Le Tribunal fédéral a confirmé, dans un arrêt relativement récent (arrêt 8C_399/2009 du 10 novembre 2009), qu'un chômeur pouvait être pénalisé par l'assurance chômage pour avoir pris des vacances à l'étranger durant une partie de son délai de congé, au lieu de chercher un nouvel emploi pendant cette période. Si cette position semble conforme à la Loi fédérale sur l'assurance chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (ci-après LACI), eu égard notamment à l'obligation légale du futur chômeur de diminuer le dommage lié à sa perte d'emploi, il n'en demeure pas moins qu'elle soulève certains problèmes de coordination, voire de cohérence, avec le droit du travail et principalement avec l'obligation de l'employé, tant que durent les rapports de travail, de prendre le solde de ses vacances en nature (art. 329d al. 2 CO). Vu l'importance des enjeux pour les personnes concernées, il semble opportun d'examiner comment ces deux obligations a priori contradictoires peuvent être conciliées.
Délai de congé et obligation de limiter le dommage (17 LACI)
Il découle des articles 17 LACI et 26 OACI (et, plus généralement, de l'obligation de l'assuré de tout mettre en œuvre pour diminuer son dommage) que l'individu qui fait valoir des prestations d'assurance doit entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail et d'apporter la preuve des efforts qu'il a fournis. Il a été précisé, à de nombreuses reprises, que cette obligation prend naissance avant le début du chômage, soit pendant le délai de congé déjà (DTA 1993/1994 p. 87, consid. 5b).
Les recherches doivent ainsi être effectuées en nombre suffisant, soit entre 4 et 12 postulations par mois selon les cas. Ces postulations doivent en outre être faites de manière régulière, de sorte qu'il n'est pas possible de déposer 12 dossiers durant la première semaine du mois, puis de ne plus chercher d'emploi durant les trois semaines suivantes (Boris RUBIN, Assurance chômage, 2e édition, Schulthess, Berne, Genève, 2006, p. 392 et références citées). Si le salarié ne s'exécute pas, il s'expose à une suspension de son droit à l'indemnité (art. 30 al. 1 let. c LACI).
C'est dans ce contexte juridique que le Tribunal fédéral, dans l'arrêt susmentionné du 10 novembre 2009, a confirmé une suspension de 5 jours des indemnités chômage d'un salarié licencié, lequel n'avait pas satisfait à son obligation de rechercher un emploi durant une partie de son délai de congé parce qu'il était parti en vacances.
Ledit salarié avait été licencié le 14 juillet 2008 pour le 30 septembre 2008. L'employeur ayant imposé à tous ses employés de prendre quatre semaines de vacances du 21 juillet 2008 au 17 août 2008, le futur chômeur était parti à l'étranger durant cette période et n'avait procédé à aucune postulation. En revanche, en dehors de ces quatre semaines, il avait déposé vingt recherches d'emploi durant son délai de congé de deux mois et demi.
En dépit du fait que ces candidatures représentaient près de huit postulations par mois sur l'ensemble du délai de congé, le Tribunal fédéral a estimé qu'il était justifié de pénaliser l'intéressé, celui-ci n'ayant «pas entièrement satisfait son obligation de diminuer le dommage ancrée à l'art. 17 al. 1 LACI». Il relevait encore que l'on «pouvait attendre de l'assuré qu'il organise ses vacances de telle manière qu'il puisse faire un minimum de recherches pendant sa période de vacances. Sous l'angle de l'assurance chômage, on pouvait exiger de lui qu'il renonçât à passer des vacances à l'étranger, même si celles-ci étaient prises dans le délai de congé et dans la mesure où aucune réservation n'avait été faite avant le licenciement.»
