Jusqu’au 3 juin dernier, Swissmedic n’avait autorisé les vaccins contre le COVID-19, dont le vaccin «Comirnaty®» de Pfizer/BioNTech, que pour les personnes âgées de 16 ans et plus1. Le 4 juin 2021, l’autorisation d’extension aux enfants âgés de 12 à 15 ans a toutefois été accordée à Pfizer/BioNTech2. Le 9 août 2021, Swissmedic communiquait avoir approuvé l’extension de l’indication du vaccin «Spikevax», de l’entreprise Moderna, pour les mineurs âgés de 12 à 17 ans3.
Le 5 mai 2021, déjà, l’Office fédéral de la santé publique (ci-après OFSP) déclarait, dans une lettre d’information (notamment envoyée à l’ensemble des médecins, pharmaciens, assurances maladie et responsables cantonaux de la santé)4, que les enfants capables de discernement pourraient décider seuls de se faire vacciner, soit sans l’accord des détenteurs de l’autorité parentale, et cela dès l’âge de 10 ans5.
L’OFSP n’a-t-il toutefois pas agi dans la précipitation en tentant de faire croire que cet acte médical entrait dans les droits strictement personnels du mineur qui ne nécessitent pas l’accord de son représentant légal?
Le Tribunal cantonal fribourgeois vient par ailleurs récemment de déclarer, dans sa décision du 29 juillet 2021, que les mineurs de 12 à 15 ans capables de discernement seraient privés d’un droit qu’ils réclament pour eux-mêmes s’ils ne pouvaient décider seuls de se faire vacciner, en citant entre autres la théorie des droits strictement personnels ainsi que l’art. 12 al. 1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (RS O.107, entrée en vigueur le 26 mars 1997 pour la Suisse) et l’art. 6 al. 2 de la Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine du 4 avril 1997 (Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine, RS 0.810.2).
Ce tribunal a-t-il été exhaustif dans son analyse de la situation, en particulier celle du droit international applicable?
Nous tentons de répondre à ces questions dans cette publication, en abordant les principes applicables en matière de capacité de discernement, de consentement libre et éclairé, de besoins de protection accrue des mineurs. Eu égard aux principes généraux, nous mettrons en évidence les exigences juridiques requises pour procéder à une éventuelle vaccination des enfants. Enfin, nous concluons par quelques autres pistes de réflexions.
1. L’autorité parentale
Le Code civil suisse aborde l’autorité parentale à l’art. 301 CC. Ainsi, «les père et mère déterminent les soins à donner à l’enfant, dirigent son éducation en vue de son bien et prennent les décisions nécessaires, sous réserve de sa propre capacité» (al. 1).
Par autorité parentale, on entend donc les responsabilités sous forme de droits et obligations de chaque parent d’élever leur(s) enfant(s) afin de le conduire vers l’âge adulte, en tenant compte de l’intérêt et du bien-être de l’enfant6. Ainsi, conformément à l’art. 301 CC, plus l’enfant grandit et gagne en maturité, plus son avis doit être pris en compte dans la prise de décisions importantes. Toutefois, à ce stade, si l’avis de l’enfant doit être pris en compte, il convient de préciser que les titulaires de l’autorité parentale conservent le droit de décider à sa place pour la plupart des décisions. Cela découle du besoin de protection accrue que les adultes doivent aux enfants, eu égard à l’art. 11 de la Constitution fédérale. Ainsi, «les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l’encouragement de leur développement. Ils exercent eux-mêmes leurs droits dans la mesure où ils sont capables de discernement.» La limite de l’autorité parentale est donc posée. Elle est encore rappelée à l’art. 305 al. 1 CC: «L’enfant capable de discernement soumis à l’autorité parentale peut s’engager par ses propres actes dans les limites prévues par le droit des personnes et exercer ses droits strictement personnels.»
2. Les droits strictement personnels et la capacité de discernement
2.1. Les droits strictement personnels
«Les personnes capables de discernement mais privées de l’exercice des droits civils exercent leurs droits strictement personnels de manière autonome; les cas dans lesquels la loi exige le consentement du représentant légal sont réservés.» (art. 19c al. 1 CC).
Par droits strictement personnels, on entend les droits subjectifs privés qui sont inhérents à l’homme du fait de sa qualité d’être humain comme les biens de la personnalité, le droit d’aménager ses relations privées ou les droits fondamentaux liés à la personnalité qui peuvent être exercés en principe de pair avec la capacité de discernement nécessaire correspondante. Parmi ces derniers, on peut citer le droit à l’intégrité physique, droit prévu à l’article 10 al. 2 Cst.7.
Le consentement à un traitement médical, traitement qui porte donc atteinte à l’intégrité physique8, doit être considéré comme un droit strictement personnel9. Ainsi, à condition d’être capable de discernement, le mineur peut décider seul si et dans quelle mesure il souhaite se soumettre à un traitement médical10. A priori, la décision du mineur capable de discernement échapperait donc au contrôle et à la volonté de ses parents, détenteurs de l’autorité parentale11.
2.2. La capacité de discernement
La capacité de discernement est définie, selon l’art. 16 CC, comme étant la faculté d’agir raisonnablement; le jeune âge étant une limitation de cette faculté. La capacité de discernement peut se résumer ainsi: l’aptitude à apprécier le sens, l’opportunité et les effets d’un acte déterminé et agir selon cette appréciation12. La capacité de discernement se détermine in concreto, soit par rapport et au moment d’une action déterminée13. Dans le domaine médical, la capacité de discernement consiste dans la maturité cognitive, émotionnelle et sociale suffisante pour comprendre le diagnostic, les options thérapeutiques existantes, les effets ainsi que l’évolution prévisible de l’affection en cas d’abstention ou de retrait thérapeutique14.
