Sur internet, un grand nombre de contenus sont illicites, ou mis en ligne de manière illicite. On songera par exemple aux nombreux sites publiant sans droit des œuvres protégées, comme des fichiers MP3 ou des paroles de chansons.
Le référencement d’un contenu illicite au moyen d’un hyperlien (ou même la simple mention de son adresse URL), peut objectivement favoriser les infractions commises par celui qui a mis en ligne ce contenu, ou par les utilisateurs amenés à le consulter. Le fournisseur du lien peut à cet égard, lorsqu’il agit en toute connaissance de cause, engager sa responsabilité civile et pénale, comme auteur ou comme participant.
Lorsque le lieur n’a pas connaissance du caractère illicite du contenu référencé, la question des conditions de mise en œuvre de sa responsabilité est complexe. Doit-il effectuer des recherches pour s’assurer de la licéité de ce contenu? Lorsqu’il référence une page ou un site web, doit-il surveiller l’évolution de son contenu? Comment doit-il réagir lorsqu’un tiers lui signale qu’il référence un contenu illicite? Dans la résolution juridique de ces problématiques, une certaine souplesse est nécessaire, sous peine d’imposer des charges trop lourdes aux lieurs et d’entraver le fonctionnement même du réseau. Sur le plan international, la tendance, dont la Suisse devrait s’inspirer, est de limiter la responsabilité du lieur lorsque l’illicéité du contenu référencé n’est pas manifeste. On citera par exemple, en ce sens, l’art. 14 de la Directive européenne sur le commerce électronique (2000/31/CE), qui ne vise pas directement le fournisseur d’hyperliens, mais que plusieurs états membres, dont l’Autriche et l’Espagne, ont pris pour modèle pour limiter la mise en œuvre de sa responsabilité.
Lorsque le lieur référence un contenu qu’il sait illicite, mais sans dessein de favoriser la commission d’infractions, par exemple dans un but d’information dans le cadre d’un article de presse ou pour dénoncer l’activité délictueuse, les libertés fondamentales de communication des art. 16 et 17 Cst. ainsi que la liberté d’expression de l’art. 10 CEDH doivent être prises en compte. Elles peuvent légitimer l’établissement du lien lorsqu’il apparaît en l’espèce qu’elles doivent peser plus lourd que les droits susceptibles d’être lésés.
En pratique, il est préférable, par prudence, de s’abstenir de référencer sans nécessité un site qui apparaît comme manifestement illicite. Lorsqu’on doute de ce caractère illicite, il est souhaitable d’effectuer au moins des recherches sommaires et, au besoin, de prendre conseil auprès d’un spécialiste. En revanche on ne saurait imposer au lieur un devoir de surveillance de l’évolution des contenus référencés, sauf lorsque les circonstances rendent prévisible le basculement vers l’illicéité.
On précisera enfin que l’ajout par le lieur d’une clause selon laquelle il ne saurait être tenu pour responsable du contenu des sites référencés (disclaimer) ne limite en rien l’étendue de sa responsabilité (sauf, parfois, à l’égard des utilisateurs qui activent le lien). Lorsque le lieur précise qu’il n’a pas vérifié le contenu des sites référencés, ces clauses peuvent même, en elles-mêmes, permettre de conclure qu’il a agi par dol éventuel sur le plan pénal et qu’il a commis une faute sur le plan civil.