Droit de la profession d’avocat
Martin Kern, Vernehmlassung zur Stärkung der Geldwäschereibekämpfung, Revue de l’avocat 2/2024, p. 54 ss.
Didier de Montmollin, Miguel Oural, Avant-projet du Conseil fédéral de révision partielle de la LLCA: le secret professionnel de l’avocat est à nouveau en grave danger, Revue de l’avocat, 2/24 p. 59 ss.
La deuxième édition de la Revue de l’avocat consacre deux articles à l’avant-projet de loi sur la transparence des personnes morales visant le renforcement de la lutte contre le blanchiment d’argent et l’alignement de la législation suisse aux exigences du Groupe d’action financière (GAFI). Cette nouvelle proposition du gouvernement agace certains membres de la profession, qui, à l’instar de Didier de Montmollin et Miguel Oural, dénoncent le manque de respect du processus démocratique. Et pour cause, puisque le Parlement a refusé d’assujettir les avocats à la loi sur le blanchiment en 2021. Karin Keller-Sutter revient à la charge avec un nouveau projet plus précis et circonscrit, visant à modifier la loi sur la libre circulation des avocats afin d’y introduire des obligations de diligence renforcées pour certaines activités.
Un projet plus précis mais pas moins critiqué. Certes, les effets de cet avant-projet toucheront différemment les praticiens vu le catalogue d’activités à risque assujettissant les avocats à des obligations étendues en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. En conséquence, les études se consacrant plus intensément aux opérations immobilières ou aux droits des sociétés seront plus fortement touchées si tant est qu’elles n’aient pas déjà pris des mesures.
Le sujet n’en demeure pas moins sensible, et les craintes soulevées sont compréhensibles, puisque cet avant-projet sera sans nul doute fortement remanié pour assurer la protection du secret de l’avocat. Les remarques de Martin Kern, Didier de Montmollin et Miguel Oural démontrent la nécessité, pour le Conseil fédéral, de mettre en place une table ronde avec les avocats afin d’assurer que les mesures correspondent bien aux exigences du métier et soient cohérentes (omission des notaires dans l’avant-projet, par exemple).
Droit privé
Droit de la famille
Axelle Prior, Patrick Stoudmann, Entretien de l’enfant mineur: fixation des coûts directs, part à l’excédent et répartition des coûts, FamPra.ch 1/2024, pp. 1 à 42
Malgré l’uniformisation de la méthode de calcul des contributions d’entretien par le Tribunal fédéral en 2018 et 2019, les pratiques cantonales continuent à diverger notablement et le système actuel n’est pas exempt d’incohérences. Par le biais d’une analyse des jurisprudences cantonales et des causes de ces dysfonctionnements, Axelle Prior
et Patrick Stoudmann proposent des adaptations aux méthodes de calcul.
Dans un premier temps, les points de friction de la méthode concrète pour le calcul de la part de l’excédent sont exposés. Il en va ainsi de l’arrêt 5A_435/2019 du 19 décembre 2019 excluant la prise en compte des frais de garde de tiers pour un parent gardien travaillant à un taux conforme à la méthode des paliers scolaires alors que les horaires scolaires pourraient justifier un besoin de garde.
D’autres situations méritent d’être citées, comme les différences intercantonales portant sur l’obligation pour l’enfant de couvrir ses besoins au moyen de ses propres revenus. Selon les cantons, l’enfant sera tenu de contribuer à hauteur de 30% (Fribourg) à 80% (Neuchâtel) de son revenu. Ces différences dans le calcul du minimum vital du droit des poursuites puis du droit de la famille ont des conséquences importantes sur le droit de visite par exemple. Les auteurs relèvent que le Tribunal fédéral ne laisse que peu de latitude pour ajouter des postes au minimum vital des poursuites.
Or, quelques cantons, à l’instar du canton de Fribourg, y incluent parfois un montant forfaitaire correspondant aux frais indispensables à l’exercice du droit de visite. Dans la deuxième partie, consacrée à la répartition des coûts d’entretien entre les parents, un exemple frappant est mis en exergue: après la répartition de l’excédent, les juges fribourgeois ont décidé d’un mécanisme de paiements croisés condamnant le parent gardien au versement d’une contribution au parent non gardien déjà astreint au versement d’une contribution à son enfant. Un résultat perturbant que certains juges cantonaux ont tenté de corriger tant soit peu pour respecter le principe d’équivalence des prestations.
Cet exposé complet doit être salué à plusieurs titres. D’abord pour ses précieux éclaircissements, compte tenu des récentes évolutions en matière de calcul des contributions d’entretien, qui nécessitent une constante mise à jour. Ensuite, pour son approche critique et l’appel des auteurs à ne pas complexifier un système qui alourdit les procédures en droit de la famille.
Droit pénal
Camille Montavon, L’exception au prononcé d’une interdiction à vie d’exercer une activité (art. 67 al. 4bisCP): quelques considérations à la lumière de la jurisprudence fédérale, forumpoenale 1/2024, p. 37 ss.
