercantonale est ainsi reconnue depuis longtemps et les trois Concordats ont réglé la procédure d’examen visant l’octroi d’allégements dans l’exécution bien avant les derniers cas tragiques de récidive ayant ébranlé la Suisse (à savoir les affaires «Marie» dans le canton de Vaud, «Adeline» à Genève et «Lucie» en Argovie). En outre, à la suite de la fuite d’un détenu bernois lors de sa sortie accompagnée dans le canton de Neuchâtel, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a édicté une notice sur les allégements dans l’exécution des peines et mesures. Dans sa note, la CCDJP relève que le contenu des trois réglementations intercantonales concorde dans les grandes lignes mais qu’il existe des divergences dans les détails, notamment sur la définition des «allégements» dans l’exécution des sanctions pénales; l’échange d’informations entre les autorités compétentes; les compétences pour autoriser les allégements; les particularités présentées par les personnes jugées dangereuses.
A la lueur des informations communiquées à la suite de l’assassinat de septembre dernier à Genève, les points sensibles concernent surtout le dernier critère, à savoir celui de la dangerosité. A ce propos, le TF a précisé la procédure à suivre lors de l’évaluation du risque de récidive/de fuite des personnes qualifiées de dangereuses. Le TF exige ainsi l’établissement d’un pronostic différentiel, à savoir un examen de l’évolution de la dangerosité depuis le début de l’exécution de la sanction. L’autorité compétente doit tenir compte de la situation globale de la personne condamnée et de ses chances de réinsertion, notamment de ses antécédents judiciaires, de sa personnalité, de son degré de maturité, de son comportement en général, dans le cadre de la commission des délits ainsi que durant la détention, de son éventuel amendement et des conditions dans lesquelles elle vivra après sa libération. Le degré de probabilité qu’une nouvelle infraction soit commise ainsi que l’importance du bien juridique menacé doivent être considérés dans l’appréciation globale de la situation (ATF 124 IV 193 c. 3 et 4d).
Aujourd’hui, il est nécessaire que les intervenants du domaine de l’exécution des sanctions pénales (politiques, autorités d’exécution et de probation, établissements de détention) se focalisent sur une harmonisation des moyens afin que les 26 cantons puissent identifier les personnes présentant un risque de récidive élevé, en se référant aux mêmes critères quantitatifs et qualitatifs. Cela exige l’établissement de standards reconnus (méthodes, procédures et outils à appliquer, par exemple les échelles d’évaluation) auxquels doivent se référer en même temps les autorités, les établissements de détention et les commissions d’examen de la dangerosité. Une telle mise en place requiert évidemment des ressources financières et humaines considérables.
Thomas Freytag, lic. iur., président de la Fédération des établissements de privation de liberté Suisse (FES) et chef du Service de l’application des sanctions pénales et des prisons (SASPP) du canton de Fribourg. Fondée en 2010, la FES est une association professionnelle regroupant les directrices et directeurs des établissements de privation de liberté se trouvant sur le territoire helvétique.