Il convient de préciser encore que l’évaluation de la capacité de discernement du mineur ne porte pas sur le contenu ou le caractère raisonnable des décisions, mais uniquement sur la capacité à comprendre la situation, les différentes options qui se présentent à lui et les conséquences de son acceptation ou de son refus. C’est au médecin procédant à l’acte médical d’évaluer la capacité de discernement. Celui-ci ne doit donc pas juger si le choix du patient est conforme à son intérêt ou à ce que ferait une personne raisonnable dans la même situation, mais uniquement si le patient, en l’espèce, le mineur, est apte à faire ce choix15.
En cas de doute sur la capacité de discernement du mineur, le médecin devra faire appel à un pédopsychiatre ou tout autre médecin mieux à même d’évaluer la capacité de discernement de l’enfant16. Le protocole devrait toujours indiquer comment et avec quels outils la capacité de discernement sera évaluée, conformément à l’avis de Swissethics, qui exige que des informations détaillées figurent dans le protocole17.
Certains auteurs admettent que l’enfant de moins de 10 ans n’a pas la capacité de discernement. Entre 10 et 15 ans, la capacité de consentir devrait progressivement être admise, en fonction du développement individuel de l’enfant, de la nature des soins et des autres circonstances d’espèce. Il n’est toutefois pas possible de poser une présomption pour cette tranche d’âge intermédiaire. Il incombe donc au médecin qui se prévaut de la capacité de discernement de la prouver (art. 8 CC)18. Ce n’est toutefois qu’à partir de 15 ans que la présomption de discernement devrait jouer en faveur de l’adolescent, comme pour un adulte19. Ainsi, plus un mineur avancerait en âge, plus sa capacité de discernement pour accepter un acte médical pourrait être admise, s’il n’est pas affecté dans sa santé physique et psychique. Dès 10 ans, un enfant devrait ainsi être intégré dans le processus décisionnel.
Cette idée de procéder à ces seuils d’âge pour définir la capacité de se déterminer est toutefois critiquée à juste titre. Cette position ne tient en effet pas suffisamment compte des nuances réelles relatives au développement du patient mineur, d’une part, et à l’acte thérapeutique en cause, d’autre part20.
Ainsi, selon cette critique que nous partageons, les aspects que le médecin devra prendre en considération pour conclure à la capacité de discernement d’un patient mineur sont multiples. «Si l’âge constitue le point de départ, on doit aussi prendre en compte d’autres aspects, comme la personnalité du sujet, sa situation personnelle et familiale ainsi que la nature du traitement envisagé et la nécessité thérapeutique. L’examen repose donc sur une pluralité de considérations. Il en découle certaines conséquences. Premièrement, dans le cas de deux personnes du même âge, appelées à consentir à une même intervention, l’une pourrait être tenue pour capable tandis que l’autre pourrait ne pas l’être. Deuxièmement, une même personne pourrait être capable de discernement par rapport à un certain acte médical et non par rapport à un autre. Troisièmement, on pourrait considérer qu’une personne est capable de discernement au début d’un certain traitement et qu’elle ne l’est plus par la suite, en raison notamment d’un affaiblissement résultant de la maladie. Enfin, on pourrait retenir qu’une personne est capable de discernement lorsqu’elle consent à un certain traitement et incapable lorsqu’elle le refuse ou en demande l’interruption21. Vu la complexité des critères à prendre en considération dans l’évaluation de la capacité de discernement d’un mineur, seul un médecin ayant des compétences spécifiques en pédopsychiatrie ou un médecin connaissant particulièrement bien l’enfant devrait être autorisé à évaluer cette capacité de discernement. Les pharmaciens, le personnel médical scolaire ou d’autres professionnels de la santé n’ayant jamais ou sporadiquement rencontré l’enfant, ne sont pas, à notre avis, les professionnels les plus appropriés pour l’évaluer correctement.
3. Le besoin de protection accrue du mineur et l’exemple de la LRH
La capacité de discernement étant explicitée, il convient de s’interroger22, sur la difficulté de consentir, pour un mineur, à certains actes thérapeutiques, pour toutes sortes de raisons, notamment en raison des progrès médicaux et du manque d’autonomie sociale des mineurs. Le mineur se trouve souvent au cœur d’une forte tension entre son droit à l’auto-détermination, avec le danger qu’il comporte de se nuire à soi-même, et son besoin de protection et de soins23. Il se situe psychologiquement au sommet d’un triangle relationnel qui le met dans une position de vulnérabilité: en état de dépendant, à la fois par rapport à ses parents et par le médecin qui l’examine. La liberté personnelle du mineur ne doit pas être une fin en soi mais un moyen indispensable d’exercer ses choix. Le mineur doit pouvoir faire ses choix seuls, mais il doit parfois pouvoir faire son choix avec d’autres personnes directement ou indirectement impliquées24, et en particulier les titulaires de l’autorité parentale. En revanche, le refus d’un mineur capable de discernement doit impérativement être respecté. La question du refus d’un mineur dont la capacité de discernement n’est pas attestée devrait également être respectée.
Dans certaines situations, une atteinte à l’intégrité corporelle justifiée par le consentement du mineur capable de discernement ne serait pas admissible et ne couvrirait pas entièrement son besoin de protection. C’est notamment le cas lorsque l’intervention est au bénéfice d’un tiers25. Dans ce genre de cas, le consentement du représentant légal est également exigé. Cette exigence supplémentaire découle notamment de la Convention internationale sur les droits de l’enfant qui précise, dans son préambule, que les mineurs ont un besoin spécial de protection accrue, en raison de leur manque de maturité physique et intellectuelle.
3.1 Le mineur en tant que personne particulièrement vulnérable
En pratique, nous l’avons vu, la détermination concrète de la capacité de discernement d’un mineur est souvent difficile. La maladie, la souffrance, l’encadrement du patient en milieu hospitalier, l’influence des figures d’autorité, la peur de décevoir les attentes des autres, la dépendance physique, émotionnelle et financière peuvent en outre affaiblir la capacité des mineurs à s’exprimer26. Les mineurs sont donc, même capables de discernement, des personnes vulnérables qui ont droit à une protection accrue. Cette protection spéciale ne peut être conférée que par les parents et subsidiairement par la société. La marge de manœuvre de la Suisse est relativement étroite en la matière, compte tenu des nombreux textes internationaux.
