Le domaine de la responsabilité civile est un gros pourvoyeur de jurisprudence et de doctrine. Si certains aspects semblent figés dans le bronze depuis longtemps, d'autres évoluent constamment et rapidement. C'est probablement pour cela que Franz Werro a publié une deuxième édition de son précis sur la responsabilité civile. La première datait de 2005, la nouvelle est enrichie de tout ce qui a été publié au 30 juin 2011 et, entre les deux périodes, la production fut considérable. C'est dire qu'il était grand temps de mettre à jour ce digne successeur du Deschenaux/Tercier, cette porte d'entrée incontournable du domaine, que tout praticien qui le touche se doit d'avoir sous la main.
Si on lie à cette évolution spécifique du domaine de la responsabilité civile celle de la procédure civile, on comprend pourquoi les spécialistes ont sué, dès le 1er janvier 2011, avec l'entrée en vigueur des nouvelles règles permettant de mettre en œuvre les droits des lésés. C'est pourquoi l'Université de Fribourg a consacré son colloque bisannuel de novembre 2011 au procès en responsabilité civile. Dans l'ouvrage réunissant les contributions des conférenciers, on lira notamment avec grand intérêt l'article de Michel Bergmann sur les procédures partielles. Il examine en particulier l'action partielle, la «Teilklage» de l'art. 86 CPC, cette nouveauté qui permet apparemment de ne plus être confronté à la lourde nécessité de réclamer l'entier d'un dommage RC. C'est évidemment un aspect de stratégie du procès à maîtriser absolument pour le spécialiste. Il faut également mettre en exergue le court article d'Alain Macaluso sur l'action civile dans le procès pénal, permettant d'apprécier les avantages du nouveau CPP pour le lésé. De même, il y a la contribution de Benoît Chappuis sur «les moyens de preuve collectés, de façon illicite ou produits de façon irrégulière», qui traite notamment du cas particulier du sort des preuves réunies par un détective privé, une stratégie des assureurs qui semble prendre de l'ampleur. A suivre avec attention.
Ce thème de la preuve fut au centre de la Journée de la responsabilité civile de l'Université de Genève en 2010. Malheureusement, les actes de celle-ci ont été publiés une année plus tard. Alors que toutes les autres universités romandes ont pris le pli de remettre l'ouvrage réunissant les contributions écrites des conférenciers le jour même, celle de Genève serait bien inspirée de se mettre aussi à cette rigueur, dont l'absence irrite le participant. D'autant plus que la plupart des articles ne sont pas mis à jour, à une, voire deux exceptions près. Quoi qu'il en soit, il faut relever que cinq des sept contributions de fond sont consacrées à l'expert et à l'expertise, sujet brûlant s'il en est. Par ailleurs, Christine Chappuis et Franz Werro ont établi un panorama de la jurisprudence (de 2006 à 2010...) sur ce thème de la preuve, alors que Nicolas Jeandin a examiné en détail les moyens de la preuve dans le nouveau CPC.
Trois ouvrages que le praticien de la RC se doit donc de posséder dans sa bibliothèque.
La responsabilité civile
Franz Werro, avec la collaboration de Josiane Haas
Berne Stämpfli 2011, (2e éd.),
556 pages, 118 fr.
Le procès en responsabilité civile. Colloque du droit de la responsabilité civile 2011
Franz Werro, Pascal Pichonnaz (éd.)
Berne Stämpfli 2011,
195 pages, 72 fr.
La preuve en droit de la responsabilité civile. Journée de la responsabilité civile 2010
Christine Chappuis, Bénédict Winiger (éd.)
Zurich Schulthess 2011,
179 pages, 65 fr.
Christian van Gessel
Les conventions d'actionnaires et le droit de la société anonyme en droit suisse
Olivier Bloch
Genève, Schulthess 2011, (2e éd.),
496 pages, 110 fr.
Très fréquentes et pourtant si méconnues, les conventions d'actionnaires sont l'unique moyen à disposition des actionnaires qui souhaitent établir clairement la relation qui les relie horizontalement et interviennent généralement autant dans la répartition des pouvoirs que dans le transfert des actions. Malgré leur nombre croissant, ces accords ne sont pas réglés par la loi en tant que tels, hormis les dispositions générales du droit des obligations.
