Obligation de rendre compte et de restituer (art. 321 b CO)
L'argent de poche, les pourboires et certains cadeaux reçus par des travailleurs ne tombent pas dans l'obligation de rendre compte et de restituer à laquelle le travailleur est en principe tenu: ces récompenses peuvent en effet avoir un caractère individuel1.
Heures de travail supplémentaires (art. 321 c CO)
A propos de la question toujours délicate des heures supplémentaires, il est confirmé que l'employé peut prouver par des témoignages son temps de travail effectif. Cela vaut en particulier lorsque l'employeur n'a pas tenu de système de contrôle et qu'il n'a pas exigé des employés qu'ils établissent des décomptes d'heures2.
Responsabilité du travailleur (art. 321 e CO)
Le simple fait de ne pas suivre le manuel de standard de qualité de l'entreprise ne fait pas porter au travailleur la responsabilité du dommage causé à un tiers dans le cadre de l'exécution de son travail: ce qui est déterminant, c'est le fait de savoir si l'option choisie par le travailleur est satisfaisante ou pas. En l'espèce, ce travailleur doit supporter les deux tiers du dommage3.
Droit au salaire
Lorsqu'une formation professionnelle n'est pas imposée par l'exécution du travail, mais est destinée à améliorer la capacité professionnelle du travailleur, elle se distingue du travail qui est exécuté directement dans l'intérêt de l'employeur4. Dans un tel cas, le salaire n'est pas dû par l'employeur, contrairement aux hypothèses visées par l'art. 13 al. 4 OLT1. Les parties au contrat de travail peuvent alors régler entre elles les modalités de remboursement du salaire et des frais de cours qui auraient été assumés par l'employeur sans contrepartie du travailleur.
Salaire en cas d'empêchement de travailler (324a CO)
Il y a un manque de coordination du droit suisse entre la période de protection contre les licenciements et l'obligation de verser le salaire en cas d'empêchement de travailler. En cas de licenciement, les relations entre les parties se doivent cependant d'être réglées, en particulier lorsque l'employeur a conclu une assurance perte de gain qui octroie, en cas de maladie, des indemnités journalières au travailleur. Un licenciement peut ainsi être acceptable, tout en perpétuant l'obligation de l'assureur perte de gain de verser des indemnités journalières après la fin du contrat de travail si le contrat d'assurance prévoit une telle obligation5.
Protection de la personnalité (art. 328 CO)
Deux jours après un entretien de recrutement pour une place d'apprentissage, le responsable d'une entreprise envoie un SMS à la candidate lui demandant si elle a envie de passer le dimanche à la plage avec lui. Le Tribunal fédéral, se fondant sur l'art. 328 CO, juge le comportement du maître de stage absolument déplacé («total unangebracht»)6. Le Tribunal fédéral insiste: la protection accordée aux apprentis est encore plus élevée que celle dont doivent jouir les autres travailleurs.
Salaire (art. 329d CO)
Dans un arrêt au résultat étonnant, le Tribunal fédéral a jugé que le paiement des heures supplémentaires en cas de résiliation du contrat de travail avec effet immédiat n'est pas couvert par l'indemnité d'insolvabilité telle que définie à l'art. 52 LACI7. Seuls les travailleurs qui touchent un complément de salaire pour les heures supplémentaires y auraient droit.
Transfert des rapports de travail (art. 333 CO)
Dans une nouvelle affaire SWISSAIR8, le Tribunal fédéral a consolidé et précisé sa jurisprudence récente (ATF 129 III 335) concernant l'art. 333 CO. Ce dernier article ne s'applique ainsi pas en cas de transfert de l'entreprise après la faillite. En l'espèce, toutefois, vu que le transfert a lieu durant la période de sursis concordataire, l'ancien employeur doit bien assumer les créances d'un travailleur jusqu'au terme du délai de résiliation, même si ce terme est postérieur à la reprise par l'acquéreur.
Reste toutefois ouverte la question de la responsabilité solidaire que porterait ce dernier.
Résiliation du contrat à durée indéterminée (art. 335 et ss CO)
En cas de contrat à durée indéterminée, une partie, admet le Tribunal fédéral9, peut donner son congé pour une échéance plus lointaine que celle prévue légalement ou contractuellement. Dans un tel cas, l'autre partie conserve la faculté de signifier le congé pour l'échéance légale ou contractuelle plus rapprochée.
