Une révision du droit pénal préparée de longue date était entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Elle avait pour but d’introduire la peine pécuniaire et de réduire le recours à la courte peine privative de liberté jusqu’à six mois. Cette dernière représentait, jusqu’en 2006, 94% des peines privatives de liberté avec sursis et 84% de celles sans sursis, alors qu’elle est psychologiquement nuisible, socialement stigmatisante, chère et pas plus efficace que d’autres types de sanctions. Peu de temps après sa mise en vigueur, le bien-fondé de cette modernisation du droit pénal était mis en doute, notamment par des procureurs conservateurs de Suisse romande. Alors que les courtes peines privatives de liberté sont critiquées depuis bientôt cent ans par les pénalistes et les spécialistes du pénitentiaire, ils argumentaient que le nouveau droit des sanctions avait perdu de son effet dissuasif et que le contenu de la peine n’était plus compréhensible aussi bien pour les personnes sanctionnées que pour les victimes. Leurs opinions étaient fortement relayées par certains médias et des parlementaires. Au début de 2009, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf exigea de l’Office fédéral de la justice qu’il revoie la révision en faisant marche arrière par le biais de la réintroduction de la courte peine privative de liberté. Elle demanda la préparation d’un Message, indépendamment du fait que le Conseil fédéral avait, peu de temps auparavant, décidé d’entreprendre une évaluation de la révision du droit des sanctions. L’acceptation des nouvelles dispositions et leur efficacité en termes de réduction de la récidive devaient faire l’objet d’une observation durant cinq ans.
Malgré le Message du Conseil fédéral du 4 avril 2012, proposant un retour à l’ancien système, nos représentants avertis aux Chambres fédérales ont réussi, en commission et dans les négociations de conciliation, à préserver la priorité de la peine pécuniaire, tout en facilitant l’usage de la peine privative de liberté sous certaines conditions. La nouvelle révision est entrée en vigueur le 1er janvier 2018 (pour les détails, lire en page 26). En empêchant un retour complet à l’ancien système de la peine privative de liberté, les parlementaires ont finalement confirmé l’objectif du Conseil fédéral de 1998, lorsqu’il souhaitait doter la Suisse d’un système moderne de sanctions.
L’absence d’évaluations scientifiques et le manque d’appréciations d’ensemble de la mise en œuvre de la révision de 2007 rendent indispensable une analyse des pratiques de sanctionner depuis cette révision.
1. Les sanctions entre 1997 et 2017
Cette évaluation est réalisée à l’aide des données publiées par l’Office fédéral de la statistique (OFS). On se propose de rendre compte des sanctions prononcées2 avant et après 2007. En même temps, on ne s’interdira pas de regarder au-delà du 1er janvier 20183 et d’indiquer l’impact des nouvelles dispositions sur l’évolution probable des manières de sanctionner. Il s’agit d’abord d’analyser le volume, la structure et le développement des sanctions prononcées, ensuite d’étudier la distribution géographique de la peine privative de liberté, notamment celle de courte durée jusqu’à six mois. L’analyse ne serait pas complète sans un regard sur les changements du prononcé des mesures et leur exécution. Toutes les réflexions développées ici concernent l’ensemble des condamnations pénales des adultes inscrites au casier judiciaire, sans les sanctions prononcées à l’encontre des mineurs.
1.1. Les peines – globalement de courte durée
1.1.1 La peine pécuniaire avec sursis domine
L’objectif de la révision du droit des sanctions était la réduction du recours à la courte peine privative de liberté avec et sans sursis jusqu’à six mois. La part de ces peines s’élevait en 2006 à 62%, celle des amendes à 38%. Les peines privatives de liberté étaient pour 75% prononcées avec sursis et pour 25% sans sursis. Parmi les peines avec sursis, celles jusqu’à six mois atteignaient 94%, parmi les peines sans sursis 84%. Sur la base de ces faits, on peut affirmer que, en Suisse, la grande majorité des infractions jugées concerne des faits mineurs, des infractions de peu de gravité.
Dès la mise en œuvre de la révision du droit des sanctions, en 2007, on observe un changement radical et durable dans les manières de sanctionner. Les Ministères publics, les juges et les tribunaux prononcent 85% de peines pécuniaires, cette valeur restant stable, malgré une forte augmentation des condamnations depuis 2007 (+29%). Parmi les peines pécuniaires, 82% sont prononcées avec un sursis complet, 17% sans sursis et 1% avec sursis partiel. Non indiquée dans le graphique, la part du travail d’intérêt général s’élève d’abord à 4%, pour tomber, plus récemment, à 2% de toutes les sanctions.