L’initiative «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec les enfants» a largement été acceptée par le peuple le 18 mai 2014. Un résultat en contradiction avec l’avis de la plupart des partis et du Conseil fédéral. Le message du Conseil fédéral sur l’avant-projet visant la mise en œuvre de cette initiative cristallise les inquiétudes quant à la contrariété de l’instauration d’un mécanisme d’interdiction automatique au droit supérieur: «La nouvelle norme entre en conflit avec des principes constitutionnels existants (en particulier le principe de proportionnalité) et le droit international, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme.
Une clause est prévue à titre d’option pour limiter ce conflit autant que possible: le juge pourra renoncer à prononcer une interdiction d’exercer une activité de manière exceptionnelle dans les cas de peu de gravité dans lesquels elle n’est manifestement ni nécessaire ni raisonnable». Sur ce point, Camille Montavon nous invite à nous pencher sur l’applicabilité de cette exception en analysant deux récents arrêts du Tribunal fédéral. Selon l’auteure, les enseignements à tirer de cette jurisprudence pourraient être résumés en trois points: l’interprétation restrictive du cas de peu de gravité réduisant à peau de chagrin l’octroi d’une exception, l’analyse graduelle des juges qui exclut toute évaluation de la deuxième condition cumulative, soit l’inadéquation de l’interdiction pour détourner l’auteur de nouvelles infractions, et l’omission des juges de prendre en compte les avis des experts psychiatres.
Et de relever un élément positif, soit «l’admission de la violation du droit d’être entendu si une juridiction omet de se prononcer sur la clause d’exception prévue à l’art. 67 al. 4bis CP, lorsqu’elle avait été invoquée par le prévenu». Une lecture indispensable et critique d’un droit confronté à des automatismes législatifs nuisibles à l’État de droit.
Droit pénal international
Romaine de Rivaz, Écocide: défis et perspectives en droit international pénal, Jusletter du 11 mars 2024
La notion d’écocide revient sur le devant de la scène après son intégration dans la proposition de révision de la directive européenne sur la criminalité environnementale. Ce texte de loi remet en cause une approche anthropocentrée du droit international, soit une vision en dissonance avec la prise de conscience grandissante de l’interdépendance de l’être humain avec l’écosystème. L’auteure, assistante-doctorante à la Chaire de droit constitutionnel suisse et comparé de l’Université de Neuchâtel, propose une lecture en trois temps.
Il est d’abord démontré que le débat sur la notion d’écocide «ne date pas d’hier» mais trouve déjà ses racines dans les dommages causés par l’agent orange durant la guerre du Vietnam. Un tableau, annexé à la fin de la contribution, cite les principales définitions du terme d’écocide depuis la proposition de Richard A. Falk en 1973 à celle de Stop Ecocide Foundation, un groupe d’experts indépendants, en 2021. Dans les chapitres suivants, cet exposé démontre aussi les difficultés d’une transposition du crime d’écocide dans le droit pénal international.
Selon l’auteure, tant la souveraineté étatique que le principe de la légalité «empêchent l’incrimination de l’écocide en droit pénal international». Cette conclusion découle des intéressants développements suivant la partie introductive historique, soit les pistes envisageables pour incriminer l’écocide. Nous invitons donc le lecteur à découvrir cette excellente analyse des difficultés inhérentes à l’intégration d’une norme traitant de l’écocide dans le Statut de Rome, l’absence de cohésion de la communauté internationale quant à l’adoption d’une convention internationale sur l’écocide ou encore les limites d’une interprétation du génocide, du crime contre l’humanité, du crime de guerre ou du crime d’agression englobant l’écocide.
Droit du bail
Anfechtung des Anfangsmietzinses – Beweisverteilung, Mietrechtspraxis, mp-flash 1/2024
Ce résumé revient sur un arrêt du Tribunal fédéral destiné à la publication, l’arrêt TF 4A_121/2023 du 29 novembre 2023, et les chances limitées de la contestation du loyer initial par le locataire d’un logement dans un immeuble ancien. Le point central concerne l’allègement de la preuve au bénéfice du bailleur. Ainsi, ce dernier pourra plus facilement renverser la présomption en vertu de laquelle un loyer est abusif si l’augmentation dépasse plus de 10% puisque seuls les objets qui ne sont pas manifestement comparables au logement pourraient être exclus par l’instance.
Ainsi, même un objet sis dans un endroit très calme pourrait être comparé à un logement se trouvant en bordure de voie ferrée. Le Tribunal fédéral va même plus loin en soulignant que la longue durée du contrat de bail précédent est à même de renverser la présomption. Cette jurisprudence s’inscrit aussi dans un contexte particulier: le Parlement discutera prochainement du critère des loyers usuels. Une jurisprudence importante vu ses conséquences sur l’action en contestation du loyer initial.