Droit privé
Droit des successions et droits réels
Denis Piotet, Droit des successions et droits réels, JdT 2023 II 105
Le professeur de droit notarial Denis Piotet revient sur des arrêts fédéraux et cantonaux qui ont marqué l’année 2022 en droit des successions et en droits réels. Après avoir rappelé la récente refonte du droit des successions entrée en vigueur au début de l’année, l’auteur se concentre sur des thèmes particuliers comme la qualité d’héritier ou de légataire, la dévolution, l’hoirie et le partage. Denis Piotet ne manque pas de se montrer critique en citant par exemple un arrêt du Tribunal fédéral où les juges fédéraux ont nié la qualité d’héritier au recourant qui avait obtenu l’inscription de son lien de filiation avec le défunt à l’état civil. En contradiction avec la jurisprudence établie et la doctrine majoritaire, les juges ont reproché au malheureux d’avoir fait usage de l’action en partage imprescriptible en lieu et place de l’action en pétition d’hérédité soumise à un délai de péremption. Il s’ensuit un exposé sur la jurisprudence en droits réels. Il sera ainsi question de droits réels immobiliers, de copropriété et de PPE, de servitudes ou de gages immobiliers. Nous saluons ce bref concentré de résumés de jurisprudence pour la variété des arrêts cités et la présentation efficace de l’auteur.
Droit du travail
Aliénor de Dardel, Vers un droit d’être entendu avant le licenciement en droit privé? Le cas du licenciement des travailleurs âgés et du congé-soupçon, PJA 4/2023, p. 423 ss.
Bien que le droit du travail ne prévoie pas d’obligation d’adresser un avertissement avant un licenciement ordinaire, la jurisprudence fait mention du caractère abusif du licenciement en l’absence d’un entretien préalable. L’auteure expose d’abord les spécificités des rapports de droit public qui fixe des exigences strictes quant au droit d’être entendu. S’agissant des rapports de droit privé, l’auteure aborde la thématique par le biais d’arrêts marquants du Tribunal fédéral. Par exemple, l’ATF 132 III 151 souligne le besoin de protection accru des travailleurs âgés au bénéfice de nombreuses années de service. Dans cette affaire, les juges fédéraux ont reproché à l’employeur l’absence d’entretien préalable. Un autre point délicat est aussi analysé, soit les enquêtes internes ou les congés-soupçons où le travailleur devrait pouvoir exposer son point de vue dans certaines circonstances. Aliénor de Dardel conclut qu’il n’existe pas d’obligation systématique de mener un entretien préalable même lorsque l’employé est proche de l’âge de la retraite. Il s’agit là d’une intéressante revue jurisprudentielle et doctrinale qui apporte un éclairage global sur une jurisprudence renforçant les droits des employés dans des cas particuliers, à l’instar du congé-soupçon ou du licenciement de personnes âgées.
Aurélien Witzig, Le droit du travail face à l’exceptionnel, RSJ 5/2023, p. 243 ss.
La présente contribution fait suite aux questionnements intervenus lors de la crise sanitaire du COVID-19. L’auteur présente les différents outils juridiques pour affronter les situations exceptionnelles. L’exposé est scindé en deux parties. Les mécanismes propres au droit du travail, comme le congé-modification, sont d’abord présentés. Puis, les outils communs du droit des obligations, soit la force majeure, l’imprévision et l’impossibilité sont analysés. En conclusion, les possibilités d’adaptation des prestations du travailleur et de l’employeur restent limitées compte tenu de la protection des droits de la personnalité du salarié. L’auteur dessine toutefois le contour d’une solution quant à l’impossibilité, laquelle pourrait peser sur l’employeur ou l’employé, voire sur les deux parties en fonction de la situation. Cette problématique a certes été traitée à de nombreuses reprises mais ce texte sort des sentiers battus quant à son objectif: apporter des pistes de réflexion quant aux capacités d’adaptation du droit du travail face aux évènements exceptionnels.
Droit des assurances sociales
Carole-Anne Baud, Reto Baumann, Jean-Christophe Devaud, Valérie Junod, Andreas Wildi, Accès aux médicaments non autorisés/non listés: un vrai dédale, PJA 2/2023, p. 183 ss.
En principe, seuls les médicaments inscrits dans la liste des spécialités sont remboursés. Les choses se corsent lorsque le médecin prescrit un médicament «off-label» (en dehors de l’information professionnelle de Swissmedic) ou «off-limitatio» (en dehors de la liste des spécialités). Les auteurs, issus du milieu médical et juridique, pointent du doigt un système complexe où patients et soignants sont mis à mal. Leurs critiques portent notamment sur le manque de clarté des concepts utilisés dans la loi sur les produits thérapeutiques ou dans l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) et la bureaucratie imposée par le système actuel. Un point important est aussi relevé, soit l’inégalité de traitement entre patients. Inégalité fondée sur la diversité des décisions des différentes caisses d’assurance. Ces questionnements interviennent alors que le projet de révision de l’OAMAL et de l’OPAS concernant la prise en charge des médicaments dans des cas particuliers est pendant. Le constat est clair: le système actuel s’adapte mal aux développements de la médecine. Ce qui pose d’épineux problèmes éthiques puisque l’accessibilité du traitement peut avoir un impact sur les chances de survie du patient.
Droit administratif
Droit des étrangers
Jean-Marie Staubli, Situations médicales sérieuses et exécution du renvoi, Jusletter du 17 avril 2023
L’auteur, greffier à la Cour V du Tribunal administratif fédéral, traite quotidiennement des recours de requérants d’asile déboutés par le Secrétariat d’État aux migrations. Grâce à son expertise, Jean-Marie Staubli propose un panorama de la jurisprudence du TAF sur le renvoi de demandeurs d’asile gravement atteints dans leur santé. Bien que la question des transferts Dublin ne soit pas abordée puisqu’elle fait l’objet d’un traitement spécifique par le TAF, ce tour d’horizon est assez complet. En entame, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est résumée. Le cadre d’une éventuelle violation de l’article 3 CEDH portant sur l’interdiction des traitements inhumains et dégradants est ainsi posé. Les arrêts Paposhvili et Savran, largement cités par le Tribunal administratif fédéral, sont détaillés. Un développement bienvenu puisqu’il permet d’aborder la notion de nécessité médicale prévue à l’article 83 al. 4 LEI. Il est ainsi rappelé que le risque de péjoration notable et rapide de l’état de santé du requérant des suites du renvoi constitue un frein à l’expulsion. L’analyse porte ensuite sur différentes situations médicales sérieuses. L’auteur présente la pratique du TAF face au handicap sévère ou au risque suicidaire. Une affaire concernant un requérant dialysé clôt ce chapitre. Par cet exemple, le traitement jurisprudentiel des personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme en cas de renvoi est développé. Cet exposé est bienvenu et s’inscrit dans le cadre d’un débat sur le renvoi de requérants à risque suicidaire.