A titre exemplatif, ce besoin de protection accrue pour un mineur, même capable de discernement, a été détaillé dans la législation suisse réglementant certaines décisions complexes en matière médicale. Entre autres, la loi fédérale du 30 septembre 2011 relative à la recherche sur l’être humain (ciaprès LRH, RS 810.30), qui découle de l’art. 118 Cst. et des mécanismes prévus par la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine, dresse la liste des «personnes particulièrement vulnérables», sous-entendant du reste que toute personne qui participe à un projet de recherche est une personne vulnérable27. Cette loi prévoit des règles de protection spéciales pour les enfants, soit les mineurs âgés de moins de 14 ans, et les adolescents, soit les mineurs âgés de plus de 14 ans (art. 3 let. j et k). Cette loi distingue en outre les projets de recherche qui ont un «bénéfice direct», sur les enfants notamment, de ceux «sans bénéfice direct» (art. 22 et 23) et s’apprécie ainsi directement eu égards aux risques envisagés.
Par ailleurs, même si elles ne sont pas listées formellement par la LRH, on admet généralement bien d’autres catégories de personnes particulièrement vulnérables, comme les mères allaitantes ou les personnes très âgées, et également, les personnes qui participent à des essais cliniques sans bénéfice direct, soit par exemple celles qui participent à des essais de phase I ou de traitement préventif dont les vaccins28. Ces personnes assument en effet un risque pour leur santé dont l’ampleur et la probabilité sont difficiles à prévoir. Elles participent sans pouvoir espérer en contrepartie un bénéfice personnel et direct. Dans ces cas précis, la société fait primer son intérêt pour la recherche sur celui de la santé et le bien-être de l’individu, contrairement au principe général établi aux art. 4 LRH et 2 de la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine29. L’ancien droit antérieur à 2014 traitait d’ailleurs les sujets sains comme des personnes vulnérables30. Les réflexions éthiques ont ainsi permis d’encadrer en particulier les cas où les personnes ne peuvent escompter de bénéfice personnel direct.
Notons encore que ces distinctions sont valables, quel que soit le type de recherches soumises à la LRH. Ainsi, l’essai clinique prospectif randomisé avec un groupe de contrôle, jusqu’à l’étude rétrospective de données, en passant par l’étude observationnelle et l’étude visant à prélever du matériel biologique en vue d’une recherche future sont concernées.
3.2 L’absence de bénéfice direct comme cause supplémentaire de vulnérabilité
3.2.1 Le bénéfice direct
L’art. 3 let. d LRH définit un projet de recherche avec bénéfice direct comme «tout projet de recherche dont les résultats permettent d’escompter une amélioration de l’état de santé des personnes y participant». Le bénéfice consiste donc en un avantage (diagnostic, thérapeutique ou préventif) pour la santé individuelle du patient, que ce bénéfice soit ressenti pendant ou après l’étude, pour autant qu’il lui soit imputable31. Un avantage qui ne touche pas à la santé du patient, comme un paiement, de nouvelles connaissances générales ou la satisfaction d’avoir aidé la science n’entre pas dans la définition de bénéfice direct32.
En cas de bénéfice direct, la personne vulnérable peut supporter des risques plus élevés qu’en cas d’absence de bénéfice direct. Cependant, dans tous les cas, la balance bénéfices-risques ne doit jamais (pour tous les types de patients, vulnérables ou non), être disproportionnée. Ainsi, les risques ne doivent jamais être notablement supérieurs aux bénéfices33.
A noter que les risques s’apprécient en fonction du profil et des besoins thérapeutiques des patients: on admet ainsi que des risques plus élevés puissent être pris par des personnes atteintes d’un cancer en phase terminale que par une personne saine34 et que ce principe est valable pour tout type de recherches35!
3.2.2 L’absence de bénéfice direct
En cas d’absence de tout bénéfice direct, la LRH apporte deux conditions supplémentaires, à savoir que les risques et les contraintes pour la personne vulnérable doivent être minimes et les résultats escomptés par la recherche doivent être essentiels et apporter un bénéfice à long terme. Toute recherche qui ne remplirait pas ces conditions n’est pas admissible sur des personnes vulnérables36.
Le message du Conseil fédéral définit le risque minimal comme une «altération insignifiante et passagère de l’état de santé» et une contrainte minimale comme «des symptômes passagers et négligeables»37. L’art. 2 let. b de l’ordonnance sur les essais cliniques dans le cadre de la recherche sur l’être humain (OClin, RS 810.305) définit en outre les risques et contraintes minimaux comme suit: «risques et contraintes, dont l’intensité et la qualité, compte tenu de la vulnérabilité de la personne participant à l’essai clinique et des circonstances concrètes, n’ont que des effets minimes et temporaires sur sa santé». Les questionnaires, observations, prélèvements non invasifs sont considérés comme risques et contraintes minimaux.
A la lecture de cet article et des définitions susmentionnées, il apparaît clair qu’un acte vaccinal ne peut être considéré d’emblée comme un acte comportant un risque et une contrainte minimaux.
Par ailleurs, la seconde exigence pour permettre une recherche sans bénéfice direct sur une personne particulièrement vulnérable comme un mineur est de pouvoir escompter des résultats essentiels pouvant apporter un bénéfice à long terme (art. 22 al. 2 let. b; art. 23 al. 3 let. b; art. 24 al. 2 let. b; art. 26 al. 2 let. b; art. 30 al. 2 let. b LRH). Le bénéfice à long terme se rapporte aux personnes atteintes de la même maladie ou du même trouble, ou dont l’état de santé est comparable. Il n’est en effet pas possible de recruter des enfants mineurs en bonne santé pour un groupe de contrôle – non traité -, puisque ces mineurs ne sont pas malades et que leur participation ne peut être bénéfique qu’à des mineurs malades. Ainsi et tant que le risque n’est pas minime, aucune exception ne peut intervenir s’agissant de cette dernière condition38.
