Savoir le jour et l’heure
Sommaire
Plaidoyer 02/2016
24.03.2016
Dernière mise à jour:
31.03.2016
Sylvie Fischer
«Nul ne connaît ni le jour ni l’heure», dit l’Evangile de Matthieu. Il faut désormais réviser cette idée préconçue. Car, à l’heure où le processus de décès est influencé dans plus de la moitié des cas par une décision médicale1, c’est bien souvent le médecin de l’hôpital ou de l’EMS qui sait quand une vie prendra fin. Pourtant, le Consei...
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Abonnement«Nul ne connaît ni le jour ni l’heure», dit l’Evangile de Matthieu. Il faut désormais réviser cette idée préconçue. Car, à l’heure où le processus de décès est influencé dans plus de la moitié des cas par une décision médicale1, c’est bien souvent le médecin de l’hôpital ou de l’EMS qui sait quand une vie prendra fin. Pourtant, le Conseil fédéral a préféré, jusqu’alors, ne pas régler dans la loi une thématique aussi délicate que l’aide indirecte active au décès (cas où un éventuel raccourcissement de la vie est toléré comme l’effet collatéral inévitable de mesures visant à amoindrir les souffrances) ou l’aide passive (consistant à laisser le processus naturel de décès survenir en cessant l’utilisation d’appareils destinés à prolonger la vie).
Aline Lüthi, qui a consacré sa thèse à rédiger un projet d’art. 111bis et 111ter complétant le Code pénal2, estime qu’il «règne en la matière une insécurité juridique intenable à laquelle il convient de mettre fin». Tout d’abord pour les patients, souvent dans un tel état de faiblesse ou d’inconscience qu’ils ne peuvent participer à la décision de mettre un terme à leur propre existence (l’auteure préconise à ce sujet la prise de directives anticipées sur le modèle de celles existant en droit civil). Ensuite, pour le médecin, sur lequel une décision prise au cas par cas, même si c’est sur la base de directives éthiques de la profession, fait peser un certain risque juridique. Enfin, pour les proches, pas toujours présents lorsque la décision est prise et devant se fier au corps médical.Dire dans la loi que mettre fin à une vie dans un contexte médical lorsqu’il s’agit de patients moribonds, est expressément autorisé sous certaines conditions restrictives n’est pas aisé. C’est peut-être même impraticable, selon certains auteurs3. L’art. 111bis rédigé par Aline Lüthi légalise le comportement de celui qui limite ou ne met pas en œuvre des mesures destinées à maintenir en vie un patient capable de discernement qui va mourir et le demande expressément (ch. 1) ou qui l’a consigné dans des directives anticipées écrites pour le cas où il serait alors incapable de discernement (ch. 2), ou, encore, si cela correspond à ce qu’aurait vraisemblablement souhaité l’intéressé au regard de la maladie en cause, de sa durée et de son évolution (ch. 3). L’alinéa II règle le cas du malade incapable de discernement, atteint au dernier stade d’une maladie incurable et dont il est dans l’intérêt bien compris, ainsi que pour ses proches, de prendre de telles mesures (ch. 1) et celui du malade déclaré définitivement sans connaissance et de manière irréversible par un neurologue (ch. 2). L’art. 111ter règle, lui, la question des mesures médicales destinées à limiter des souffrances insupportables et susceptibles, à titre collatéral, de raccourcir la vie, lorsque cela correspond à l’intérêt bien compris du patient en stade terminal. Son alinéa II prévoit toutefois que l’administration de telles substances et leur motif soient documentés, sous peine d’amende. Un projet complexe et truffé de notions souvent indéterminées. En comparaison, la solution du Tribunal de Boudry justifiant l’assistance au suicide d’une personne atteinte de la maladie de Charcot et incapable de déclencher une perfusion par l’état de nécessité (art. 17 et 18 CP) peut être plus pragmatique4.
En prévoyant une manière humaine et respectueuse de la dignité de mettre un terme à une existence, ce projet éviterait en tout cas que l’on se débarrasse à bon marché d’un impotent incapable de discernement dans un pays du tiers-monde, comme l’a fait une femme condamnée pour enlèvement par le TF5.