Licenciement collectif (335d et ss CO)
Le Tribunal fédéral a, ces derniers mois (ATF 136 III 552 et 137 III 27), précisé la ligne qu'il entend faire respecter dans l'application des art. 335d et ss CO.
En 201110, il a rappelé que l'employeur doit fournir, par oral ou par écrit, les renseignements qui permettraient concrètement aux travailleurs ou à leurs représentants de présenter des alternatives sérieuses dans le but d'éviter tout ou partie des licenciements. Dans tous les cas, l'employeur se doit d'examiner sérieusement l'ensemble des solutions présentées.
Le Tribunal fédéral a considéré que l'art. 335f al. 3 CO n'avait pas été respecté11: en effet, un licenciement collectif avait été annoncé dans une entreprise pour 22 des 24 salariés, cela en précisant que le directeur général se tenait à disposition pour toute information. C'est pourtant ce directeur qui a, lui aussi, été licencié. Le Tribunal fédéral considère que ce dernier aurait aussi dû être formellement averti. L'employeur lui doit alors un mois de salaire à titre d'indemnité.
Licenciement abusif (art. 336 et ss CO)
Le licenciement d'un travailleur à cause d'un conflit lié à une mauvaise organisation du travail (absence de répartition des tâches et manquements organisationnels) doit être qualifié de licenciement abusif au sens de l'art. 336 CO. Il en va ainsi de la résiliation du contrat d'un cadre qui ne peut exercer son activité avec autant de responsabilité et d'autonomie que promis dans le cadre du recrutement12.
Quelques semaines plus tard, le Tribunal fédéral a cependant pris soin de rappeler qu'il ne suffit pas qu'un conflit existe pour qu'une violation de 328 CO soit admise dans le cadre des rapports de travail: «Il n'y a (...) pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles, ni d'une mauvaise ambiance de travail ni du fait qu'un membre du personnel serait invité - même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d'une procédure de licenciement - à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaboratrices et collaborateurs»13.
Résiliation en temps inopportun (art. 336c CO)
Un employé a été informé le 24 octobre 2008, par un entretien et une lettre qu'il a refusé de signer, qu'il était licencié. Le 25 octobre 2008, cet employé remet un certificat médical daté du même jour qui atteste d'une incapacité de travail remontant au 24 octobre 2008. Le Tribunal fédéral est d'avis que le refus de recevoir la lettre n'est pas opposable à l'auteur de l'écrit. Comme le travailleur ne présentait pas de signe de maladie le 24 octobre 2008 et qu'il s'est plaint de malaise seulement après la communication de la résiliation du contrat, le Tribunal fédéral juge que la résiliation n'est pas intervenue en temps inopportun, malgré le certificat médical14.
Résiliation immédiate (art. 337 CO)
Un cadre du monde financier avait donné de faux renseignements sur sa situation professionnelle lors de l'entretien de recrutement, notamment en taisant une période de chômage: le Tribunal fédéral a jugé, en particulier au vu du niveau de responsabilité et d'exigences du poste occupé, que l'employeur était en droit de licencier avec effet immédiat ce cadre une fois qu'il savait que ce cadre avait menti15.
Un ouvrier des Services industriels ne respecte pas les règles de sécurité, ce qui, en cas de défaillance technique (en moyenne, une tous les cinq ans), lui aurait sans doute coûté la vie, à lui ainsi qu'à l'apprenti qui l'accompagnait: cette violation délibérée des règles de sécurité, conjuguée au fait que, dans le passé, cet ouvrier avait déjà eu des comportements comparables, justifie un licenciement avec effet immédiat16.
Constitue un juste motif, dans un établissement financier, le fait de conserver des documents de l'employeur chez soi si cela va de pair avec une violation de la déclaration de discrétion et que les rapports de travail ont pris fin17.
Doit aussi être considéré comme un juste motif le fait que le travailleur a signé de sa main un formulaire d'inscription à une formation continue, alors que ce formulaire précisait que l'employeur devait le signer. Par une telle signature au nom de l'employeur, qui engageait ce dernier vis-à-vis d'un tiers à hauteur de 6800 fr., l'employé a rompu le rapport de confiance avec son employeur18.
