Les parties à un conflit peuvent se lancer dans une médiation conventionnelle (dite aussi privée), à l'écart du tribunal. Mais elles ont aussi la possibilité de choisir ce mode alternatif de résolution des conflits dans le cadre d'une procédure (on parlera alors de médiation parajudiciaire). Et c'est là que le nouveau CPC intervient.
Il prévoit que la demande peut se faire comme alternative à la conciliation ou, plus tard, pendant la procédure au fond, en tout temps. Dans les deux cas, la requête a pour effet d'interrompre la prescription.
Quant au juge, il peut «conseiller en tout temps aux parties de procéder à une médiation», voire «exhorter les parents à tenter une médiation» dans les procédures applicables aux enfants en droit de la famille. Fera-t-il, en pratique, usage de cette possibilité? Cela dépendra évidemment de sa propre conviction sur ce sujet, elle-même influencée par la formation qu'il aura éventuellement reçue. Pour Philippe Gelzer, secrétaire général de la section suisse du Groupement européen des magistrats pour la médiation (Gemme), il est à l'évidence dans l'intérêt de la justice de favoriser la résolution rapide des litiges, afin de décharger les tribunaux. «L'idéal serait de cumuler les effets d'une bonne conciliation et d'une médiation: le juge commencerait par informer les parties de la situation juridique et de leurs chances respectives, avant de conseiller, le cas échéant, de procéder à une médiation.»
Ratification
Le CPC précise que la médiation est confidentielle et indépendante de l'autorité de conciliation et du tribunal et que les déclarations des parties ne peuvent être prises en compte dans la procédure judiciaire (art. 216). Il prévoit aussi que, lorsque la médiation aboutit à un accord, les parties peuvent en demander la ratification par l'autorité de conciliation ou par le juge. L'accord a dès lors les effets d'une décision entrée en force (art. 217).
Une médiation purement conventionnelle (hors procédure) pourrait-elle également être présentée au juge pour ratification? Le CPC ne livre pas de réponse.
Le canton de Genève, pionnier dans ce domaine, avait opté pour cette solution avant l'unification
fédérale. Et plusieurs auteurs y sont favorables. «Le pragmatisme et le souci d'économie de procédure commandent de pouvoir obtenir la ratification des conventions de médiation ne consacrant pas un accord manifestement disproportionné et ne violant pas le droit impératif, et ce indépendamment du fait qu'elles aient été ou non obtenues à l'occasion (...) de toute procédure», notent Florence Pastore, avocate, et Birgit Sambeth Glasner, avocate et médiatrice FSA1. Denis Tappy, professeur à l'Université de Lausanne, et Mercedes Novier, avocate, sont également d'avis qu'une médiation privée aboutissant à un accord doit pouvoir être soumise à ratification2.
Titre authentique
Mais un accord issu d'une médiation conventionnelle peut également revêtir un caractère exécutoire en prenant la forme d'un titre authentique exécutoire, aux conditions de l'art. 347 CPC, soulignent Florence Pastore et Birgit Sambeth Glasner. Il faut pour cela que les parties passent devant le notaire en reconnaissant l'exécution directe de la prestation. Une position soutenue également par Beatrice Gukelberger, docteur en droit et médiatrice3. L'art. 348 CPC prévoit toutefois une série de titres authentiques non directement exécutoires, notamment ceux découlant d'un contrat de bail ou de travail.
Où trouve-t-on un médiateur, comment se déroule le processus? La loi fédérale se contente d'indiquer que les parties se chargent «de l'organisation et du déroulement de la médiation» et il est trop tôt pour savoir si les juges prendront à cœur leur rôle de conseil en la matière. Mais certains cantons, comme Genève, Fribourg et Vaud, ont décidé d'intervenir, en prévoyant un système d'assermentation des médiateurs. Quant aux frais de la médiation, ils sont à la charge des parties, la gratuité étant toutefois prévue au niveau fédéral dans les affaires concernant le droit des enfants à caractère non patrimonial (typiquement, le droit de visite), à condition que les parties ne disposent pas des moyens nécessaires et que le tribunal ait recommandé le recours à la médiation. Mais, là aussi, quelques cantons ont prévu des dispenses de frais supplémentaires, ainsi que le permet le CPC.
Voici un aperçu des particularités cantonales en Suisse romande.
Fribourg
Le canton de Fribourg donne un coup de pouce à la médiation, en instaurant sa gratuité si les conditions de l'assistance judiciaire sont remplies (art. 127 de la loi sur la justice, LJ). Le règlement sur la justice (RJ) prévoit en outre que les honoraires du médiateur, dans le cadre d'une procédure judiciaire, sont fixés par l'autorité compétente au fond, sur la base d'un tarif horaire de 150 fr. En cas d'assistance judiciaire, mais aussi dans les affaires non pécuniaires relevant du droit de la famille, l'indemnité horaire est fixée à 130 fr. Une «ordonnance sur la médiation en matière civile, pénale et pénale pour les mineurs» soumet par ailleurs à autorisation l'exercice de la fonction de médiateur, lorsqu'il intervient dans le cadre d'une procédure judiciaire. Le candidat doit remplir une série de conditions pour être assermenté, en particulier avoir suivi une formation spécifique attestée par une association reconnue en Suisse dans le domaine de la médiation (notamment la Chambre suisse de médiation commerciale, la Fédération suisse des associations de médiation, la Fédération suisse des avocats ou l'Association suisse pour la médiation). L'ordonnance décrit également le processus de médiation.
Genève
Pour la médiation parajudiciaire, Genève tient également un tableau des médiateurs assermentés qui, comme à Fribourg, reçoivent leur autorisation après avoir suivi une formation appropriée (art. 66 à 74 LOJ-Ge). L'assistance judiciaire pourra également être requise pour les frais de médiation, lorsque les conditions de cette assistance sont remplies. Enfin,
la loi d'application du Code civil prévoit que l'autorité de conciliation et le tribunal informent sur la médiation et peuvent inciter les parties à y recourir. De plus, une permanence d'information a été mise sur pied par les associations actives dans le domaine, avec le soutien des autorités (www.per manence-info-mediation).
Jura
Les frais de la médiation sont en principe pris en charge par l'Etat lorsque le tribunal recommande le recours à la médiation. Le tribunal peut toutefois, selon les circonstances, mettre, totalement ou partiellement, ces frais à la charge d'une partie, notamment lorsque celle-ci procède de manière téméraire ou abusive ou prolonge excessivement la procédure. (art. 11 de la loi d'introduction du Code de procédure civile suisse (LiCPC).
Vaud
Le Tribunal cantonal vaudois tient à jour la liste des médiateurs civils agréés, tandis que la Cour administrative statue sur l'inscription ou la radiation d'un médiateur (art. 2 du Règlement sur les médiateurs civils agréés - RMCA). Les conditions d'inscription sont similaires aux dispositions genevoises et fribourgeoises.
1«La médiation civile dans le Code de procédure unifié», Revue de l'avocat, 8/2010.
2La procédure de conciliation et la médiation dans le Code de procédure civile suisse (art 197 à 218 CPC), cours donné aux magistrats vaudois.
3«Die gerichtliche Genehmigung bzw. die notarielle Verurkundung von Mediationsvergleichen», Revue de l'avocat 11-12/2010.