Si les réseaux sociaux permettent à ceux qui y participent de publier leurs propres contenus, ils peuvent aussi être utilisés pour partager des contenus créés par des tiers, soit en les reprenant, soit en fournissant un lien renvoyant vers la page sur laquelle ils sont publiés.
En droit suisse, sous l’angle du droit d’auteur, la simple fourniture d’un lien renvoyant au contenu d’un tiers, sans l’intégrer sur sa propre page, est en principe libre1. Au-delà du simple référencement du contenu d’un tiers, dans quelle mesure peut-on licitement le reprendre pour le publier sur un réseau social?
On précisera d’abord que seuls les contenus qui remplissent les conditions de l’art. 2 LDA, notamment qui possèdent un «caractère individuel», sont susceptibles d’être protégés. La reprise d’une œuvre qui ne remplit pas les conditions légales de protection est libre.
La publication de l’œuvre protégée d’un tiers sur un réseau social en constitue une utilisation tombant sous le coup de l’art. 10 LDA, dont l’al. 1 prévoit que «l’auteur a le droit exclusif de décider si, quand et de quelle manière son œuvre sera utilisée». Une telle reprise, lorsqu’elle est effectuée sans fournir un contenu propre, n’est pas couverte par le droit de citation de l’art. 25 LDA2.
En principe, la publication de l’œuvre protégée d’un tiers sur un réseau social n’est donc possible qu’avec son consentement. L’autorisation peut être fournie expressément, par exemple si l’auteur indique sur son site que son œuvre peut être librement utilisée, ou lorsque, contacté, il donne son accord. Elle peut aussi être donnée implicitement, quand il ressort de l’ensemble des circonstances que l’auteur a consenti à l’utilisation de son œuvre.
Souvent, lorsqu’une œuvre est publiée en ligne, elle est accompagnée d’une invitation à la «partager» sur les réseaux sociaux. Tel est par exemple le cas pour les articles publiés sur le site du journal Le Matin (rubrique «Partager & Commenter»).
Dans de tels cas, l’invitation au partage, et donc l’autorisation de l’auteur, ne porte souvent que sur la fourniture d’un lien renvoyant à la page sur laquelle l’œuvre est publiée, et non sur la reprise de l’œuvre elle-même.
L’auteur ne consent d’autre part au partage que sur le site sur lequel il invite à partager son œuvre. Par exemple, lorsqu’un article contient une icône invitant à un partage sur Facebook, on ne saurait en déduire que son auteur accepte implicitement que son œuvre soit reprise pour être partagée sur d’autres réseaux sociaux, ou publiée sur un site personnel.
On précisera également que la publication d’une œuvre sur un réseau social implique la ratification de ses conditions d’utilisation, qui incluent souvent l’octroi d’une autorisation d’utilisation relativement large. Par exemple, l’auteur, lorsqu’il publie une œuvre sur Twitter, octroie une licence autorisant la mise à disposition de ses tweets par les fournisseurs du service ainsi que par les autres utilisateurs3. Ainsi, tout utilisateur qui publie son œuvre sur Twitter accepte qu’elle soit «retweetée». Facebook prévoit des clauses permettant un partage similaire. Dans chaque cas d’espèce, il faudra examiner les conditions d’utilisation du réseau en cause pour déterminer à quelles utilisations l’auteur a consenti.
On rappellera enfin que celui qui utilise sans droit une œuvre protégée peut notamment être condamné à une peine privative de liberté d’un an au plus (art. 67 LDA) et au paiement de dommages-intérêts (art. 62 al. 2 LDA).
1Voir Steve Reusser, L’admissibilité des hyperliens en droit d’auteur, thèse Neuchâtel, Bâle 2014.
2Voir Pierre-Emmanuel Ruedin, La citation en droit d’auteur – Etude de l’article 25 LDA dans son contexte constitutionnel et international, thèse Neuchâtel, Bâle 2010, n° 443 ss.
3Voir twitter.com/tos?lang=fr, partie «vos droits» (conditions du 18 mai 2015).