L'Office fédéral de la santé publique manque de contrôle sur la fixation des primes par les caisses. Ce problème n'est pas nouveau: il s'est manifesté quasiment depuis l'entrée en vigueur de la Loi fédérale sur l'assurance maladie (LAMal) et fait l'objet d'articles chaque automne, moment où le montant des nouvelles primes est dévoilé. Le Conseil fédéral a adopté, le 26?mai dernier, une note de discussion à ce sujet. Il veut élaborer une base légale permettant enfin un contrôle plus effectif, soit en créant une nouvelle loi spécifique, soit en révisant simplement la LAMal. Une seconde discussion aura lieu cet automne, tout d'abord au sein du Département fédéral de l'intérieur de Didier Burkhalter, puis au sein du Conseil fédéral lui-même. On envisage donc de soumettre, d'ici un an, le projet de loi au Conseil fédéral, ce qui signifie que la loi elle-même n'entrera en vigueur qu'en 2013 au plus tôt.
L'exécutif a déjà annoncé la création, par voie d'ordonnance, d'un mécanisme correcteur visant à supprimer les différences positives ou négatives entre primes et coûts. Les assurés ayant trop payé bénéficieraient d'un remboursement. En outre, seules seront désormais approuvées les primes couvrant les coûts, afin d'éviter la constitution de réserves. Ces réserves devront être calculées en fonction des risques encourus.
Pour le conseiller d'Etat socialiste vaudois Pierre-Yves Maillard, qui prépare un livre sur l'assurance maladie, «l'Office fédéral de la santé publique sous-estime ses compétences, déjà faibles, au point de risquer de ne plus pouvoir exercer un véritable contrôle». La faute en revient tout d'abord aux relations incestueuses entre caisses maladie et administration fédérale, qui ont miné tout le système de santé helvétique. Daniel Widmer, qui était en 2008 chef de la division surveillance de l'assurance maladie et qui s'était à ce titre toujours refusé à assurer une adéquation entre primes et coûts, a depuis été embauché par la caisse Assura. Ses connaissances ont permis à cet assureur de gagner un procès retentissant, qui vit le Tribunal administratif fédéral reconnaître que l'OFSP n'avait pas, en l'état, de base légale lui permettant d'exiger que cette caisse abaisse ses primes pour les faire correspondre aux coûts. Le successeur de Daniel Widmer à la division surveillance de l'assurance maladie, Peter Indra, «est lui aussi parti travailler dans une caisse maladie», poursuit Pierre-Yves Maillard.
La concurrence entre caisses se concentre sur la chasse aux bons risques. «Sur ce plan, une vraie compétition s'est installée dans l'illégalité la plus totale, commente le socialiste. L'OFSP le sait car nous lui signalons régulièrement des cas. L'Office constate l'illégalité, mais l'affaire en reste là et les assurés auxquels on refuse des prestations perdent confiance.» L'Office n'est pas seul à être affaibli, constate le Vaudois: «L'organisation faîtière des assureurs Santésuisse souffre aussi, car, après Assura, la CPT, Helsana et Sanitas jouent en solo. Ces assureurs entendent créer une nouvelle communauté tarifaire, ce qui semble assez illogique: comment une communauté pesant 2 millions d'assurés pourrait-elle obtenir de meilleurs prix que Santésuisse qui pesait 7 millions d'assurés?»
«2007, année où le projet de caisse unique a été présenté au peuple, a été la vraie occasion manquée, conclut Pierre-Yves Maillard. Si le président de Santésuisse lui-même, le libéral Claude Ruey, admet que les caisses ont abusé s'agissant de faire correspondre les dépenses de santé aux primes ces dernières années, il est temps de passer à un système où ces primes seraient versées dans un pot commun, géré comme une caisse de compensation. Les caisses maladie joueraient le même rôle que les caisses de chômage en redistribuant l'argent aux assurés qui en ont besoin. Il faut éviter que les 8 milliards de provisions et réserves gérés par les caisses ne continuent à l'être dans une telle opacité.»