En revanche, l'infirmier qui sur un «coup de sang», abandonne subitement son poste de travail ne peut pas être sanctionné par un licenciement immédiat si son employeur connaissait son état de santé fragile et qu'il avait entretenu de bonnes relations dans le passé avec ses collègues19.
Les parties au contrat de travail n'ont pas la faculté de restreindre le pouvoir d'appréciation du juge: ainsi peuvent-elles exposer des motifs de résiliation conventionnels dont la seule portée sera d'aider le juge à évaluer les atteintes réciproques les plus importantes20. Dans cette dernière affaire, le Tribunal fédéral a jugé que le refus d'un cycliste professionnel d'accepter des sanctions conventionnelles en cas de dopage ne pouvait justifier son exclusion de l'équipe pour une durée indéterminée. Ce cycliste était par conséquent en droit de résilier avec effet immédiat son contrat de travail.
Un travailleur, en l'espèce un footballeur, injustement écarté de l'équipe professionnelle du club, est gravement lésé dans ses intérêts: il a le droit de résilier avec effet immédiat son contrat de travail. Certes, il ne peut pas prétendre à une indemnité fondée sur l'art. 337c al. 3 CO, mais il peut néanmoins, en cas d'atteinte à sa personnalité, réclamer une indemnité fondée sur l'art. 49 CO21.
Résiliation injustifiée (art. 337 c CO)
Le Tribunal fédéral a jugé22 que l'art. 337 c al. 3 CO revêt un caractère semi-impératif, et ceci même en l'absence de mention à l'art. 362 CO. S'agissant de l'application de clauses contractuelles qui régissent la question de l'indemnité à verser en cas de licenciement injustifié, il a été rappelé que toute dérogation au droit impératif doit ressortir avec clarté de l'accord des parties.
En ce qui concerne le salaire de référence à prendre en compte pour fixer l'indemnité de l'art. 337 c CO, le Tribunal fédéral a rappelé23 que la moyenne des gains réalisés dans l'année précédente est censée refléter les accords les plus récents des parties et la situation économique la plus actuelle. Dans le même arrêt (c. 2.2.2), s'appuyant sur la doctrine majoritaire, le Tribunal fédéral a jugé que la somme due en application de l'art. 337 c al. 3 CO porte intérêt, en raison de l'art. 339 al. 1 CO, dès le moment du licenciement immédiat.
Tout en rappelant qu'il est question d'élever à douze mois le montant maximal de l'indemnité (lire le rapport explicatif et l'avant-projet du Conseil fédéral à ce propos, septembre 2010, pp. 16-18), le Tribunal a répété que, dans des cas exceptionnels, une indemnité supplémentaire fondée sur l'art. 49 CO peut être allouée en sus de l'indemnité maximale de 6 mois de l'art. 337c al. 3 CO lorsque le montant maximal légal ne permet pas de tenir suffisamment compte du tort moral subi24.
Prohibition de concurrence (340 et ss CO)
Le Tribunal a retenu comme motif justifié de licenciement le fait qu'un travailleur n'a pas suffisamment développé une gamme de chromatographie, comme il s'y était engagé contractuellement. Un tel travailleur reste ainsi, même en cas de licenciement, lié par la clause de non-concurrence25.
Le Tribunal fédéral accueille favorablement l'avis de la doctrine majoritaire qui considère qu'une clause de concurrence fondée sur le fait qu'un travailleur a connaissance de la clientèle doit être limitée à une durée de six mois après la fin des rapports de service26.
Un travailleur actif dans le conseil en entreprise et en sélection du personnel réalisait chez son ancien employeur un chiffre d'affaires de 400000 fr. par année, et ceci pour un salaire annuel compris, lors des deux dernières années, entre 150 000 et 180000 fr. brut. Une peine conventionnelle équivalant à trois mois d'honoraires réalisés en faveur de l'ancien employeur, à savoir huit salaires mensuels de ce travailleur auprès de ce même employeur, a été jugée équitable par le Tribunal fédéral à la suite de la violation d'une clause de non-concurrence par le conseiller en personnel27.
