De 2009 à 2015, sur 52 décisions rendues par le Tribunal fédéral en matière de recours universitaires genevois, la moitié était irrecevable. Les étudiants ont rarement l’argent permettant d’être assistés d’un avocat, alors que ces recours sont difficiles formellement, relève Grégoire Geissbühler, qui fut assistant dans cette université. Le taux d’admission des recours devant la Haute Cour (9,62%) s’en ressent; il est très inférieur à celui généralement rencontré en droit administratif (23,4%).
Ce docteur en droit vient de leur vouer un petit livre fort bien fait et, ce qui ne gâche rien, non dépourvu d’humour1. Quelques perles: un étudiant de la FASPE2 réclamait 150000 fr. de dommages-intérêts «car il avait perdu beaucoup de temps et d’argent lors de ces procédures administratives»; un apprenti juriste genevois concluait «à l’annulation de cette décision et à la dissolution de la Commission de recours qui aurait jugé sa cause de manière impartiale (recte: partiale) et arbitraire»; une candidate au doctorat «se considérait brillante (fait qui) ne suffit pas à lui décerner le titre de docteur»; enfin, un autre étudiant estimait que «le professeur chargé de corriger son épreuve de droit pénal a procédé à un «barbouillage illisible».
Améliorations souhaitées
«L’idée du livre a commencé par une discussion entre une équipe d’assistants chargés de corriger ces copies et, parfois, se trouvant confrontés aux protestations des étudiants, explique en souriant son auteur. Je me suis rendu compte qu’il y avait peu de doctrine sur les recours universitaires, que les avocats, peu souvent mandatés, maîtrisaient mal la matière et que des améliorations pouvaient être apportées, ne serait-ce que pour réduire la durée de la procédure qui peut s’étaler sur deux ans. Or que fait l’étudiant provisoirement en échec dans ce laps de temps? Même si son recours est admis, il se sera probablement réorienté vers d’autres études dans l’intervalle.»
L’étude porte sur tous les arrêts du TF concernant l’Université de Genève – dont plusieurs décisions non publiées – et de la Cour de justice genevoise de 2009 à 2015, des arrêts ultérieurs ayant été pris en compte s’ils posaient un problème de principe, tout comme des arrêts concernant d’autres universités. «Devant la Haute Cour, seule la violation de droits fondamentaux peut être alléguée lors d’un recours constitutionnel subsidiaire, en raison de l’art. 83
let. t LTF, qui exclut les recours au fond portant sur le résultat d’examens. La majorité des griefs est la violation du droit d’être entendu3 et du principe de la légalité4 – «souvent motivés par des règlements de faculté peu clairs, changeant fréquemment, mal interprétés ou non adoptés selon les formes». S’ensuit le grief d’arbitraire – (par exemple, la mise en échec d’une étudiante ayant eu de très bons résultats, qui a eu un semestre plus relâché avec un nombre de crédits ECTS insuffisant: le but de la norme étant d’éviter le retard dans les études, qui n’existait pas en l’occurrence, la décision a été annulée).
La violation de la bonne foi5 est réalisée si un professeur indique que des documents d’examens figurent sur une plateforme internet d’où ils disparaissent avant l’épreuve, alors qu’aucune limite temporelle d’accès n’avait été précisée. L’égalité de traitement est peu souvent invoquée avec succès, déjà parce que les modalités des épreuves peuvent légitimement changer d’une année à l’autre. Un cas qui n’a pas fait l’objet d’un recours, mais qui est la hantise des enseignants et des assistants, est la perte d’une copie. «On pourrait admettre le recours pour arbitraire ou violation du droit d’être entendu, selon les cas, et un nouvel examen devrait être organisé, sans perte de tentative pour l’étudiant», propose Grégoire Geissbühler.
Enregistrer l’oral
Il est encore plus difficile de contester un examen oral. «Dans l’ATF 105 Ia 200 du 19 juillet 1979, soit un arrêt relativement ancien qui concernait un échec définitif à la Faculté des sciences économiques et sociales fribourgeoise, le TF a nié l’obligation de tenir un procès-verbal lors d’examen oral et a admis que le professeur puisse avoir comme expert son propre assistant. En effet, l’examen oral suppose des compétences de réaction et de débat qui doivent être examinées dans l’instant. Toutefois, à Genève, l’Ecole d’avocature propose désormais d’enregistrer l’examen oral, ce qui permet de conserver un moyen de preuve. Si la question était soumise de nouveau au TF, peut-être ferait-il évoluer sa jurisprudence», poursuit l’auteur.
Déceler les cas de plagiat n’est pas aisé, même à l’aide de logiciels de comparaison: «Ces logiciels décèlent les plagiats grossiers, effectués en copiant et collant des textes disponibles sur internet. Pour la doctrine écrite ne figurant pas sur le net, c’est plus difficile. En outre, le logiciel signale comme plagiat des textes correctement cités entre guillemets, et ne décèle pas la copie de textes traduits», explique-t-il.
Réduire les délais
Il vaut toujours mieux discuter préalablement des circonstances exceptionnelles pouvant valoir de refaire un examen, car les Facultés se montrent généralement conciliantes. «Les étudiants perturbés par les vrombissements de moteurs du Swiss Tuning Show qui se déroulait à côté de la salle d’examens de Palexpo ont pu, s’il s’agissait de leur dernière tentative, disposer d’un essai supplémentaire.» La Faculté de droit genevoise n’y organise désormais plus ses épreuves.
Au terme de son étude, Grégoire Geissbühler préconise de réduire les délais de recours: «Dans l’intérêt des étudiants, dix jours seraient suffisants pour s’opposer comme pour recourir sur le plan cantonal, ce qui permettrait de gagner un mois et d’être plus vite fixé sur la suite de son cursus.» La marche à suivre «est peu connue, et il conviendrait de mieux informer les étudiants de leurs droits, par exemple en utilisant des formulaires d’opposition qui simplifient la procédure et fixent les exigences s’agissant des pièces à fournir, comme le font certaines facultés». Raccourcir les procédures d’opposition pourrait se faire en engageant du personnel supplémentaire à cet effet, préconise l’auteur. Enfin, le fait qu’un tiers des décisions du TF soient procédurales «devrait inciter les facultés à respecter strictement leurs règlements et le droit transitoire en vigueur», ainsi que les assurances données par le personnel en charge de l’enseignement lorsque les étudiants peuvent de bonne foi s’y fier».
1Grégoire Geissbühler, Les recours universitaires, Genève/Zurich/Bâle, Schulthess Editions romandes, 2016.
2Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (GE).
3Vingt et un, dont six admissions. Ce motif a, en fin de période considérée, plus rarement été admis devant le TF, signe que les facultés ont globalement tiré les leçons des recours acceptés.
4Quarante sur cent quarante.
5Arbitraire et bonne foi: 84 sur 140.