Harmonisée au niveau fédérale, la procédure pénale a élargi les droits des prévenus. «Mais, comme on a omis de faire de même avec les droits des des plaignants, cela crée un déséquilibre», a déploré le juge Joël Krieger, président de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois, invité par les Juristes progressistes vaudois à une journée de bilan sur la procédure pénale. Et le magistrat de prendre pour exemple l'impossibilité, pour le plaignant, de présenter des conclusions civiles dans le cadre de l'ordonnance pénale, lorsque les parties ne se sont pas mises d'accord sur ce point. Cette préoccupation a été partagée par la plupart des orateurs, représentants des tribunaux, du Ministère public et des avocats du canton de Vaud.
Le président de la Chambre pénale du Tribunal d'arrondissement de Lausanne, Thomas de Montvallon, a donné d'autres exemples dans lesquels «la victime est mise de côté» par la procédure de l'ordonnance pénale: elle se déplace pour rien lorsque le prévenu n'est pas présent à l'audience, puisque celle-ci est alors reportée. Et c'est de nouveau elle qui subit quand elle vient au tribunal inutilement parce que le prévenu a usé de son droit de retirer son opposition en tout temps. Le juge lausannois a encore fustigé les nouvelles dispositions sur la notification de l'ordonnance pénale qui, lorsque le destinataire est introuvable, ne passe plus par une publication. «En prévoyant que le défaut à l'audience vaut retrait de l'opposition, la procédure est incompatible avec le droit d'être entendu consacré par la CEDH» a encore regretté le juge.
De son côté, le procureur Laurent Maye a déploré «l'aspect désincarné» de la procédure de condamnation par ordonnance pénale pour les victimes, «qui ignorent ce qui se passe». Ce qui est problématique, lorsqu'on sait que 90% des décisions condamnatoires sont rendues sous cette forme, soit 10% de plus environ que sous l'ancien droit, annonce le procureur: «Pour les affaires simples, la police traite elle-même la plainte et mène les auditions sans en référer au Ministère public et celui-ci se fie de manière prépondérante aux résultats de l'enquête policière.» Si les petits cas sont plus vite expédiés avec le nouveau CPP, il n'en va pas de même pour les grosses affaires: là, le système se révèle plus lourd que sous l'ancien droit.
Police et avocats
Les défenseurs n'ont pas à se plaindre du rôle accru de la police dans la procédure, assure Fabien Mingard, avocat à Lausanne: «Quand on est appelé comme avocat de la première heure, on nous laisse le temps de discuter avec nos clients dans un local séparé et on peut intervenir en cours d'audition. Mais j'ai pu constater que la manière d'interroger de la police n'est pas la même lorsqu'un avocat est présent. Dans une affaire où deux personnes étaient auditionnées dans des pièces séparées, c'était beaucoup plus calme dans celle où je me trouvais avec mon client que dans l'autre...» La limitation de la consultation du dossier - qui a lieu «au plus tard après la première audition du prévenu», selon l'art. 101 CPP (lire aussi page 45) est plus problématique, selon Fabien Mingard: «Heureusement, en pratique, les procureurs nous accordent souvent cette consultation avant la première audition. Si ce n'était pas le cas, nous conseillerions à nos clients de garder le silence...»
Au TMC
Au nouveau Tribunal des mesures de contrainte (TMC), les magistrats vivent également de grands changements. «Les procédures sont courtes et se mènent dans l'urgence, la plupart du temps par écrit, explique Sabine Derisbourg, présidente du TMC vaudois. C'est dommage, alors que l'enjeu est important pour le prévenu. Il est inutile, pour les avocats, de plaider sur le fond à ce stade.» Et si les mesures de substitution doivent être préférées à la détention dès que possible, «les avocats ne doivent pas hésiter à formuler des demandes pour les réclamer.»