Les «principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature» des Nations Unies le prescrivent clairement à leur chiffre 11: «La durée du mandat des juges, leur indépendance, leur sécurité, leur rémunération appropriée, leurs conditions de service, leurs pensions et l'âge de leur retraite sont garantis par la loi.»
Par conséquent, le Conseil consultatif des juges européens (CCJE) met les Etats à contribution: les traitements des juges doivent être définis à leur juste valeur par la loi et être garantis contre les réductions, de manière qu'ils correspondent au rôle et à la responsabilité de ces magistrats. L'argument avancé est que ce serait la seule façon d'assurer l'indépendance des juges. Afin d'éviter les jugements erronés et le parti pris des magistrats, il faudrait donc également éviter les rémunérations dépendant des prestations.
Différences de plus de 100%
D'après le juge autrichien Gerhard Reissner, vice-président de l'Union internationale des magistrats (UIM), la situation actuelle est loin de correspondre à cet idéal: «Dans certains pays européens, il semble que ces aspects aient été trop négligés au moment de définir la situation économique des juges.» De surcroît, quelques pays auraient réduit les salaires des magistrats en alléguant la crise budgétaire. Il s'agit notamment de l'Estonie, du Portugal, de l'Italie et de la Slovaquie.
L'écart des salaires des juges est en effet très important en comparaison internationale. Alors que de jeunes juges de district en France travaillent pour moins de 4500 fr. par mois (voir notre tableau), leurs collègues suédois encaissent plus du double.
Parmi les traitements les plus élevés, les différences sont aussi importantes. Ainsi, les juges fédéraux allemands gagnent mensuellement quelque 10 000 fr. Les juges anglais de la High Court encaissent, en comparaison, bien 20 000 fr. Les juges de la Cour européenne des droits de l'homme sont dédommagés par un traitement mensuel de 19 000 fr. Et les juges fédéraux helvétiques gagnent en gros 30 000 fr.
Mais les différences salariales sont aussi importantes à l'intérieur des frontières suisses. Ainsi, les juges de district zurichois gagnent en début de carrière, environ 10 000 fr. de moins par année que leurs collègues tessinois, et près de 7000 fr. de moins - par mois cette fois-ci - qu'un juge genevois. Et un juge cantonal zurichois au salaire minimal recevrait tout juste 50 000 fr. de plus par année s'il travaillait au Tessin. Toutefois, la limite supérieure de traitement d'un juge cantonal s'élève à 266 784 fr. par année dans le canton de Zurich, ce qui dépasse de bien 50 000 fr. le salaire le plus élevé des magistrats tessinois et même de près de 14 000 fr. le salaire le plus élevé des juges genevois de deuxième instance.
Pas d'harmonisation européenne
La recherche menée par plaidoyer le démontre: en comparaison internationale et s'agissant de leur traitement, les juges helvétiques caracolent sans nul doute en tête. Mais cela n'est qu'en partie un signe de leur importance dans un Etat de droit. «Lors de la fixation du salaire, la position sociale que représente la profession de juge, respectivement la considération générale dont elle jouit, doit jouer un certain rôle, mais ce rôle est difficile à évaluer», déclare Peter Hodel, président de l'Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire (ASM). On ne peut aucunement en conclure que les juges suisses disposeraient, en comparaison avec d'autres pays européens, d'une situation sociale plus élevée, du fait de l'importance de leur traitement. Son collègue Reissner est du même avis: «Il serait faux de déduire de ces différences salariales une interprétation portant sur la position des juges dans la société.»
Une harmonisation des traitements sur le plan européen n'est pas pour demain. «L'organisation des tribunaux en Europe, tout comme dans les cantons suisses, relève toujours de la souveraineté nationale, c'est pourquoi il n'existe aucun effort d'unification européenne», conclut Peter Hodel.
Hausses des salaires à l'étude
Le Conseil national a décidé, au cours de la session d'hiver 2011, d'augmenter annuellement de 3% les salaires des juges du Tribunal pénal fédéral, du Tribunal administratif fédéral, tout comme ceux des juges ordinaires du Tribunal fédéral des brevets. Cette augmentation profitera à chaque juge qui n'a pas encore atteint le salaire maximal de sa classe salariale. Si le Conseil des Etats souscrit à cette modification de l'ordonnance sur les juges, une décision de 2006 aura un effet rétroactif. A cette époque, le Parlement avait limité l'augmentation salariale annuelle à 1,2 %. Ce fait a été dernièrement critiqué par cette même instance, parce que les juges seraient ainsi plus mal traités que les autres employés de la Confédération.
En outre, le Conseil national a décidé de suivre sa Commission des affaires juridiques et d'augmenter le salaire initial de 63% à 70% du salaire maximal. Les salaires des juges fédéraux de Lausanne et de Lucerne ne subiront pas de changement à la suite de l'entrée en vigueur de ces mesures. V. B./S. Fr