Cet ouvrage apporte ainsi une synthèse pratique et exhaustive de ces conventions. Passant en revue le contenu et, surtout, les limites juridiques de tels accords au regard du droit suisse des sociétés, l'auteur livre, ici, un ouvrage condensé, mais complexe dont la prise en main et l'approche s'avèrent compliquées par l'étendue de la matière.
L'avis de plaidoyer: une vraie référence en langue française pour tous les professionnels confrontés à cette problématique souvent ignorée en raison du caractère confidentiel et secret de tels accords ainsi qu'à tout dirigeant ou actionnaire pour leur permettre de mieux en appréhender les subtilités. (yt)
La notion d'insolvabilité en droit privé suisse
Laurent Butticaz
Genève, Zurich, Bâle, Schulthess 2011,
388 pages, 120 fr.
Dans sa thèse de licence et de doctorat, l'auteur répertorie, en dix-neuf chapitres, les différentes dispositions du Code civil et du Code des obligations dans lesquelles apparaissent les termes «insolvable» ou «insolvabilité». Il présente en particulier la définition, la preuve et le moment de l'insolvabilité au regard de chaque disposition étudiée ainsi que les conséquences de l'application de celle-ci. Dans un modeste vingtième chapitre, l'auteur conclut que le recours à la notion d'insolvabilité, dans la mesure où il permet notamment d'assurer dans plusieurs situations une protection accrue et rapide des droits de différentes personnes, constitue un complément indispensable à la protection offerte par le droit des poursuites et qu'il conviendrait de modifier certaines dispositions légales en remplaçant le terme «insolvabilité» par celui de «surendettement», cela afin de préciser la notion d'insolvabilité.
L'avis de plaidoyer: cet ouvrage trouvera assurément son utilité auprès des praticiens, ceux-ci étant notamment régulièrement confrontés à la question de la définition et de la preuve de l'insolvabilité. (np)
Les dommages-intérêts contractuels
Philippe Gilliéron
Cedidac, Unil, Lausanne 2011,
707 pages, 180 fr.
Vouloir traiter des dommages-intérêts contractuels, qui plus est sur une base de droit comparé, s'apparente assurément à une gageure. Le résultat est pourtant là: une impressionnante thèse d'habilitation «concentrée» sur plus de 600 pages.Une première partie sur l'action en dommages-intérêts (DI) dans la responsabilité contractuelle permet à l'auteur de poser les limites de cette responsabilité en tant que concept et moyen de réparation. Plus volumineuse, la deuxième partie est consacrée à la fixation du dommage et permet au lecteur de se familiariser avec les notions de dommage réparable, de rapport de causalité, d'obligation de minimiser le dommage et, surtout, de découvrir en détail les modes de calculs. Le tout avec de nombreux et fréquents renvois aux droits français, anglais ou américain. Dans la troisième partie, l'auteur nous détaille les différents facteurs de réduction de l'indemnité.
L'avis de plaidoyer: il s'agit d'un ouvrage à vocation doctrinale qui intéressera avant tout les académiciens ou les spécialistes du domaine qui sont confrontés aux DI de contrats internationaux. (yt)
Swiss Trading SA: la Suisse, le négoce et la malédiction des matières premières
Déclaration de Berne (éd.)
Lausanne, Editions d'en bas 2011,
368 pages, 32 fr.
A l'heure où le plus grand commerçant de matières premières du monde, Glencore, établi à Baar (ZG), a annoncé à sa fusion avec Xstrata, géant minier dont le domicile fiscal est aussi à Zoug, la lecture de l'ouvrage rédigé par les auteurs de la Déclaration de Berne permet de comprendre pourquoi la Suisse occupe un rôle de premier plan dans le commerce des matières premières. Des régimes fiscaux cantonaux spéciaux, permettant de rapatrier à bon compte les bénéfices réalisés à l'étranger, une faible régulation des activités financières et des négociants qui ne sont pas soumis à la loi sur le blanchiment d'argent - ce que le pénaliste bâlois Marc Pieth juge «scandaleux» - concourent à faire exploser, dans notre pays, le commerce de transit. Pour que cela change, la Suisse doit rendre responsables des violations des droits humains et des dommages causés à l'environnement dans les pays pauvres toutes les entités et filiales de sociétés ayant un siège ou des activités centralisées sur sol helvétique.
L'avis de plaidoyer: un diagnostic sans complaisance, suivi de propositions de solutions. Se lit comme un polar. (sfr)