Longtemps considérée comme incompatible avec la dignité de la profession d'avocat, la publicité est un instrument auquel, à l'heure d'internet, ces juristes n'hésitent plus à avoir recours pour asseoir leur réputation. Cette évolution a conduit le Conseil de l'Ordre des avocats vaudois (OAV) à adopter en mars 2012 des directives qui explicitent l'art. 12 lit. d de la loi sur la libre circulation des avocats (LLCA). Cet article prévoit que l'avocat «peut faire de la publicité, pour autant que celle-ci se limite à des faits objectifs et qu'elle satisfasse à l'intérêt général», c'est-à-dire qu'elle corresponde à l'intérêt du public. Quelques illustrations?
L'art. 16 du Code suisse de déontologie y ajoute l'exigence de véracité et le devoir de diligence, qui «imposent, s'agissant du site internet de l'avocat, d'être prudent avec les appréciations qualitatives des propres prestations et avec l'usage de superlatifs ainsi qu'avec tout ce qui peut apparaître comme vantardise et comme exagération (...).» A lire le chiffre 2.7 des nouvelles directives, on sent le vécu: une étude de droit commercial bien connue, présente à Zurich, Genève et Lausanne se prétend ainsi «la référence en droit des affaires en Suisse», offrant «l'équipe juridique la plus vaste de Suisse», le «premier cabinet en conseil fiscal de Suisse», en bref, «le meilleur sur le marché». N'en jetez plus! Heureusement, ce cabinet clairvoyant ajoute qu'«en affaires (...), la modestie permet par expérience d'atteindre le plus rapidement l'objectif visé». On ne saurait mieux dire.
La directive 2.10 conseille, quant à elle d'«installer avec prudence des liens hypertextes», et la directive 2.12 indique qu'«il n'est pas admissible de faire installer des liens hypertextes ou par meta-tags, de manière à apparaître en tant que résultat de recherche ou comme «pop-up» avec des tribunaux, d'autres études d'avocat, d'autres prestataires de services juridiques ou d'autres autorités». Là encore, c'est «l'imagination débordante des confrères», comme la nomme Me Cornelia Seeger Tappy, chargée de la commission du Conseil de l'OAV qui s'est penchée sur ces questions, qui a nécessité cette précision. Une avocate avait ainsi réussi à faire figurer des liens qui faisaient que, même si l'internaute cherchait l'adresse d'un tribunal ou celle d'un autre avocat, le nom de sa propre étude s'imposait. «Ces procédés sont trompeurs pour le public en donnant l'apparence d'une recommandation ou d'un lien particulier entre le tiers et l'étude en question», tance l'OAV, qui l'a priée de cesser ces pratiques. Quant à l'avocat qui faisait figurer son étude sur le panneau publicitaire entourant le plan d'une commune, son cas est jugé «discutable», car il ne doit pas apparaître comme chaudement recommandé par l'autorité.
Un défenseur qui se faisait connaître en distribuant des flyers vantant son étude dans les boîtes aux lettres de ses voisins a justifié la rédaction de la directive 6.1, proscrivant «toute forme de publicité agressive, tendant à offrir des services personnellement à des personnes dont on ignore si elles ont besoin de services juridiques ou de l'assistance d'un avocat, et qui peuvent être ressenties comme intrusives ou gênantes (téléphone, fax, porte-à-porte)».
Si l'on pense que la commission du barreau genevois n'a pas hésité à sanctionner un confrère pour avoir fait mention, dans sa publicité, de son statut de juge suppléant à la Cour de justice (SJ 2011 II p. 194), le Bâlois Ernst Staehelin ne se montre-t-il pas un peu insouciant lorsqu'il préconise de supprimer l'art. 12 lit. d LLCA, car «il n'est pas nécessaire de prévoir une disposition distincte (sur la publicité) dans la future loi sur la profession d'avocat», la LCD suffisant à exiger la loyauté en la matière? Après avoir lu une thèse sur le sujet1 et au vu de la complexité de la jurisprudence relative à la LCD, Cornelia Seeger Tappy juge, elle, que les nouvelles directives de l'OAV ne sont pas un luxe.
1Schütz Andrea, Anwaltswerbung in der Schweiz - UWG als Alternative zu Art. 12 lit. d BGFA?, Zurich, Schulthess, 2012