3.3 La protection spéciale apportée par la LRH aux mineurs
La LRH a créé plusieurs régimes juridiques circonstanciés auxquelles sont soumises les recherches sur les mineurs. Ces régimes sont basés sur l’âge du mineur, sa capacité de discernement et le bénéfice direct ou indirect attendu.
3.3.1 Les enfants âgés de moins de 14 ans
Selon la LRH, l’enfance débute à la naissance et s’achève avant le 14e anniversaire. Plus un mineur est jeune et plus la présomption de sa capacité de discernement s’affaiblit. Toutefois, même l’enfant jugé capable de discernement est vulnérable parce que l’autonomie sociale nécessaire pour réellement décider seul et assumer les conséquences de ses choix lui font défaut39. Par conséquent, avec ou sans bénéfice direct, le consentement du représentant légal est systématiquement requis, pour tous les mineurs âgés de moins de 14 ans.
3.3.2 Les adolescents âgés de plus de 14 ans
Selon la LRH, l’adolescence commence au 14e anniversaire et s’achève à 18 ans, âge de la majorité. Tous les adolescents, même capable de discernement, font partie des personnes particulièrement vulnérables. La raison est qu’ils ne jouissent pas de la même indépendance sociale qu’un adulte, et doivent ainsi être protégés40. Pour les mineurs âgés de plus de 14 ans, le consentement du représentant légal est également systématiquement requis, qu’un bénéfice direct ou non soit attendu, dès lors que l’acte médical envisagé n’entre pas dans la catégorie d’actes présentant des risques ou contraintes minimaux.
4. Le consentement libre et éclairé
La jurisprudence du Tribunal fédéral rappelle que toute atteinte à l’intégrité corporelle est un acte pénalement répréhensible en soi. En effet, les interventions médicales réalisent les éléments constitutifs objectifs d’une lésion corporelle en tout cas si elles touchent à une partie du corps (par exemple lors d’une amputation) ou si elles lèsent ou diminuent, de manière non négligeable et au moins temporairement, les aptitudes ou le bien-être physiques du patient. Cela vaut même si ces interventions étaient médicalement indiquées et furent pratiquées dans les règles de l’art.41
4.1 Le consentement éclairé du mineur et/ou de son représentant légal
Le consentement libre et éclairé est la base et la limite de toute intervention médicale42. Si le consentement n’est pas donné, il faut une circonstance qui justifie l’intervention, par exemple, une gestion d’affaires sans mandat, un état de nécessité ou une disposition émanant d’une autorité dont le fondement se trouve dans la loi43.
Le médecin a l’obligation d’informer son patient sur la nature et les risques des traitements qu’il entend appliquer, à moins qu’il ne s’agisse d’actes courants, sans danger particulier et n’entraînant pas d’atteinte définitive ou durable à l’intégrité corporelle. Le patient doit être suffisamment renseigné sur l’intervention ou le traitement considéré pour pouvoir y consentir en connaissance de cause44. La portée du devoir d’information du médecin (y compris sur les risques de l’opération), est fonction de l’état de la science médicale. On ne saurait (logiquement) imposer au médecin de donner au patient des renseignements qui ne sont pas encore compris dans cet état45. Il en va de même pour la prescription de médicaments, le praticien doit avertir le patient des risques particuliers induits par ceux-ci46.
Ainsi, le patient doit être suffisamment renseigné sur la nature du traitement préconisé et ses répercussions possibles pour lui permettre de consentir en connaissance de cause47. Le thérapeute doit donc s’assurer d’avoir donné, à son patient et/ou son représentant légal, toutes les informations nécessaires et utiles pour qu’il puisse connaître l’acte, ses conséquences, positives ou négatives, et le bénéfice que la thérapie envisagée apportera, tout comme les risques que celle-ci peut engendrer. En outre, le médecin ne doit pas se contenter de donner toutes les informations au patient, il doit encore s’assurer que celui-ci les a comprises48. C’est pour cela qu’il doit prendre en compte la personnalité du patient, son état de santé, son âge, ses connaissances préalables en la matière et adapter l’information et la manière de la transmettre au patient en fonction de ces éléments. Au besoin, le médecin doit s’appuyer sur d’autres modes de communication, comme des vidéos, ou faire appel à des spécialistes comme des pédiatres ou des pédopsychiatres49.
En résumé, le caractère éclairé du choix est donc strictement lié au devoir d’information du médecin50. Il en va de même de la responsabilité du médecin.
4.2 Le consentement libre du mineur et/ou de son représentant légal
Il est notoirement connu que l’être humain a divers types de besoins, notamment physiologiques, et sécuritaires, mais également un besoin d’appartenance sociale51. Ce besoin d’appartenance à un cercle social est d’autant plus fort à l’adolescence52. Ainsi, pour être valable, le consentement du mineur et de son représentant légal ne doivent être entachés ni de tromperies (mensonges du médecin) ni de pressions, et encore moins de menaces53. Le consentement doit donc être libre de toutes contraintes quelles qu’elles soient54.
Le mineur et son représentant légal doivent pouvoir poser des questions et bénéficier d’un temps de réflexion avant de donner leur réponse55. Les personnes vulnérables ont plus besoin de temps pour assimiler l’information et parvenir à une décision. L’anxiété face à la situation et à la nécessité de prendre une décision importante accentue encore ce besoin56.
