C’est l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) qui assume, depuis le début de janvier 2014, la représentation juridique gratuite et le conseil assuré aux quelque 300 requérants d’asile tirés au sort aléatoirement pour faire l’objet d’une procédure accélérée en phase de test. Elle a remporté ce mandat de l’Office fédéral des migrations face à l’Entraide protestante suisse (EPER), sur la base de l’offre la plus avantageuse, soit un forfait de 1361 fr. par personne. Elle consiste en un partenariat, l’OSAR étant le prestataire responsable, alors que la représentation juridique effective est assurée par la Berner Rechtsberatungsstelle für Menschen in Not, un bureau de conseil juridique aux requérants d’asile, fondé en 2009. Ce consortium comprend encore l’entraide juive qui met à disposition des conseillers juridiques et l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière qui, elle, fournit des interprètes.
Six postes pour le travail de fond
Neuf postes à plein temps sont consacrés au conseil et à la représentation juridique. Trois d’entre eux concernent le conseil juridique, consistant à informer les intéressés de leurs droits et obligations dans la procédure d’asile – rôle des acteurs, nécessité de signaler les problèmes médicaux et de rassembler les preuves, selon l’art. 22 de l’ordonnance sur les phases de test (OTest). Six postes à plein temps seulement seront donc destinés à la représentation juridique, c’est-à-dire au travail juridique de fond. En vue du premier entretien, le requérant d’asile se voit attribuer un représentant légal qui doit l’informer aussi rapidement que possible des chances de sa procédure d’asile. Ce pronostic pourra intervenir à n’importe quel moment jusqu’à la prise de décision par l’Office fédéral des migrations, soit après le premier entretien dans les cas simples (par exemple une personne faisant valoir des raisons purement économiques ne donnant pas droit au statut de réfugié), après lecture du projet de décision donné au représentant légal ou après la notification négative de l’ODM jugeant un recours voué à l’échec. A ce moment-là, la représentation juridique prend fin (art. 25 IV OTest).
Les bases légales permettant la phase de test sont valables jusqu’au 28 septembre 2015, les suites à y donner étant du ressort de l’Office fédéral de la justice. L’ODM traitera chaque année entre 1300 et 1400 demandes d’asile en phase de test et s’attend à ce que 20% fassent l’objet d’une procédure accélérée, 40% relevant de la compétence d’un autre Etat européen (cas Dublin). Seuls 40% devraient être examinés en procédure étendue, hors phase de test, par l’ODM.
Durée jugée trop courte
«Il est certain que l’accès aux avocats de choix sera drastiquement limité», constate Christophe Tafelmacher, avocat à Lausanne actif dans le domaine de l’asile. En effet, si le requérant n’accepte pas la représentation juridique gratuite, le montant reste acquis à l’OSAR et ne peut servir à indemniser un défenseur choisi à l’extérieur du système. Ce dernier ne peut donc être financé que par des fonds privés assumés par les œuvres d’entraide, comme c’est le cas actuellement.
La durée de la procédure proprement dite, réduite à dix jours, est également jugée trop courte. «Il arrive fréquemment que certains documents ne puissent être obtenus qu’en cours de route. Je viens de connaître un tel cas à l’occasion d’un recours cantonal où le juge instructeur s’est montré dans un premier temps réticent, puis a finalement rédigé un rapport favorable à l’admission neuf mois après le dépôt du recours, à la suite de la présentation de nouvelles pièces», ajoute Christophe Tafelmacher. Mettre un terme à la représentation juridique, parce que l’autorité juge le recours dépourvu de chance, lui paraît aussi «un moyen de pression critiquable».
Cesla Amarelle, professeur assistante de droit des migrations à l’Université de Neuchâtel, juge «positif le fait que le Centre de compétence pour les droits humains dirigé par le professeur Walter Kälin ait été chargé d’évaluer qualitativement la procédure de test et l’assistance juridique offerte aux requérants qui y sont soumis. Notamment le fait que le délai de recours soit réduit à dix jours dans la phase de test(1), au lieu de trente jours normalement. Cela nous semble bien trop court. L’ensemble du processus devrait, à notre avis, plutôt prendre de quatre à six mois.» Cesla Amarelle voit une inégalité de traitement entre les requérants d’asile soumis à la procédure traditionnelle, et bénéficiant d’un délai de recours plus étendu, et ceux soumis à la phase de test: «C’est pourquoi on peut se demander si c’est vraiment un avantage d’être mis au bénéfice de l’assistance juridique gratuite.» Le premier rapport d’évaluation est attendu pour le second trimestre de cette année.
La disposition de l’art. 27 OTest, selon laquelle «lorsque les échéances(2) sont communiquées à temps, les actes de l’ODM déploient leur effet juridique même sans la présence ni la participation d’un représentant légal», les empêchements à court terme pour raisons graves et excusables restant réservés, choque aussi Christophe Tafelmacher. «Cela affaiblit considérablement le poids de la représentation juridique puisque, même si elle n’est pas intervenue, l’acte de l’ODM déploie ses effets. Le nouveau Code de procédure pénale permet de faire annuler des actes de procédure si la personne n’a pas été défendue (art. 409 I CPP, annulation en cas de vices importants de la procédure de première instance). Cette disposition de l’OTest empêche cela et comporte le risque que la défense juridique promise ne soit que formelle.»
Un autre modèle de défense
Mettre en place une véritable défense juridique implique pour Me Tafelmacher «de prévoir un modèle de défense d’office, à l’image du pénal, si la personne est indigente, qui ne serait toutefois pas du seul monopole des avocats, car certains juristes spécialisés dans le droit d’asile sont parfois tout aussi compétents. On pourrait imaginer un système de défenseurs de piquet, mais cela aura un coût(3)». L’OTest habilite à représenter les requérants les avocats ainsi que les diplômés en droit qui, à titre professionnel, conseillent et représentent les requérants (art. 24 IV OTest). Cet élargissement a été approuvé par la Fédération suisse des avocats, qui a toutefois précisé qu’il s’agissait d’une exception due au fait que, depuis très longtemps la défense des requérants est aussi assurée par des organisations s’étant dévouées de manière importante à cette tâche(4).
Cesla Amarelle souligne la difficulté à introduire un tel modèle de défense d’office au moment où le Parti libéral-radical rejoint l’UDC sur la nécessité d’opérer des coupes budgétaires dans cette réforme. «Dans ce contexte, le fait que la deuxième Conférence nationale sur l’asile – qui aurait dû réunir, le 20 janvier, des représentants de la Confédération, des cantons, des villes et des communes – ait été renvoyée n’est pas un signe encourageant. Les cantons doivent prendre conscience que la mise en place des centres fédéraux nécessite leur concours», conclut-elle. Un projet prévoyant 5000 places dans six régions d’asile devait être adopté lors d’une conférence sur l’asile prévue le 28 mars.
(1) En fait huit jours, puisque le délai de dix jours comprend aussi les jours non ouvrables.
(2) Dates du premier entretien, de l’audition sur les motifs d’asile et d’autres étapes de la procédure.
(3) Lire à ce sujet TAFELMACHER, Christophe, Quel rôle pour les avocats dans la nouvelle procédure d’asile? in: Le droit d’asile face aux réformes: fondements et enjeux dans la pratique, Cesla Amarelle (Ed.), Berne, Stämpfli, 2013, pp. 63-75.
(4) FSA, lettre à l’Office fédéral des migrations du 3 août 2011.