Droit pénal
ATF 147 IV 73, JdT 2021 IV 243.
La thématique abordée dans l’arrêt de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral du 18 novembre 2020 (ATF 147 IV 65) revêt une importance particulière compte tenu de la diversification croissante des modes de communication. Il est ici question de la portée de la responsabilité des médias, formalisée à l’article 28 al. 1 CP. S’agissant d’une publication par le biais du média social Facebook, le Tribunal fédéral rappelle que la notion de média doit d’abord être analysée au cas par cas et en fonction du cadre de diffusion du contenu, ce qui exclut les publications adressées à des personnes déterminées. Les juges fédéraux concluent à l’exclusion de la responsabilité du média en cas de propagation d’un contenu a posteriori. Dans la présente affaire, un utilisateur de Facebook avait partagé et commenté un contenu déjà publié par un tiers. Une traduction au Journal des Tribunaux très attendue dans un contexte d’accroissement exponentiel et d’omniprésence des réseaux sociaux.
Droit public
Boris Etter, Diskriminierung durch sexuelle Belästigung nach Art. 4 GlG, RSJ 1 2022
L’auteur relève la dichotomie entre réalité du terrain et rareté des cas portés devant les tribunaux concernant les comportements déplacés sur le lieu de travail portant atteinte à la sphère intime des employés. Les éléments constitutifs du harcèlement sexuel, au sens de l’article 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre hommes et femmes, sont d’abord circonscrits. Boris Etter ne manque pas de rappeler le champ d’application large de l’article 4 LEg, applicable aux relations de travail, régies par le code des obligations ou le droit public. Il y est ajouté un petit rappel sur les mesures prises par l’employeur pour éviter le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Il s’ensuit une interprétation littérale et téléologique de cette disposition. L’auteur relève également les actes visés, en citant d’abord les exemples de la doctrine, puis les affaires traitées par les instances judiciaires fédérales et cantonales. Un point d’actualité est cité, soit le harcèlement numérique après la généralisation du télétravail. À titre final, la question de l’enquête interne en cas de doute de harcèlement, au regard du devoir de diligence de l’employeur, est étudiée. Cette contribution est bienvenue, cet angle de vue étant rarement abordé.
ATF 147 I 280, JdT 2021 I 183
Cet arrêt, traduit au Journal des Tribunaux, traite de la protection des données sous le prisme de l’exploration du réseau câblé exercée par le Service de renseignement de la Confédération. La 1re Cour de droit public du Tribunal fédéral annule la décision du TAF qui concluait au rejet du recours de l’association Société numérique, faute d’intérêt digne de protection. L’affaire est, pour l’heure, pendante au TAF. Cet arrêt est tout particulièrement intéressant au regard des développements issus des considérants 7 ss. Les juges rappellent la lecture de la CourEDH
de l’article 13 CEDH (droit à un recours effectif) et admettent une dérogation à l’exigence d’atteinte directe par un acte d’exécution en cas de mesures de surveillance secrètes. Tel est le cas de l’exploration du réseau câblé vu que le risque de traitement de données des recourants ne saurait être exclu. Une analyse similaire est apportée sous l’angle des articles 8, 10 CEDH, puis 13 et 17 Cst. Il est aussi précisé qu’une demande de renseignement est vouée à l’échec, les données n’étant pas répertoriées par personne. Il en découle que seul l’examen du système d’exploration du réseau câblé en Suisse peut être requis par les requérants. Ce résumé permet de clarifier certains points avant la reddition du jugement très attendu du TAF.
Droit privé
Droit des obligations
Olivier Riske, Blaise Carron, 111 ans après: la place du Code des obligations au sein des grandes codifications, RDS I 2022, p. 31 ss.
Il est rappelé, à titre liminaire, que le CO n’a pas subi de modifications importantes, exclusion faite du droit des contrats, du droit des sociétés et de ses pendants, le Registre du commerce ou la comptabilité commerciale. Après une brève introduction, les origines de la codification sont abordées. Outre l’origine étymologique du terme, l’approche opérée dans la première partie de cette contribution est tout à fait intéressante puisqu’elle permet d’appréhender la finalité de la codification, à savoir la réalisation de deux objectifs principaux: offrir une assise politique au souverain et garantir une certaine stabilité. La deuxième partie traite spécifiquement du code des obligations suisse, point d’orgue de l’unification de trois cultures juridiques: l’inffluence du code civil français avec ses notions indéfinies laissant place à la dynamique sociale concrétisée par le droit prétorien, l’école allemande et la doctrine pandectiste, qui se fonde sur le droit romain pour en déduire des principes cardinaux. Olivier Riske et Blaise Carron ne manquent pas de relever la flexibilité et l’accessibilité de notre code et son rôle de facilitateur des relations commerciales. Ce texte d’excellente facture évoque un droit formé par strates.
Jacques de Werra, Droit des contrats: Partie générale et contrats spéciaux, JdT 2021 II 163.
Cette revue jurisprudentielle de l’année 2020 traite de quelques arrêts majeurs ayant ébranlé l’actualité juridique. L’auteur exclut volontairement les contrats bancaires et financiers, objet d’une abondante jurisprudence. Le premier résumé traite du pouvoir de représentation apparent d’un employé. Une importante mise en garde mérite d’être soulignée, les entreprises devant être attentives aux mentions figurant dans les contrats reçus (pour ordre (p.o), notamment) au risque de devoir assumer des obligations découlant d’un accord paraphé par un signataire ne disposant pas des pouvoirs de représentation. Une autre affaire a permis aux juges fédéraux d’apporter des précisions sur la notion d’artisan selon l’article 128 CO, au sens que seule la nature du travail est déterminante (ampleur des travaux, par exemple). Le prochain résumé concerne l’analyse de la portée de la renonciation d’une condition suspensive. Les juges ont interprété le contrat au regard du principe de confiance et concluent que le renoncement à la condition suspensive ne saurait être exclu. Il s’agissait là de la conclusion d’un bail à des conditions similaires lors d’une reprise de fonds de commerce. Il est ensuite question du porte-fort de l’actionnaire entrant pour le paiement d’un dividende à l’actionnaire sortant. Le Tribunal fédéral apporte une clarification entre le cautionnement et le porte-fort, le dernier étant caractérisé par l’intérêt du promettant au transfert des actions. Il est ensuite question de la dissimulation frauduleuse des défauts dans le cadre de la vente d’une voiture de collection. En conclusion, Jacques de Werra cite la principale révision en cours, soit l’introduction d’un délai de six mois pour l’avis des défauts pour les immeubles et les ouvrages immobiliers. Une excellente revue à adresser à tout juriste féru de droit des contrats.