En substance, il convient de retenir de cet arrêt que, du point de vue de l'assurance chômage, l'employé licencié n'est pas en mesure d'organiser ses vacances comme il l'entend s'il veut prétendre à des indemnités chômage. Cette position est cohérente avec l'orientation de la LACI qui vise à ce que l'assuré surmonte le chômage par des efforts personnels et se com-porte comme si l'assurance chômage n'existait pas (FF 1923 p.?856). Il n'est ainsi pas envisageable que l'employé en fin de contrat s'octroie des vacances durant son délai de congé s'il n'a pas retrouvé d'embauche pour la suite.
Les vacances en nature
L'institution des vacances a pour but premier de permettre au travailleur de se reposer, de se détendre et de satisfaire ses goûts (Message du Conseil fédéral à l'appui de la loi sur la durée des vacances in FF 1982 III 213; Adrian STAEHELIN, Zürcher Kommentar, art. 329 c M1). Un rôle essentiel leur est également reconnu dans l'approfondissement des liens familiaux (Message, p. 204). D'une manière plus générale, ce sont ainsi la santé et la personnalité du travailleur que le droit aux vacances cherche à protéger.
C'est notamment pour que cette protection soit aussi effective que possible que le législateur a instauré, à l'art. 329d al. 2 CO, une obligation pour le travailleur de prendre ses vacances en nature, de sorte que, pendant toute la durée des rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d'autres avantages. L'article 329d al. 2 CO est de nature absolument impérative (art. 361 CO), de sorte qu'il ne peut y être dérogé ni au détriment de l'employeur ni au détriment de l'employé.
Vacances en nature et délai de congé
Le délai de congé faisant partie des rapports de travail, l'obligation de prendre ses vacances en nature devrait a fortiori également être applicable durant cette période. Force est toutefois de constater qu'une telle affirmation pose un certain nombre de problèmes pratiques et juridiques, eu égard notamment au but des vacances, tel qu'il vient d'être rappelé.
Le délai de congé ne peut pas être considéré comme une période ordinaire, en tout cas lorsque l'employé dont le contrat est résilié n'a pas encore retrouvé d'emploi. Celui-ci se trouve inévitablement dans une période de stress et d'incertitude. Il doit immédiatement entamer des démarches afin de retrouver un emploi et s'assurer un revenu lui permettant de pourvoir à ses besoins, ainsi qu'à ceux de sa famille.
Au-delà de ce but premier, ces recherches ont pour objectif subsidiaire, si elles n'aboutissent pas, d'ouvrir le droit à des indemnités journalières de l'assurance chômage. Dans ces circonstances, l'on voit mal comment des vacances en nature, que le travailleur serait obligé de prendre sur la base de l'art. 329d al. 2 CO, seraient susceptibles d'atteindre leur but de détente et de repos.
Conscient du problème, le Tribunal fédéral a développé une jurisprudence nuançant, pour la période du délai de congé, la règle figurant à l'art. 329d al. 2 CO.
Cette jurisprudence est bien trop dense pour être détaillée ici (elle est synthétisée de manière remarquable par Sandra GENIER MÜLLER dans «Fixation des vacances pendant le délai de congé, in Panorama en droit du travail, IDAT, 2009, pp. 209 ss).
De façon schématique, on peut la résumer ainsi: notre Haute Cour estime qu'en général, lorsque le travailleur doit rechercher un emploi, il ne peut être tenu de prendre ses vacances pendant le délai de congé si celui-ci ne dépasse pas deux à trois mois. Cette présomption peut toutefois être renversée si l'employeur démontre que, nonobstant la brièveté du délai de congé, le travailleur est parfaitement en mesure de bénéficier du temps de vacances, parce qu'il a déjà trouvé un nouvel emploi, qu'il peut en trouver un facilement dans le secteur d'activité où il travaille ou pour d'autres raisons, telles que la libération de l'obligation de travailler (arrêt 4C.84/2002 et GENIER MÜLLER, op. cit.). Dans tous les cas, il convient évidemment encore d'examiner le rapport entre la durée du délai de congé et le solde de vacances à disposition (4C.84/2005).
