Comment gagner sa vie dans le secteur de la construction? Si vous êtes un groupe helvétique connu pour avoir fait des offres à un conseiller fédéral socialiste sur le départ, pas de problème. Mais, depuis l'entreprise générale œuvrant sur un chantier, toute une cascade de sous-traitants intervient avec, en bout de course et engagée pour un tarif imbattable, une petite PME prête à embaucher des clandestins et à ne pas payer ses charges sociales. Si la petite PME n'accomplit néanmoins pas sa tâche - impossible de travailler à perte -, pas de problème: le droit des sociétés l'autorise à faire faillite, et à renaître quelques mois plus tard sous un nouveau nom. Il en est allé ainsi d'une société fribourgeoise de plâtrerie-peinture qui prêtait du personnel et a ressuscité, une fois faillite faite, comme société de ferraillage sous une autre raison sociale, active sur un important chantier de Beaulieu, à Lausanne. Et cela, alors que son ancêtre avait déjà fait l'objet de dénonciations par l'inspection des chantiers.
Le syndicaliste d'Unia Pietro Carobbio n'est pas étonné: «Il y a beaucoup de sociétés problématiques à cet égard, du fait des prix très bas proposés. Cela a commencé il y a cinq ou six ans, et un des éléments facilitant est l'ouverture des frontières à la libre circulation des travailleurs en Europe.» Les sociétés de ferraillage proviendraient essentiellement des Balkans, notamment de Macédoine, et seraient très actives sur le marché romand.
«Un changement s'impose. Dans le cadre de la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), nous tenterons de faire passer une proposition, par le biais de l'Union syndicale suisse, pour qu'on mette des limites à la renaissance de ces sociétés. Il est inacceptable que l'on ouvre une nouvelle boîte, alors que l'entreprise précédente était en faillite parce qu'elle ne payait pas ses ouvriers. Nous voulons proposer une disposition permettant à ces entreprises de rouvrir sous un autre nom, mais seulement si les arriérés de paiement de la société précédente ont été soldés», poursuit Pietro Carobbio.
Le patronat n'est pas non plus favorable au statu quo: «Dans le ferraillage, le coffrage, la plâtrerie-peinture il y a parfois jusqu'à quatre niveaux de sous-traitants, et ce n'est pas bon pour la branche en général. Toutes sortes de sociétés naissent et disparaissent, et c'est la communauté qui en paie les frais», commente Alix Briod, président de la commission de surveillance du contrôle des chantiers à la Fédération vaudoise des entrepreneurs. Une solution serait d'admettre un seul niveau de sous-traitance, incluant la responsabilité de celui qui sous-traite, dans la convention collective de travail.
Le député Jean-Michel Dolivo (A Gauche toute!) est l'auteur d'une initiative législative qui vise à introduire une solidarité entre le sous-traitant et l'entreprise qui sous-traite sa commande. Selon ses opposants, introduire une telle solidarité serait contraire au droit fédéral. La commission du Grand Conseil vaudois a toutefois recommandé l'entrée en matière sur cet objet. «Cet argument a été contesté, car il s'agit ici d'un intérêt public prépondérant; nous pensons qu'il reste une place pour la compétence cantonale visant à protéger les travailleurs, au regard du dumping résultant des accords de libre circulation», estime l'initiant. Et, à la mi-novembre, le même Jean-Michel Dolivo ainsi que Rebecca Ruiz (PS) ont obtenu du Conseil communal de Lausanne unanime, de la gauche à la droite, l'introduction d'un principe de «responsabilité solidaire» lors d'appels d'offres pour des chantiers financés par la Ville. Selon ce principe, une entreprise sous-traitante serait coresponsable dans le cas où son sous-traitant engagerait du personnel au noir, et devrait en assumer les suites financières.
La lutte contre la sous-traitance en cascade abolirait-elle la lutte des classes? Marx, dans sa tombe, doit dresser l'oreille.
Sylvie Fischer
Curieuses conditions générales d'assurance
Le client n'est pas roi partout. On peut s'en rendre compte en examinant les conditions générales d'assurance (CGA) les plus insolites, où le client est souvent réduit au rôle de mendiant. A la première place de celles-ci, on trouve une disposition qui s'est répandue comme une gangrène dans le domaine de l'assurance maladie: «L'assureur se réserve le droit d'adapter les conditions générales d'assurance et leurs dispositions annexes de manière unilatérale, afin de s'adapter à l'évolution de la médecine, respectivement des soins, modernes.» On ignore pour l'heure si et dans quelle mesure cette disposition est conforme à la loi, constate l'avocat Volker Pribnow de Baden, qui a organisé à la fin d'octobre à Lucerne le concours de la clause la plus insolite lors d'un séminaire de l'Association responsabilité et assurance (HAVE). Le second prix a été remporté par une clause issue de l'assurance véhicules à moteur. La société déclare renoncer à son droit de recours contre son assuré. Cependant, en sont exclus tant la réalisation intentionnelle que le dol éventuel du résultat du dommage. La société n'entend-elle pas par là renoncer à la renonciation elle-même?
Incompréhensible ou involontairement ironique? L'assureur seul le sait. (tom)