Droit public
Droit constitutionnel
Nesa Zimmermann, Entre innovations et résistances: la garantie des droits humains dans l’État fédéral suisse, RDS 142 II 2023, p. 151 ss.
Dans son édition de la rentrée, la Revue de droit suisse a publié les actes du trentième Congrès de la Société suisse des juristes qui s’est déroulé les 8 et 9 septembre 2023, à Zoug. À l’occasion de ces deux journées de rencontre et de formation consacrées au droit de la poursuite pour dettes et la faillite et au fédéralisme, Nesa Zimmermann a présenté une intéressante analyse sur les impacts du fédéralisme sur les droits humains.
Soulignant la force créatrice du droit constitutionnel cantonal, la professeure de l’Université de Neuchâtel relève également les potentielles frictions et synergies entre les niveaux normatifs du droit international, fédéral et cantonal. Ce constat est étayé par un exposé sur les effets du fédéralisme sur la Constitution fédérale, une approche historique et contemporaine du développement des droits fondamentaux ou encore des réflexions sur l’intégration du droit international des droits humains. Un sujet à lire sous le prisme de l’actualité alors que la majorité des cantons romands ont épousé l’idée d’intégrer un droit à l’identité numérique dans leurs constitutions respectives.
Droit européen
Constantin Hruschka, Reformvorschläge zum Gemeinsamen Europäischen Asylsystem, Asyl 3/2023, p. 22 s.
Au mois de juin 2023, le Conseil de l’Union européenne a annoncé avoir franchi une étape décisive pour parvenir à un accord dans les négociations sur le règlement des procédures d’asile et sur le règlement sur la gestion de l’asile et de la migration. Non sans mal, puisque ce projet traîne depuis plusieurs années et que des poches de résistance subsistent quant à cette remise à niveau du mécanisme de gestion migratoire européen.
La citation introductive, Besser keine Reform als diese, résume les critiques émises par les organisations de protection des droits des migrants concernant la réforme du Régime d’asile européen commun (RAEC). Constantin Hruschka reprend ainsi les principales remarques du Rat für Migration, une organisation allemande connue pour ses prises de position dans le domaine de la politique migratoire et l’intégration. Ce point de vue rappelle les impacts des négociations pour la Suisse et les pressions pour trouver un accord avant le renouvellement du Parlement européen en 2024.
Droit pénal
Véronique Jaquier, Camille Montavon, Rapport sexuels non consentis en droit suisse: pourquoi une telle résistance?,
RPS 2/2023, p. 178 ss.
Voici le deuxième volet d’un argumentaire en faveur du principe du consentement dans la révision des dispositions pénales sur le viol et la contrainte sexuelle. Véronique Jaquier et Camille Montavon analysent la jurisprudence et procèdent à un tour d’horizon des systèmes juridiques étrangers intégrant la notion de consentement. Déplorant le soutien de l’Assemblée fédérale pour la primauté du refus, elles critiquent les prises de position des opposants du «oui, c’est oui» tout en soulignant le nerf de la guerre: déplacer la focale sur l’auteur pour garantir une protection effective du droit à l’autodétermination sexuelle.
Les deux juristes ne manquent pas de mettre en exergue certains propos ou arguments teintés d’une perception surannée des victimes d’infractions sexuelles. Effectivement, le terme «mythe», utilisé à maintes reprises dans cette contribution, y mérite bien sa place tant l’image de Pandore, la femme «orgueilleuse» à l’origine de tous les maux, semble proche…
Procédure pénale
Christine Moreno Dávila (trad.), JdT 2023 IV 86
Cet arrêt illustre les impacts non négligeables pour les autorités de poursuite pénale en cas de vices de procédure lors de mise sous scellés de données électroniques. Excluant toute implication de l’autorité d’enquête dans les actes visant la sécurisation des données avant la mise sous scellés, les juges fédéraux ont reproché à l’Administration fédérale des douanes d’avoir mandaté la police fédérale pour le déverrouillage et la copie des données.
Le Tribunal fédéral a donc ordonné la restitution des appareils électroniques saisis et la destruction des copies miroirs effectuées. Impossible de faire l’impasse sur la mise en cause des pratiques du Tribunal pénal fédéral puisque l’Administration fédérale des douanes s’est conformée à ses instructions. Largement commenté, cet arrêt mérite de figurer aux Journal des tribunaux bien que la décision radicale de la Haute Cour puisse interpeller.
Maria Ludwiczak Glassey, Francesca Bonzanigo, Transmission à l’étranger de pièces issues d’une procédure pénale suisse: constat d’un imbroglio, forumpoenale 4/2023, p. 296 ss.
Cette contribution traite de la jurisprudence à géométrie variable relative au principe de double incrimination et à la qualité pour recourir lors de la transmission à l’étranger de pièces provenant d’une procédure pénale suisse. Après avoir brièvement exposé la portée du principe de double incrimination eu égard à la Convention européenne d’entraide internationale, les auteures constatent la coexistence de trois courants jurisprudentiels traitant de la transmission de pièces issues d’une procédure pénale en Suisse.
Peu convaincues des arrêts imposant sans nuance le principe de double incrimination ou soumettant la remise de pièces à ce principe au motif qu’il s’agit d’une mesure de contrainte, Maria Ludwiczak Glassey et Francesca Bonzanigo proposent une voie alternative afin de mettre un terme à ce sac de nœuds.
Droit privé
Droit du travail
François Bohnet, L’opposition au congé n’est pas un fait implicite, RSPC 4/2023, p. 375 ss.
Dans l’affaire traitée à l’arrêt 4A_412/2022 prévu à la publication aux ATF, une employée réclamait une indemnité pour licenciement abusif. Or, l’intéressée avait omis d’alléguer et de prouver la contestation de son licenciement. Ce n’est que par la suite que le juge l’a interpellée à ce sujet. Dans sa note, François Bohnet critique le jugement de l’instance cantonale considérant l’opposition comme un fait implicite qui aurait dû être contesté par l’employeuse. Certes, ces conclusions demeurent difficilement contestables.
La maxime des débats oblige chaque partie à alléguer et prouver les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions. Et le professeur expose bien son raisonnement limpide: affirmer avoir fait opposition au congé ne signifie pas que le délai pour ce faire ait été respecté. Ce n’est pas tant cela qui prête le flanc à la critique mais la procédure à suivre pour le travailleur confronté à un licenciement abusif.
Tel que le relèvent les juges fédéraux, l’obligation de contestation trouve ses fondements dans une chimère, soit l’espoir fou qu’un employeur préfère le maintien du contrat de travail au versement d’une indemnité. Mais l’obstacle réside avant tout dans le délai auquel est soumis l’employé pour contester son licenciement. En effet, il est hautement probable que le justiciable omette ce délai avec les conséquences funestes qui en découlent.