Après l'unification des procédures civiles et pénales, la FSA a vu la nécessité d'harmoniser également le droit de la profession d'avocat, dans une mesure plus large que la loi sur la libre circulation des avocats (LLCA), qui ne règle aujourd'hui que les activités judiciaires proprement dites. Usant d'un procédé inhabituel pour un corps de métier (lire plaidoyer 3/2012), la FSA a ainsi concocté un projet de loi, après consultation des différents ordres cantonaux. Entretien avec Pierre-Dominique Schupp, vice-président de la FSA et avocat à Lausanne.
Plaidoyer: Qui pourra porter le titre d'avocat si le projet de la FSA se concrétise?
Pierre-Dominique Schupp: Toute personne qui détient le brevet d'avocat et figure dans le registre central des avocats pourra porter le titre. Le registre accueillera non seulement les avocats plaidant devant les tribunaux, mais aussi ceux qui pratiquent une activité de conseil de manière indépendante, y compris dans le cadre d'une société d'avocats. Ne pourront s'inscrire, en revanche, ceux qui n'exercent pas en toute indépendance, par exemple les employés d'une entreprise ou d'une fiduciaire. Ces derniers pourront toutefois mentionner, à côté de leur nom et de leur fonction, qu'ils sont titulaires du brevet d'avocat, comme cela se fait déjà à Genève, sans que cela pose de problème particulier.
Cela signifie-t-il qu'il y avait des abus dans l'usage du titre d'avocat?
Il y a eu certes quelques cas où des avocats radiés du barreau ont persisté à vouloir porter leur titre. Mais notre but est surtout de clarifier la situation et de protéger le public qui, aujourd'hui, ne fait pas toujours la différence entre les avocats pratiquant de manière indépendante et les autres. Les personnes en quête d'un défenseur ou d'un conseil pourront, en se référant au registre, s'assurer qu'un avocat satisfait aux conditions posées par la loi: notamment le respect du secret professionnel et des règles déontologiques, la conclusion d'une assurance RC professionnelle, la soumission à une surveillance disciplinaire.
Un registre institué au niveau fédéral ne posera-t-il pas des problèmes de contrôle?
En réalité, le registre central ne sera qu'un moyen technique qui permettra de vérifier les inscriptions. Mais ce seront les autorités cantonales qui, comme aujourd'hui, se prononceront sur les admissions et exerceront les tâches de surveillance.
Au chapitre de la formation, il est prévu une durée de stage «d'au moins dix-huit mois». On est encore loin d'une harmonisation...
Le stage ne pourra être de durée inférieure ou supérieure à dix-huit mois. Au vu des disparités cantonales actuelles, avec des durées de stage allant de 12 à 24 mois, cela représente tout de même des exigences minimales.
Le stagiaire devra travailler douze mois dans une étude, sauf disposition cantonale contraire. Les Zurichois sont ainsi parvenus à préserver leur système, permettant un stage intégralement suivi dans les tribunaux?
La profession connaît des traditions assez différentes d'un bout à l'autre du pays, par exemple une culture de l'éloquence plus prononcée en Suisse romande qu'en Suisse alémanique. Cela se reflète dans les conditions de formation, certains cantons mettant en avant certaines compétences plutôt que d'autres.
Il est vrai que les Zurichois se sont mobilisés pour défendre leur système, car un stage incluant douze mois dans une étude leur poserait des problèmes structurels. Les tribunaux de ce canton comptent en effet sur les avocats stagiaires pour pouvoir fonctionner. Mais c'est aussi une bonne formation que de travailler comme greffier, en étant au cœur de l'activité judiciaire.
Le tourisme de la formation, qui voit certains stagiaires rechercher le canton le moins exigeant, va ainsi perdurer...
Il a toujours existé, qu'on se souvienne de l'époque où certains Vaudois allaient faire leur stage à Genève pour ne pas avoir à faire une thèse de doctorat. Mais il y a aussi ceux qui recherchent la meilleure formation et sont prêts à changer de canton pour cela. Le projet de loi apporte tout de même une harmonisation.
Le canton de Genève pourra-t-il maintenir son école d'avocature?
Oui, le projet de loi permet de telles initiatives cantonales.
Le projet régit l'exercice, de plus en plus répandu, du métier dans le cadre d'une société de capitaux. Ne s'est-il pas aligné sur les pratiques cantonales les plus libérales?
Non. Le projet ne reprend, par exemple, pas, sans y apporter des limitations, la possibilité, certes déjà réduite, existant à Zurich de laisser des tiers non avocats détenir du capital de la société sans avoir un rapport avec celle-ci. Nous admettons certes la participation de tiers, mais uniquement s'ils exercent une activité pour la société (comme un conseiller fiscal). Mais nous n'avons pas adopté le modèle le plus strict, à l'instar de celui du canton de Vaud, exigeant que l'actionnariat soit composé à 100% d'avocats inscrits. Au final, l'indépendance d'une société d'avocats sera préservée, que ce soit dans la composition de l'actionnariat ou les règles pour la prise de décision.
N'auriez-vous pas pu saisir l'occasion de fixer des règles en vue de la transparence des honoraires?
Des ordres cantonaux avaient établi des tarifs et s'étaient vu rappeler à l'ordre par la Comco, pour entrave à la concurrence. Dans ce contexte, il n'y a pas de place pour une réglementation dans la loi. Nous aurions pu, tout au plus, traiter du processus de contestation des honoraires.
Le Conseil fédéral apporte en partie son soutien à la motion parlementaire relayant le projet de la FSA, mais émet déjà des réserves...
Le Conseil fédéral fait en effet part de ses réserves quant à l'extension (par rapport à la LLCA) du champ d'application de la loi aux avocats n'exerçant pas d'activités judiciaires. Mais, pour la FSA, l'activité de l'avocat comprend également celle de conseil et elle ne peut être séparée de celle consistant à assister un client devant les tribunaux. Nous n'entendons pas monopoliser l'activité de conseil. Nous considérons simplement que, lorsqu'elle est faite par un avocat, elle doit être soumise à la loi. Pour le surplus, tout un chacun, qui s'en considère capable, peut fournir des conseils juridiques.