5. L’acte vaccinal chez les mineurs
5.1 En général
Contrairement aux autres traitements ou interventions médicales, la vaccination ne s’adresse pas qu’à des personnes malades, mais également et surtout, à des personnes saines, exemptes de toutes pathologies. Elle s’adresse de surcroît à des personnes saines particulièrement vulnérables, puisque la majorité des vaccins est effectuée à des enfants de moins de 14 ans, voire à des nourrissons. Par conséquent, l’innocuité, à titre individuel, et l’efficacité, à titre individuel et collectif, de l’acte vaccinal doivent être démontrés avec une grande rigueur, sous peine de tomber de facto57 dans le champ de l’expérimentation sur l’être humain ou purement et simplement, sous le coup d’infractions pénales. Il y a en effet une dimension sociétale avec la vaccination, qui conférerait à celle-ci une protection communautaire58. En effet, si administrer un traitement inefficace est discutable, que ce traitement soit en plus toxique le rend inacceptable, ce d’autant plus s’il s’adresse à des mineurs en bonne santé et pour des raisons essentiellement communautaristes et non de bénéfice individuel59.
Par ailleurs, seuls des médecins devraient administrer des vaccins, car eux seuls sont capables de pratiquer un bilan pré-vaccinal indispensable et eux seuls sont capables de suivre les vaccinés et d’identifier les effets adverses de chaque vaccin après chaque injection60.
5.2 Le vaccin contre la maladie COVID-19 en particulier
Selon les chiffres officiels de l’OFSP, au 15 août 2021, pour 735 375 cas parmi la population suisse (dont 10 424 décès), il y a eu trois décès pour la classe d’âge de 0 à 19 ans 61.
A titre de comparaison, parmi les 542 décès de l’année 2018, les trois premières causes de décès des personnes âgées de 1 à 24 ans étaient les accidents et morts violentes (dont les suicides qui représentent un tiers des décès); les cancers (qui représentent environ 1/8e des décès); et les cardiopathies sous toutes ses formes. Les anomalies congénitales et les autres causes entourant la périnatalité constituent quasiment l’exclusivité des décès des enfants âgés de 0 à 1 an (107 décès sur 114)62.
Il y a également eu, toujours selon les chiffres de l’OFSP, 0,029 %63 de la population âgée de 0 à 19 ans64 hospitalisé, dont:
• 342 hospitalisations dans la classe d’âge de 0 à 9 ans;
• 170 hospitalisations dans la classe d’âge de 10 à 19 ans.
L’OFSP, «dans sa recommandation de vaccination avec des vaccins à ARNm contre le Covid-19»65, déclare que vu «le faible fardeau de la maladie», les adolescents de 12-15 ans «devraient effectuer une analyse individuelle du rapport bénéfice/risque avec leurs parents ou une autre personne de confiance avant la date de vaccination»66, le vaccin ayant pour eux un «bénéfice modéré»67. En outre, l’OFSP précise que cette recommandation s’adresse aux mineurs âgés de 12 à 15 ans qui «souhaitent se protéger contre les formes bénignes, fréquentes, sévères et rares du COVID-19, mais aussi éviter les conséquences négatives liées aux mesures individuelles et collectives indirectes (par exemple, isolement et quarantaine) ainsi qu’à l’exposition fréquente au virus (par exemple, à l’école, pendant les loisirs)»68.
Toujours selon l’OFSP, «les adolescents qui sont déjà fortement atteints dans leur santé en raison d’une maladie chronique» et «ceux qui vivent en contact étroit avec des personnes vulnérables immunodéficientes» bénéficient du plus grand bénéfice69.
Ainsi, il est clair que la cohorte des 0-19 ans ne semble pas être impactée par la maladie COVID-19, ni en termes de risques graves, voire de décès, ni en termes de symptomes complexes. Le bénéfice de la vaccination contre cette maladie, en particulier pour cette catégorie de la population, est ainsi toute relative et il convient donc de considérer que la vaccination ne présente pas, au sens juridique, de bénéfice direct à titre individuel chez un mineur en bonne santé, et que le bénéfice, s’il existe, se situe uniquement sur le plan communautaire. Cet élément devra d’autant plus être pris en considération dans l’appréciation de la capacité de discernement de l’enfant et son besoin de protection accrue, ainsi que dans l’information au patient en vue de l’obtention du consentement libre et éclairé, puisque, si le bénéfice individuel est proche de zéro et qu’il se situe plutôt à l’échelle communautaire, le risque assumé, lui, se situe en revanche uniquement à l’échelle de l’individu. Un bénéfice direct pourrait éventuellement être reconnu en faveur de mineurs déjà fortement atteints dans leur santé en raison d’une maladie chronique.
5.3 L’application de la LRH?
Au 15 août 2021, les vaccins autorisés en Suisse sont encore en phase de test (le vaccin Pfizer/BioNTech est en phase test jusqu’au 6 avril 2023, le vaccin de la firme Moderna jusqu’au 27 octobre 2022)70. Swissmedic a octroyé une autorisation de durée limitée de mise sur le marché de ce produit thérapeutique et doit assurer un suivi en continu sur les effets secondaires de la vaccination71. Celle-ci est aujourd’hui autorisée, selon l’aval donné par Swissmedic depuis le 19 décembre 2020, sur toutes les personnes de plus de 16 ans et, depuis peu, sur les mineurs de 12 à 15 ans.
Il y a lieu de considérer qu’eu égard au champ d’application de la LRH, cette dernière doit bel et bien s’appliquer, même si les entreprises Pfizer/BioNTech et Moderna ont terminé leurs recherches préalables de phase 1 et 2. Quand bien même les test de phase 3 ne devaient pas entrer dans le champ d’application de la LRH, l’absence de bénéfice direct individuel pour les mineurs en bonne santé doit nous amener à considérer le mineur comme une personne particulièrement vulnérable qu’il convient de protéger, eu égard à la Convention sur les Droits de l’Homme et de la biomédecine et la Convention internationale sur les droits de l’enfants. Cette protection doit d’autant plus intervenir en cas de pression sociale (cf. supra 4. Le consentement libre et éclairé).
