Oui, en tout cas selon la définition constitutionnelle de l’impôt telle que reconnue jusqu’ici. Le 26 septembre dernier, le Parlement a adopté une révision de la loi sur la radio et la télévision. A moins qu’un référendum n’aboutisse, on assistera à un changement du système de financement de la radio et de la télévision. Ce ne sont pas seulement les personnes détenant et utilisant un appareil de réception qui devront payer, mais l’ensemble des ménages. Et aussi toutes les entreprises d’une certaine taille, indépendamment du fait qu’elles possèdent des appareils de réception.
Les redevances actuelles doivent être comprises comme des taxes causales, dont le paiement est la contre-prestation de l’autorisation étatique de recevoir les programmes de radio-TV. Avec la nouvelle redevance non liée à la possession d’un appareil, ce rapport d’échange disparaît. Ce n’est plus du tout une taxe causale.
Le législateur doit veiller au respect des prescriptions constitutionnelles applicables aux redevances publiques. Pour prélever un impôt, la Confédération doit disposer d’une compétence expresse dans la Constitution. Contrairement aux taxes causales ou d’incitation, une simple compétence spécifique du domaine concerné ne suffit pas. De plus, le prélèvement d’un impôt doit satisfaire aux exigences de l’art. 127 Cst. (principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique).
D’après la doctrine majoritaire et la jurisprudence, la Constitution comprend une notion d’impôt large, qui intègre également des redevances mixtes, aussi longtemps qu’elles présentent un aspect fiscal, mais pas le pur caractère de contrepartie des taxes causales. Comme cette dernière n’a pas été retenue dans le changement de système prévu, la nouvelle redevance radio-TV apparaît comme un impôt. Son introduction nécessite, par conséquent, une compétence expresse dans la Constitution, qui fait défaut pour le moment.
Le Parlement, de son côté, voit dans la nouvelle redevance un cas particulier, qu’il veut soustraire à la définition constitutionnelle de l’impôt large. Plusieurs éléments feraient pencher la balance pour cette interprétation: la redevance prévue prend la place de la précédante, elle ne représente pas une charge financière de plus pour beaucoup de monde, et pour les cantons, elle ne constitue pas une atteinte supplémentaire à leur substrat fiscal.
Il est cependant douteux de limiter la définition constitutionnelle de l’impôt sur la base d’une observation relative à un cas particulier, avec des conséquences peu claires pour d’autres cas. Notamment, rien ne dit que le législateur n’essaiera pas à l’avenir d’augmenter les redevances Radio-TV en dehors du cadre actuel. Il n’est peut-être pas courant qu’une redevance se transforme soudain en un impôt. Mais cela ne devrait pas être une raison pour distordre les règles constitutionnelles de l’imposition d’une façon douteuse, avec des conséquences guère prévisibles.