Précisions sur le mandat d’office
Me Mia Los est agacée, car elle vient de recevoir une décision où le juge a fixé son indemnité d’office dans un jugement de divorce en ne tenant pas compte – sans raison – de toutes les opérations qu’elle a accomplies. Elle hésite à recourir. Elle n’est plus sûre du délai de recours et elle va bientôt accoucher. Elle se demande d’ailleurs si cela posera un problème que ses mandats d’office soient assumés par un autre avocat de l’étude durant son congé maternité. Et quid de la TVA, qui n’a pas été prise en compte dans une autre décision sur son indemnité? Ou d’un client qui demande le remboursement des provisions versées dès lors que l’assistance judiciaire vient de lui être accordée avec effet au début du mandat?
Sommaire
Plaidoyer 05/2016
22.09.2016
Dernière mise à jour:
26.09.2016
Mercedes Novier, Dr en droit, avocate.
L’obligation de l’avocat d’accepter les défenses d’office et les mandats d’assistance judiciaire (AJ) dans le canton au registre duquel il est inscrit découle de l’art. 12 let. g LLCA. C’est une obligation professionnelle de l’avocat, contrepartie de son monopole de représentation en justice. Sa nomination concrétise un droit constitutionnel du justiciable (art. 29 al. 3 Cst.; 6 § 1 CEDH). L’avocat doit ass...
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AbonnementL’obligation de l’avocat d’accepter les défenses d’office et les mandats d’assistance judiciaire (AJ) dans le canton au registre duquel il est inscrit découle de l’art. 12 let. g LLCA. C’est une obligation professionnelle de l’avocat, contrepartie de son monopole de représentation en justice. Sa nomination concrétise un droit constitutionnel du justiciable (art. 29 al. 3 Cst.; 6 § 1 CEDH). L’avocat doit assumer les mandats d’office dans le respect de ses obligations professionnelles, avec autant de soin et de diligence que s’il était avocat de choix (cf. aussi art. 17 CSD). Sans motif légitime (par exemple, conflit d’intérêts), l’avocat ne peut pas refuser une nomination d’office, ni mettre fin librement à un tel mandat. Il doit demander à être relevé de son mandat d’office. L’avocat est nommé personnellement. Selon le TF, il n’est pas arbitraire de réduire la note d’honoraires du mandataire d’office en n’indemnisant pas les opérations effectuées par une collègue de l’étude qui avait remplacé l’avocate désignée durant son congé maternité, dès lors qu’il n’y avait pas eu de changement d’avocat d’office, soit qu’aucune autorisation judiciaire pour cette substitution n’avait été demandée1.
Lorsque l’AJ est accordée à un justiciable indigent, l’Etat assure la rémunération de l’avocat. Il y a un rapport de droit public entre l’avocat et l’Etat. L’avocat d’office accomplit alors une tâche étatique soumise au droit public cantonal, «qui lui confère une prétention de droit public à être rémunéré équitablement dans le cadre des normes cantonales applicables»2. L’indemnité doit permettre à l’avocat de couvrir ses frais et de réaliser un gain modeste. Une rémunération forfaitaire de l’avocat d’office (180 fr. par heure en moyenne suisse) n’est pas interdite en soi, pour autant que l’activité de l’avocat jugée nécessaire dans le cas d’espèce soit effectivement couverte3. Des situations particulières dans les cantons peuvent justifier un montant plus haut ou plus bas. Le critère du temps consacré n’est pas le seul. Il faut aussi de tenir compte de la nature de l’affaire, sa complexité, etc. Même si le montant reçu de l’Etat ne couvre pas l’entier des honoraires, la facturation d’honoraires à un client au bénéfice de l’AJ viole l’art. 12 let. a LLCA, et le défenseur d’office ne peut pas se substituer à l’autorité compétente quant au caractère infondé de la décision d’AJ (TF 2C_452/2011). L’Etat étant le destinataire des prestations de services de l’avocat d’office, la rétribution de celui-ci doit comporter un montant à titre de TVA, même si le client bénéficiaire de l’AJ est domicilié à l’étranger (ATF 141 III 560, 141 IV 344)4.
Me Los devra être attentive au délai pour contester la décision prise dans le jugement au fond sur son indemnité. Le CPC n’est pas clair sur ce point. Le canton de Vaud retient le délai de recours de 10 jours de l’art. 321 al. 2 CPC, alors que d’autres cantons retiennent un délai de 30 jours. Le TF considère que la solution vaudoise n’est pas arbitraire, mais qu’on ne peut reprocher à l’avocate de s’être fiée à l’indication du délai de 30 jours figurant dans la décision attaquée, dès lors que le délai de recours sur cette question ne résulte pas de la simple lecture du texte légal5.