Droit privé
Droit des obligations
Annick Fournier, Comment déterminer la connaissance d’une personne morale?, RSJ 24 2022, p. 1187 ss.
Différentes normes du droit privé présupposent la connaissance par leur destinataire. Tel est le cas pour la connaissance du dommage pour le point de départ du calcul du délai de prescription en matière de responsabilité civile. Difficile à prouver, cette connaissance est parfois supposée (connaissance attendue). Les règles applicables à l’imputation de la connaissance à la personne morale sont ici exposées. Force est de constater que le Tribunal fédéral a produit une jurisprudence très hétérogène à ce sujet, d’où son analyse critique dans la présente contribution. Annick Fournier relève que le critère d’accessibilité est critiquable du fait «qu’il mène à imputer à la personne morale une connaissance en dehors d’un rapport de représentation» ou qu’il oblige à traiter différemment une personne morale et une raison individuelle. Forte de ce constat, l’autrice propose un régime d’imputation de la connaissance uniforme impliquant que l’imputation de la connaissance n’est opposable qu’en cas de rapport de représentation. Et de conclure que le devoir de bonne organisation visant la circulation des informations en interne devrait incomber tant aux personnes morales qu’aux raisons individuelles employant plusieurs collaborateurs.
Procédure civile
Beat Brändli, Die Ausnahme vom Dispositionsgrundsatz im Zivilprozess, Wo Interessen Dritter und der Öffentlichkeit tangiert werden, RSJ 21 2022, p. 1007 ss.
La maxime de disposition domine la procédure civile. Pourtant, certaines exceptions subsistent. La présente contribution a pour objectif de définir la maxime de disposition et son exception, la maxime d’office, dans un premier temps. Puis, les domaines dans lesquels la maxime d’office trouve application sont exposés, à l’instar du partage de la prévoyance professionnelle. Les dispositions légales qui prévoient une exception à la maxime de disposition ne sont pas omises. Tel est le cas, par exemple, de la possibilité pour le juge d’imposer l’action minutoire au lieu de l’action rédhibitoire dans le cadre de l’action en garantie du contrat de vente. L’auteur analyse ensuite deux cas de figure en particulier, nommément les affaires familiales touchant les enfants et l’organisation défaillante de la société. Beat Brändli présente la problématique de manière claire et structurée. S’agissant de la définition des maximes de disposition et d’office, il rappelle les dispositions légales applicables, la définition de la maxime et cite un exemple concret. Il est aussi rappelé certains points délicats comme les procédures connexes où une autre maxime trouve application ou la participation de tiers à la procédure.
Droit public
Droit de l’énergie
Thierry Largey, L’intérêt national à l’utilisation des énergies renouvelables, Jusletter du 28 novembre 2022
Thierry Largey, professeur de droit administratif à l’Université de Lausanne, s’interroge notamment sur la qualification d’intérêt national, sur les régimes de pesée des intérêts, sur la conformité des règles de la loi sur l’énergie et son ordonnance à la Constitution. Afin de répondre aux objectifs de la Stratégie énergétique 2050, des aménagements ont été mis en place afin de faciliter la construction ou l’agrandissement de projets énergétiques. Ainsi, l’article 12 de la loi sur l’énergie (LEne) qualifie certaines installations de production d’énergie de projets d’intérêt national. Il est clair que les effets directs de l’article 12 LEne sont importants, puisque cette disposition ouvre la porte à la construction ou à l’agrandissement de projets énergétiques sur des sites inscrits à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP). La présente disposition aura une portée sur la pesée des intérêts en ce sens qu’elle favorisera certaines installations par rapport aux intérêts potentiellement opposés que sont la protection de la nature et du paysage. Et de rappeler que seuls certains projets, en fonction de leur taille et de leur importance, peuvent être considérés d’importance nationale. Ce qui interpelle l’auteur, qui consacre un paragraphe à l’efficience des seuils prévus dans l’ordonnance sur l’énergie.
Droit des assurances sociales
Stéphanie Perrenoud, Conjoints et concubins: des différences de traitement (encore) justifiées?, RSAS Numéro spécial 1/2022, p. 411 ss.
L’état civil occupe encore une place importante dans le droit des assurances sociales. Stéphanie Perrenoud s’interroge ici sur le bien-fondé d’une différenciation entre couples mariés et concubins et analyse les possibilités de mettre sur un pied d’égalité les conjoints et les concubins. Certes, quelques avancées ont permis d’atténuer ces différences de traitement. Tel est le cas de la reconnaissance du droit du concubin qui fournit de l’aide à son partenaire de vie impotent à des bonifications pour tâches d’assistance. Or, l’auteure démontre aussi que les différences de traitement sont légion en procédant à un tour d’horizon des différents domaines des assurances sociales. Qu’en est-il, dès lors, des motifs permettant de justifier une différence de traitement entre conjoints et concubins? Est-il utile de prévoir une troisième voie, soit un contrat de communauté civile reconnue par le droit (PACS)? Ne pourrait-on pas assimiler complètement l’union libre au mariage, et dans l’affirmative, comment? Voilà toutes les questions pertinentes que soulève cette contribution issue d’un numéro spécial de la Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle.
Droit numérique
Sarah Kunz von Hoyningen-Huene, Jutta Sonja Oberlin, Innocence in Danger, Wenn Likes auf Kosten der Kinder gehen, RSJ 23 2022, p. 1123 ss.
L’exposition des mineurs sur les réseaux sociaux interpelle quant à la prise en compte du bien-être de l’enfant, de son intérêt et de ses droits. Les deux auteures analysent ces points sous l’angle des droits humains, de la protection des données, du droit du travail ainsi que du droit civil. Cette analyse amène à un constat: la législation pourrait faire l’objet d’une remise au goût du jour pour garantir la protection de l’enfant. L’enfant est effectivement confronté à de nombreux dangers en raison de son exposition sur internet. La présente contribution fait ainsi état des risques de pédopiégeage (ou cybergrooming) ou de cybermobbing. Et de rappeler que, pour l’heure, le droit pénal est lacunaire, l’introduction du piédopiégeage comme infraction étant discutée dans le cadre de la révision du droit pénal sexuel. En sus, le rôle des parents est problématique lorsqu’ils interviennent comme représentants des mineurs influenceurs, notamment au regard du droit du travail. C’est un intéressant sujet qui est ici analysé et qui offre différentes pistes de réflexion.
Droit européen
Francesco Maiani, L’Union européenne face au défi de la «démocratie illibérale», RDS 141 I 2022, p. 535 ss.
Professeur de droit européen à l’Université de Lausanne, Francesco Maiani analyse les outils en main des institutions européenne pour veiller au respect des principes prévus par le Traité sur l’Union européenne. Ainsi, les États membres sont tenus de respecter les droits humains, la démocratie et l’État de droit. L’auteur démontre ici que certains États, à l’instar de la Pologne et de la Hongrie, s’éloignent fortement des idéaux prônés par le TUE. Les instruments de lutte contre ces dérives sont exposés, de même que leur évolution. À noter la dichotomie entre l’activisme de la Commission et de la Cour de justice de l’Union européenne et l’inaction du Conseil des ministres. Maiani n’omet pas de relever la difficulté de l’exercice auquel sont confrontées les institutions européennes. Ce numéro de fin d’année de la Revue de droit suisse est essentiellement consacré à l’État de droit en Europe, et c’est bienvenu. Il s’agit d’un sujet d’actualité qui a été traité dans plaidoyer 2/2021 (Aucun instrument efficace contre les États de non-droit).