Quand bien même ce développement jurisprudentiel assouplit indéniablement la règle générale de l'art. 329d al. 2 CO, il n'en demeure pas moins insatisfaisant pour trois raisons.
Premièrement, en permettant à l'employeur d'imposer des vacances à son employé sans respecter le préavis minimal de trois mois nécessaire à leur planification, il est contraire à l'esprit de l'art. 329d al. 2 CO et à son objectif de repos et de détente du travailleur (cf. Plädoyer 6/09 pp. 52 ss et références citées). Cet aspect est d'autant plus problématique que, dans la grande majorité des cas, les délais de congé sont inférieurs ou égaux à trois mois, de sorte que le préavis susmentionné ne peut en pratique jamais être respecté.
Deuxièmement, il est inconciliable avec la jurisprudence rendue en matière d'assurance chô-mage qui, comme expliqué précédemment, pénalise le futur chômeur qui prend des vacances durant son délai de congé. L'employé licencié qui n'a pas encore retrouvé de travail pour la période postérieure au terme de son délai de congé doit ainsi choisir entre deux maux: renoncer au bénéfice de ses vacances ou prétériter ses droits vis-à-vis de l'assurance chômage. Imposer un tel choix n'est pas admissible, surtout dans une phase où le travailleur doit faire face au stress et à l'incertitude généralement liés à la perte de son emploi et de ses revenus.
Troisièmement, et au-delà des aspects strictement juridiques, il ne prend absolument pas en compte le caractère antinomique des concepts de vacances et de recherche d'emploi. Il est illusoire de penser qu'un individu puisse se reposer et se détendre alors que règne l'incertitude concernant son avenir professionnel, qu'il doit être en permanence sur le qui-vive, réagir vite à d'éventuelles annonces, préparer et se présenter à des entretiens d'embauche. De manière plus générale, un employé peut difficilement être dans les dispositions d'esprit lui permettant de prendre des vacances et d'en profiter, à la suite d'un licenciement, s'il n'a pas déjà retrouvé un emploi.
Il y a donc manifestement un besoin de coordination entre le régime de la LACI et celui du Code des obligations tels qu'ils sont interprétés par le Tribunal fédéral.
La recherche d'une solution cohérente
La résolution de cette contradiction passe, à notre avis, par une nouvelle interprétation jurisprudentielle de l'art. 329d al. 2 CO et ce pour la période du délai de congé. Il semble en effet nécessaire de considérer que cette disposition ne s'applique pas durant le délai de congé lorsque la résiliation a été prononcée par l'employeur. Dans de telles circonstances, il est souhaitable que le travailleur, libéré ou non de l'obligation de travailler, ait la possibilité, s'il le désire, d'exiger que son droit aux vacances soit converti en une indemnité financière.
Cette solution serait, d'une part, cohérente avec la jurisprudence rendue en matière d'assurance chômage, dans la mesure où elle éviterait que le futur chômeur soit pénalisé par l'exercice effectif de son droit aux vacances et, d'autre part, elle éviterait que le salarié ne perde, sans contrepartie, le bénéfice de son droit aux vacances puisque, comme on l'a vu, sauf cas particulier, il n'est pas possible que le travailleur profite des vacances et se repose dans les circonstances difficiles qui entourent généralement le licenciement.
L'actuelle jurisprudence, qui permet de contraindre un salarié à prendre des vacances non planifiées pendant le délai de congé, en même temps qu'il recherche un emploi, revient en réalité à l'empêcher d'en tirer un quelconque bénéfice. Quand bien même le versement du salaire afférent aux vacances ne saurait compenser le repos et la détente que l'on ne peut plus octroyer au travailleur, il constitue indéniablement un moindre mal. En effet, la conversion du solde de vacances en une indemnité sera souvent la bienvenue au moment où les revenus de l'employé sont voués à décroître, si ce dernier ne retrouve pas d'embauche au terme du délai de congé.