Ainsi, quelle que soit la phase de test officielle de la vaccination contre la maladie COVID-19 et même si l’autorisation ordinaire de mise sur le marché devait, par la suite, être accordée, vu l’absence de bénéfice individuel direct d’une intervention médicale sur un mineur, l’utilisation nouvelle de cette biotechnologie72 pour la vaccination ainsi que l’absence de recul et de connaissances scientifiques sur les effets à long terme, le processus de protection accrue tel que mentionné ci-dessus devra, à notre sens, demeurer. L’accord du représentant légal par écrit doit donc absolument – et cela est un minimum - être requis pour la vaccination contre la maladie COVID-19 de tous les mineurs, même capables de discernement.
5.4 Le consentement libre et éclairé du mineur et de son représentant légal
Comme indiqué précédemment, d’une manière générale, le médecin doit fournir au patient et/ou à son représentant légal les informations nécessaires sur la nature de la vaccination envisagée et les risques liés, pour qu’ils puissent donner leur consentement en connaissance de cause73. C’est le médecin administrant le vaccin et non le médecin référent qui est responsable civilement de l’obtention du consentement éclairé du patient et/ou de son représentant légal74.
Pour informer convenablement le patient et/ou de son représentant légal et obtenir leur consentement libre et éclairé, le médecin doit se fonder sur les informations fournies dans la notice à l’intention du spécialiste75. On peut en outre mentionner, en ce qui concerne les actes de vaccinations, que le médecin qui y procède est tenu de mentionner76:
• les éventuelles réserves exprimées par les autorités de santé concernant le degré de sécurité du produit utilisé;
• toute référence à une population d’étude restreinte dont le patient fait partie;
• toute mention d’une durée d’étude raccourcie;
• toute autre circonstance particulière ayant entouré la procédure d’autorisation de mise sur le marché;
• tout risque qui ne serait pas encore mentionné dans la notice à l’intention du spécialiste, mais qui serait prouvé scientifiquement;
• le caractère facultatif de la vaccination;
• le risque de contamination de tiers (selon le vaccin utilisé, cette possibilité existe)77 et le fait que le vaccin n’empêche, selon les connaissances actuelles, ni de contracter, sous une forme simple, la maladie Covid-19, ni d’être porteur, et donc transmetteur, de la maladie78;
• la question de la nécessité et de l’utilité du vaccin dans sa situation particulière (établir et discuter avec lui les risques qu’il encourt du fait d’une infection par l’agent pathogène contre lequel le vaccin doit le protéger; les risques les plus courants, mais également ceux ne présentant qu’une faible probabilité de réalisation, pour autant qu’ils soient connus et puissent avoir des conséquences graves);
• le fait que les vaccins actuellement autorisés en Suisse utilisent une nouvelle méthode (à ARN-messager) pour la vaccination;
• le fait que tous les risques et effets secondaires du vaccin ne sont pas connus (ce point revêt une importance particulière pour les vaccins dont on ne connaît pas encore les effets à long terme, comme le vaccin contre le COVID-19);
• enfin, le fait que le vaccin est proposé aux mineurs dans un but (sauf cas particulier) exclusivement communautaire et non de protection individuelle.
L’information au patient et/ou à son représentant légal sera donnée oralement, répétée et consignée par écrit79, de manière à pouvoir en justifier en cas de procédure en responsabilité. Les informations doivent être fournies au patient et/ou à son représentant légal dans le cadre d’un entretien individuel. Les formulaires d’information, ainsi que les notices à l’intention du spécialiste accompagnant un médicament ou un vaccin peuvent compléter utilement l’entretien individuel et servir de base à celui-ci, mais en aucun cas le remplacer. En Suisse, il n’existe généralement pas de formulaires d’information spécifiques pour la remise et la prescription de médicaments. C’est pourquoi il est nécessaire de consigner, dans le dossier médical du patient, les informations fournies durant l’entretien, en mentionnant brièvement quels éléments de la notice à l’intention du spécialiste ont été abordés.
Une fois le consentement éclairé reçu, encore faut-il qu’il soit donné librement.
Outre une information complète donnée au mineur et à son représentant légal, le médecin vaccinant doit s’assurer que le consentement qu’il obtient est libre. Il ne doit pas se laisser aller à des remarques culpabilisantes et mettant en exergue la prétendue responsabilité d’un éventuel refus du mineur et/ou de son représentant légal dans l’évolution de la pandémie. De telles remarques devraient en effet, à notre sens, être considérées comme des menaces ou des pressions inadmissibles. De même, le médecin vaccinant ne doit pas non plus se laisser aller à des considérations sociales ne touchant ainsi pas spécifiquement à la santé individuelle du patient. Par exemple, le médecin vaccinant doit s’abstenir de déclarer que seule la vaccination du mineur permettra un «retour à une vie normale», de lui éviter une quarantaine, une exclusion scolaire, l’obligation de port du masque ou encore de «retrouver ses libertés».
Il nous semble particulièrement important d’insister sur ce fait – à savoir – que le médecin vaccinant doit veiller à ce que le consentement du mineur et/ou de son représentant légal soit volontaire, et non le résultat d’une pression sociale, voire d’une crainte que le mineur ne soit exclu socialement. Ainsi, tout acte vaccinal dans le cadre scolaire doit être exclu, sous peine de biaiser le consentement du mineur et/ou de son représentant légal. On peut rappeler, à l’appui de cette considération, que les données médicales sont des données sensibles (art. 3 let. c ch. 2 LPD), qu’elles n’ont, en principe, pas à être accessibles aux professeurs, intervenants ou autre autorité scolaire, et que l’entretien d’information doit toujours être individuel et fait par un médecin étant capable d’apprécier la capacité de discernement de l’enfant.
Dans la mesure où il a informé le patient de l’éventualité de risques encore inconnus et qu’il n’a pas formulé de menaces déguisées ou d’incitations émotionnelles, et seulement dans cette mesure, le médecin pourrait être exempté de toute responsabilité si ces risques venaient à se réaliser.