Procédure
Dans un arrêt publié qui mérite la plus grande attention28 a été examinée la compétence à raison du lieu en cas de cumul d'actions fondées sur le droit du travail (art. 24a LFors), dont deux d'entre elles portaient des atteintes à la personnalité en application des art. 28 CC et 41 CO. Le Tribunal fédéral a analysé l'art. 15 al. 2 CPC, même s'il n'est entré en vigueur que le 1er janvier 2010. A cette occasion, le Tribunal fédéral a exprimé le souci de voir les contestations en matière de contrat de travail tranchées dans leur intégralité au for et selon les règles établies à cette fin, même lorsque la prétention repose sur un fondement contractuel et délictuel.
A relever que cette dernière jurisprudence a déjà été confirmée dans une décision postérieure29: notre Haute Cour a insisté à cette occasion sur la nécessité d'éviter le «forum shopping» qui consisterait, pour un créancier, à ouvrir action dans le for réservé aux actions extracontractuelles qui n'ont souvent qu'un caractère accessoire ou résiduel en droit du travail.
Loi sur l'égalité
Si l'équivalence salariale entre les deux sexes n'est pas immédiatement évidente ou n'est pas établie par d'autres moyens de preuve, le juge doit en principe ordonner les expertises nécessaires, a fortiori si cela a été ordonné par une partie. Une exception est toutefois envisageable, par exemple si l'expertise apparaît d'emblée inutile30.
Sans surprise, il est confirmé par la jurisprudence que l'action collective de l'art. 7 LEg, qui est une action en constatation de droit, ne vaut pas interruption de la prescription, cela conformément à ce que la doctrine avait déjà exprimé31.
1 Arrêt 4A_613/2010 du 25 janvier 2011.
2 Arrêt 4A_543/2011 du 17 octobre 2011.
3 Arrêt 4A_575/2010 du 8 février 2011.
4 Arrêt 4D_13/2011 du 14 avril 2011.
5 Arrêt 4A_50/2011 du 6 avril 2011. Pour une présentation plus complète de la problématique, voir Subilia/Duc, Droit du travail, 2010, pp. 221 ss, ad art. 324a CO.
6 Arrêt 2C_378/2010 du 10 mai 2011.
7 Arrêt 8C_603/2010 du 25 février 2011.
8 Arrêt 5A_113/2011 du 13 août 2011, arrêt qui sera publié aux TF.
9 Arrêt 4A_663/2010 du 28 février 2011.
10 ATF 137 III 162 (arrêt 4A_483/2010 du 17 mars 2011..
11 Arrêt 4A_173/2011 du 31 mai 2011.
12 Arrêt 8C_594/2010 du 25 août 2011 dans une affaire de foncton publique.
13 Arrêt 4A_381/2011 du 24 octobre 2011 c. 4.
14 Arrêt du 4A_89/2011 du 27 avril 2011 c.3
15 Arrêt 4A_569/2010 du 14 février 2011
16 Arrêt 8C_541/2010 du 20 juin 2011 qui applique par analogie l'art. 337 CO à des rapports soumis au droit public
17 Arrêt 4A_329/2011 du 11 octobre 2011
18 Arrêt 4A_346/2011 du 12 octobre 2011
19 Arrêt 4A_215/2011 du 2 novembre 2011
20 Arrêt 4A_84/2011 et 4A_94/2011 du 15 avril 2011
21 ATF 137 III 303 tiré d'un arrêt 4A_53/2011 du 28 avril 2011
22 Arrêt 4A_608/2010 et 4A_610/201 du 10 janvier 2011
23 Arrêt 4A_474/2010 du 12 janvier 2011
24 Arrêt 4A_660/2010 du 11 mars 2011
25 Arrêt 4A_33/2011 du 21 mars 2011
26 Arrêt 4A_62/2011 du 20 mai 2011
27 Arrêt 4A_107/2011 du 25 août 2011
28 ATF 137 III 131, arrêt 4A_145/2011 du 20 juin 2011
29 Arrêt 4A_220/2011 du 5 septembre 2011
30 Arrêt 4A_115/2011 du 28 avril 2011
31 Arrêt 8C_269/2011 du 18 octobre 2011, publication aux ATF prévue