Défense obligatoire
Quand les conditions requises pour la défense obligatoire sont remplies, elle doit être requise avant la première audition par le Ministère public et non seulement «avant l’ouverture de l’instruction» (actuel art. 131 al. 2 CPP). Il faudrait même mettre en œuvre la défense obligatoire avant le premier interrogatoire de police, estime Robert Assael.
Droit de participer à la procédure
En pratique, le droit de participation des parties (art. 147 CPP) se trouve contourné quand le Ministère public charge la police d’administrer des preuves sans donner de directives visant à faire respecter les droits des parties. Catherine Chirazi et Miguel Oural proposent, par conséquent, un complément à l’art. 147, qui préciserait que le droit des parties ne peut être restreint qu’aux conditions de l’art. 108 CPP (en cas d’abus de droit ou pour des raisons de sécurité ou d’intérêt public).
Accès au dossier
Bon nombre d’avocats critiquent les conditions restrictives du droit d’accès au dossier (lire par exemple plaidoyer 1/2015), qui n’est prévu qu’après la première audition du prévenu et l’administration des preuves principales par le Ministère public. Catherine Chirazi et Miguel Oural proposent de supprimer la seconde condition, cumulative, «car la notion de preuves principales est beaucoup trop indéterminée et permet au Ministère public de retarder l’accès au dossier».
Police de l’audience
La direction de la procédure, surtout en phase d’instruction, dispose d’une trop grande marge de manœuvre en matière de police de l’audience, commentent François Canonica et Jacques Barillon. Ils proposent de préciser les circonstances et les comportements pouvant entraîner une sanction (art. 63 CPP). Ainsi, seule une violation grave des règles de la bienséance par le défenseur devrait être punissable, et non plus une simple violation. Et l’avocat du prévenu ne saurait être privé de parole, expulsé de la salle d’audience ou remis à la police, du moins dans les cas de défense obligatoire.
Détention
Selon le droit actuel, quand les motifs de détention n’apparaissent qu’après le dépôt de l’acte d’accusation, ce n’est plus au Ministère public, mais au juge de demander au Tribunal des mesures de contrainte d’ordonner la détention pour des motifs de sûreté (art. 229 al. 2 CPP). Cette compétence accordée au juge n’est pas adéquate, estime Robert Assael, car ce magistrat sera appelé à trancher sur le fond. Dès lors, c’est le Ministère public qui doit continuer de saisir le Tribunal des mesures de contrainte.
Si des motifs de détention apparaissent pendant la procédure d’appel, le juge du fond détient de nouveau un pouvoir excessif, puisqu’il peut statuer sur la détention. Il devrait, au contraire, s’adresser au Tribunal des mesures de contrainte, qui serait chargé de toutes les procédures en relation avec la détention.
Opposition à l’ordonnance pénale
Selon l’art. 355, al. 2 CPP, si l’opposant à une ordonnance pénale, sans excuse, fait défaut à une audition fixée par le Ministère public, son opposition est réputée retirée; il en est de même, selon l’art. 356, al. 4 CPP, s’il fait défaut aux débats du Tribunal de première instance, sans être excusé et sans se faire représenter (lire notamment plaidoyer 6/13). Cette fiction devrait être supprimée, estime Robert Assael, puisque, selon le TF, elle n’est pas applicable au prévenu qui séjourne à l’étranger (6B_404/2014); il y a donc inégalité de traitements entre le prévenu domicilié en Suisse et celui qui est à l’étranger. De plus, il faut prévoir une procédure par défaut, aussi par égalité avec un prévenu «ordinaire».
Partie plaignante
Accorder l’assistance judiciaire à la partie plaignante ne devrait dépendre que du fait qu’elle est indigente, propose Lorella Bertani. Il est contraire à l’égalité des armes d’exiger, en plus, que l’action civile ne paraisse pas vouée à l’échec. Car le prévenu est, de son côté, assisté d’un conseil.
L’art. 318 CPP doit être modifié: il faut que, même quand il entend rendre une ordonnance pénale, le Ministère public adresse un avis de prochaine clôture de l’instruction, avec un délai à la partie plaignante pour faire valoir ses prétentions civiles. Selon l’art. 353, al. 2 CPP, si le prévenu ne les reconnaît pas, elles sont renvoyées au procès civil. Lorella Bertani propose que le Ministère public tranche aussi les prétentions non reconnues, afin d’éviter une procédure civile.
*Composée de Mes Robert Assael, Lorella Bertani, Catherine Chirazi, Yaël Hayat, Jacques Barillon, François Canonica, Jean-Marc Carnice, Yvan Jeanneret, Daniel Kinzer, Grégoire Mangeat, Simon Ntah, Miguel Oural, Nicola Meier.
Avocats neuchâtelois: «La détention préventive est souvent abusive»
A Neuchâtel également, la Commission pénale de l’Ordre des avocats dénonce les défauts du CPP. Elle déplore aussi «la quasi-disparition de l’immédiateté, et ce dès la première instance», fait savoir le bâtonnier neuchâtelois Georges Schaller, en signalant la même difficulté qu’à Genève, pour l’avocat, de requérir l’administration des preuves au tribunal. Le problème de l’accès au dossier est également dénoncé, de même que la variété des pratiques cantonales sur ce point: «Dans le canton de Vaud, la police accepte de remettre aux avocats le PV d’audition à la fin de l’interrogatoire, mais tel n’est pas le cas à Neuchâtel et il faut parfois attendre passablement avant de l’obtenir par le biais du Ministère public.» Et quand la consultation du dossier est autorisée, «cela ne veut pas dire qu’elle l’est définitivement pour toute nouvelle pièce. On est donc assez loin d’une véritable participation des parties à l’administration des preuves, puisque tout le travail préparatoire se fait en amont et est délégué à la police, sans la présence des parties.»
L’Ordre des avocats neuchâtelois (OAN) dénonce aussi un recours souvent abusif à la détention préventive, malgré l’existence du Tribunal des mesures de contrainte (TMC): il propose une nouvelle disposition du CPP qui obligerait le Ministère public à indiquer de manière précise les actes d’enquête dont il se prévaut pour justifier la détention, et cela dans un certain délai.
L’OAN estime par ailleurs qu’il faudrait pouvoir recourir plus facilement à plusieurs experts psychiatres, étant donné «la tendance de la justice à leur déléguer en quelque sorte son pouvoir de décision. C’est une des dérives les plus préoccupantes de la justice pénale. De plus, à Neuchâtel, le nombre d’experts disponibles est souvent limité. Et il est très problématique que l’un ou l’autre expert se retrouve à travailler quasiment à plein temps pour le Ministère public.»
Les avocats neuchâtelois regrettent, à l’instar de leurs collègues genevois, que le juge du fond se prononce également sur les éventuelles indemnités dues au prévenu en cas d’acquittement. Cette question devrait être traitée dans une procédure séparée, après l’entrée en force du jugement au fond. Enfin, l’OAN demande que le CPP prévoie une obligation de verser des acomptes pour les mandats à l’assistance judiciaire.