6. La responsabilité du médecin vaccinant
Le médecin qui veut se décharger de toute responsabilité devrait respecter, pour se protéger, certaines règles de prudence à chaque fois que la situation n’impose pas une intervention urgente80, ce qui est notamment le cas avec la vaccination contre le COVID-19. C’est singulièrement à lui que revient la charge de la preuve de la capacité de discernement de l’enfant et du consentement libre et éclairé (art. 8 CC).
D’une manière générale, le médecin pouvant attester de la capacité de discernement de l’enfant est le médecin qui connaît le mieux l’enfant, comme son pédiatre. Un médecin scolaire, un pharmacien ou tout autre médecin rencontrant l’enfant pour la première fois ou sporadiquement n’est, en principe, pas apte à déterminer la capacité de discernement du mineur et engagerait directement sa responsabilité. En cas de doutes sur la capacité de discernement du patient mineur, le médecin devra demander un avis à un autre médecin spécialisé dans le domaine (le plus souvent, un pédopsychiatre). En cas de doute persistant, le médecin devrait recueillir le double consentement du mineur et de ses représentants légaux. Nous l’avons vu également, le double consentement doit cependant être considéré comme étant la règle concernant la vaccination contre le COVID-19 (cf. supra 5.3. L’application de la LRH ?).
Dans tous les cas, le médecin vaccinant devra consigner dans le dossier tous les éléments qui lui ont permis de se déterminer sur la capacité ou l’incapacité du patient. Il devra en outre auditionner le mineur et ses représentants de façon séparée et essayer de créer un dialogue entre eux.
7. Conclusions
A la question, «L’OFSP n’a-t-il pas agi dans la précipitation en tentant de faire croire que cet acte médical, la vaccination contre le COVID-19, entrait dans les droits strictement personnels du mineur qui ne nécessitent pas l’accord de son représentant légal?», notre réponse est oui, l’OFSP a agi dans la précipitation. A la question, «le Tribunal cantonal fribourgeois a-t-il été exhaustif dans son analyse de la situation, en particulier celle du droit international applicable?», la réponse est non. Ces deux affirmations s’appuient sur un raisonnement juridique détaillé et nuancé.
Un mineur capable de discernement peut certes, en général, exercer seul – et en contradiction de l’avis de ses parents – ses droits strictement personnels, dont certains afférant à sa liberté de recevoir ou de refuser des soins. Toutefois, au regard du besoin de protection accrue garanti par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, l’art. 11 de la Constitution fédérale, le Code civil suisse ainsi que de nombreuses autres lois, l’aval d’un mineur même capable de discernement ne suffit pas toujours. La société ou les personnes appelées à prendre soin des mineurs, plus précisément les titulaires de l’autorité parentale, doivent dans certaines circonstances accorder une protection supplémentaire. La LRH octroie, par exemple, aux mineurs – même capables de discernement – un statut de «personnes particulièrement vulnérables» et requière en sus de leur consentement, le consentement de leur représentant légal pour tout acte médical entrant dans leur champ d’application. La LRH offre encore une protection spécifique, exigeant d’autres conditions en sus du consentement du représentant légal et du mineur, lorsque les projets de recherche n’offrent pas de bénéfice direct, soit lorsqu’aucun avantage diagnostic, thérapeutique ou préventif pour la santé de l’enfant ne peut être retiré.
Dans le cas de la vaccination contre la maladie COVID-19, vu
• le fait que les vaccins contre le COVID-19 n’ont fait l’objet que d’une autorisation limitée de mise sur le marché et sont actuellement en phase III;
• le fait que cette vaccination s’adresse principalement à des personnes saines – non malades;
• les faibles risques médicaux graves pour les mineurs sains ou présentant d’éventuelles comorbidités en cas d’infection par le virus SARS-COV-2;
• le fait que la vaccination des mineurs ne comporte ainsi pas de bénéfice direct et individuel pour eux;
• le fait que la vaccination des mineurs serait en grande partie motivée par des avantages sociaux ou des bénéfices communautaires;
• les risques déjà connus d’effets secondaires des vaccins contre le COVID-19, risques qui ne sauraient dans tous les cas pas être considérés comme minimes;
• l’absence d’étude sur la génotoxicité et carcinogénicité de ces produits thérapeutiques;
• l’absence de recul quant aux effets secondaires de la vaccination sur les mineurs à moyen et long terme pour leur intégrité physique et leur vie, un régime de protection accrue, sur le modèle des lois susmentionnées, doit s’appliquer, exigeant, au minimum, le consentement du mineur et de son représentant légal.
Par ailleurs, vu ce qui précède, on peut même se demander:
• si la vaccination contre le COVID-19 ne devrait pas s’appliquer uniquement – après un examen individuel de la balance bénéfices-risques – sur des mineurs présentant des comorbidités pouvant induire d’éventuelles complications en cas de maladie COVID-19?
• si la vaccination contre le COVID-19 ne serait pas illégale sur tous les mineurs, vu les mécanismes de protection accrue prévus par les art. 22 al. 1 et 23 al. 1 LRH ou son application par analogie, compte tenu des règles internationales et constitutionnelles en matière de protection des mineurs?
Il convient ensuite de rappeler que la capacité de discernement doit s’apprécier in concreto et dépend notamment de l’âge du patient, de la nature du traitement et de sa nécessité thérapeutique. La présomption pure et simple d’une capacité de discernement en fonction des seuls seuils d’âge ne peut être posée. Vu la complexité des critères à prendre en considération dans l’évaluation de la capacité de discernement d’un mineur, face à la vaccination contre le COVID-19 notamment, seul un médecin ayant des compétences spécifiques en pédopsychiatrie ou un médecin connaissant particulièrement bien l’enfant doit être autorisé à l’effectuer. Par conséquent, les pharmaciens, le personnel des centres de vaccination, le personnel médical scolaire ou toute autre personne œuvrant dans le domaine de la santé n’ayant jamais ou sporadiquement rencontré le mineur ne sont, à notre avis, pas aptes à évaluer correctement sa capacité de discernement. Le médecin vaccinant engage directement sa responsabilité lorsqu’il apprécie la capacité de discernement du mineur et devrait donc s’abstenir en cas de doute.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que le thérapeute doit aussi avoir donné, à son patient et à son représentant légal, toutes les informations nécessaires et utiles pour qu’ils puissent connaître l’acte, ses conséquences, positives ou négatives, et le bénéfice que la thérapie envisagée apportera, tout comme les risques que celle-ci peut engendrer et doit s’assurer que le mineur et son représentant légal les ont comprises. Seul un strict respect de ces exigences permet d’admettre que le consentement libre et éclairé a été donné. Le refus d’un mineur capable de discernement doit dans tous les cas être respecté.
En conclusion, un médecin vaccinant qui ne respecterait pas, par hypothèse, le refus du mineur capable de discernement ou qui ne prendrait pas toutes les précautions pour évaluer la capacité de discernement du mineur et lui donner, ainsi qu’à son représentant légal, une information exhaustive et factuelle, permettant de donner leur consentement libre et éclairé, commettrait une faute. L’atteinte à l’intégrité physique, même minime, qui découlerait de l’acte vaccinal resterait, comme dans son principe, illégale. Le médecin commettrait non seulement une infraction pénale qui pourrait être poursuivie d’office ou sur plainte en fonction de l’intensité de l’atteinte, mais engagerait également sa responsabilité civile et déontologique. ❙
1 https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-83440.html
2 https://www.swissmedic.ch/swissmedic/fr/home/news/coronavirus-covid-19/covid-19-impfstoff-pfizer-biontech-fuer-jugendliche.html
3 https://www.swissmedic.ch/swissmedic/fr/home/news/coronavirus-covid-19/indikationserweiterung-spikevax-impfstoff.html
4 https://www.rts.ch/info/12206420-un-nouvel-assouplissement-des-mesures-est-de-plus-en-plus-envisageable-estime-lofsp.html
5 Communiqué de l’OFSP du 5 mai 2021 Informationen zur Covid-19-Impfung «Als Regel wird davon ausgegangen, dass eine echte Zustimmung bis 10 Jahre unmöglich erscheint. (…) Selbst wenn die zu impfende Person unter 16-jährig ist, kann sie unabhängig vom Einverständnis der Eltern oder Erziehungsberechtigten einer Impfung zustimmen, sofern sie als urteilsfähig gilt.» https://www.gef.be.ch/gef/de/index/direktion/organisation/kaza/aktuell/newsletterkantonsarztamtcovid19072021.assetref/dam/documents/GEF/KAZA/de/Aktuell/DE_20210505_Stakeholderkommunikation.pdf.
6 Dominique Manaï, Pouvoir parental et droit médical, FamPra.ch 2002, p. 197, et les références citées.
7 Pascal Montavon, Abrégé de droit civil, 2020, p. 60 ss; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2013, p. 149 ss.
8 Pascal Montavon, Abrégé de droit civil, 2020, p. 60 ss; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2013, p. 149.
9 ATF 134 II 238.
10 Benedetta Sara Galetti, Le consentement et la capacité juridique – Le consentement des mineurs dans le domaine médical, in: Samantha Besson/Yves Mausen/Pascal Pichonnaz/Xenia Karametaxas, CUSO 2018, p. 118; et les références citées.
11 Benedetta Sara Galetti, p. 119 et les références citées.
12 ATF 124 III 5, c. 1a p. 8; ATF 117 II 231 c. 2a et les références citées.
13 Benedetta Sara Galetti, p. 115; et les références citées.
14 Benedetta Sara Galetti, p. 116; et les références citées.
15 Benedetta Sara Galetti, p. 116; et les références citées.
16 Benedetta Sara Galetti, p. 117.
17 Valérie Junod/Carole-Anne Baud, p. 67-68 et les références citées.
18 Benedetta Sara Galetti, p. 120.
19 Olivier Guillot, Le consentement éclairé du patient, auto-détermination ou paternalisme ?, Neuchâtel, 1986, p. 214; Dominique Manaï, FamPra.ch 2002, p. 197.
20 Benedetta Sara Galetti, p. 120; ATF 134 II 235, c. 4.3.2.
21 Benedetta Sara Galetti, p. 120 et 121.
21 TF, 2C_5/2008 du 2 avril 2008.
22 A l’instar de DOMINIQUE MANAÏ, qui a été présidente de la Commission d’experts chargée de l’élaboration de la loi fédérale relative la recherche sur l’être humain pour le Département fédéral de l’Intérieur (2000-2006); membre de la Commission d’éthique supra régionale pour la recherche clinique (UREK/CES) pour l’ASSM (jusqu’en 2001); membre du groupe de travail Directives concernant le diagnostic de la mort dans le contexte de la transplantation d’organes pour l’ASSM (2004-2005); membre de la Commission d’éthique de l’Université (2005-2008) et est actuellement membre du Bureau du Réseau universitaire international de bioéthique (RUIB) et membre de la Société Suisse d’Éthique Biomédicale (SSEB).
23 Dominique Manaï, Les droits des patients adolescents/B. Feuillet-Liger/R. Ida – Adolescent et acte médical, regards croisés, approches internationale et pluridisciplinaire, Bruxelles, Cruylant, 2011, pp. 257-278.
24 Benedetta Sara Galetti, p. 122.
25 Dominique Manaï, Les droits des patients adolescents/B. Feuillet-Liger/R. Ida – Adolescent et acte médical, regards croisés, approches internationale et pluridisciplinaire, Bruxelles, Cruylant, 2011, pp. 257-278.
26 Benedetta Sara Galetti, p. 119.
27 Valérie Junod/Carole-Anne Baud, La protection des sujets de recherche vulnérables selon la loi sur la recherche sur l’être humain, in: RMA 2015 27ss, p. 30.
28 Valérie Junod/Carole-Anne Baud, p. 35-39.
29 Valérie Junod/Carole-Anne Baud, p. 35.
30 Valérie Junod/Carole-Anne Baud, p. 35.
31 Valérie Junod/Carole-An