La révision entrée en force en 2018 maintient la priorité de la peine pécuniaire avec et sans sursis jusqu’à 180 jours-amende. On peut légitimement penser que plus de 80% de toutes les personnes jugées seront toujours sanctionnées avec une peine pécuniaire. Quant à la peine pécuniaire de 180 à 360 jours, abolie le 1er janvier 2018, elle porte annuellement, entre 2007 et 2017, sur 0,3% de l’ensemble des sanctions prononcées: en moyenne annuelle sur dix ans, 333 condamnations avec sursis, 64 sans sursis et encore 30 avec sursis partiel. Sanctionner à l’avenir ces personnes avec une peine privative de liberté avec sursis est une victoire à la Pyrrhus pour les fervents de la révision, car cette dernière ne s’imposait justement pas pour cette catégorie d’auteurs d’infractions, qui apportaient certainement toutes les garanties d’intégration sociale.
1.1.2 La courte peine privative de liberté sans sursis sélectivement appliquée
Sans vouloir minimiser les infractions punies avec des peines privatives de liberté jusqu’en 2006, on doit reconnaître qu’il s’agissait, là aussi, généralement de faits mineurs. Ce constat s’impose quand on sait que la moitié des peines privatives de liberté avec sursis étaient de 20 jours ou moins (médiane de vingt jours). De même pour les peines sans sursis: les courtes peines privatives dominaient: 30% étaient inférieures à un mois et 54% duraient entre un et six mois, la valeur médiane étant de quarante jours. Seulement 16% de toutes les peines sans sursis avaient une durée de six mois et plus. En 2006, on comptait quelque 14 000 peines privatives de liberté sans sursis, dont quelque 5000 conduisaient la personne sanctionnée non pas en prison, mais à effectuer un travail d’intérêt général ou à exécuter une peine sous contrôle électronique.
Dès l’entrée en vigueur de la révision de 2007, la baisse du nombre des peines privatives de liberté sans sursis est importante: moins 56%. Par la suite, le nombre de ces peines s’accroît de nouveau, notamment en Suisse romande, pour baisser de nouveau entre 2015 et 2017. Entre 1997 et 2006, on compte en moyenne 9200 courtes peines privatives de liberté par année, alors qu’il n’y en a, entre 2007 et 2017, plus que 6000 annuellement – une réduction effective des courtes peines privatives de liberté, avec, comme on le verra plus loin, des conséquences positives sur le taux de récidive.
1.1.3 Dualisation des peines de durée moyenne, recul des longues peines
La révision du Code pénal de 2007 a introduit un nouveau mode de sanction, des peines privatives de liberté avec sursis partiel d’une durée d’un à trois ans, la partie à exécuter ne pouvant excéder la moitié de la peine, sa durée étant de six mois au moins.
Ce mode de sanction a été bien accueilli si on considère que près de la moitié des peines d’un à trois ans est aujourd’hui prononcée sous cette forme – en 2007, la répartition était déjà de 755 peines sans sursis pour 567 peines avec sursis partiel, en 2016, de 737 peines sans sursis pour 728 avec sursis partiel. Etant donné que la durée médiane s’établit, de manière constante, à 912 jours (deux années et demie), on peut affirmer que les tribunaux la prononcent surtout dans le segment supérieur de cette catégorie de peine4. Les juges semblent considérer que, pour une petite majorité de condamnés, il est justifié qu’une partie de leur peine de durée moyenne ne soit pas exécutée; ils contribuent ainsi à un usage plus modéré de ce genre de sanction. La légère tendance à un nombre croissant de ces peines se traduit en même temps par le recul du temps de peine qui doit effectivement être exécuté. Même, si leur importance est globalement faible (0,6% de toutes les condamnations), on peut ainsi parler d’une véritable dualisation des manières de sanctionner dans le domaine des peines de durée moyenne.
Non touchées par la révision de 2007, les peines de trois à moins de cinq ans et de cinq ans et plus évoluent positivement; elles baissent en nombre. Depuis le sommet de près de 700 condamnations à ce genre de peines en 1999, on constate pour les peines de trois à moins de cinq ans un mouvement en vagues, ce qui revient à dire qu’il n’y a pas de hausse de ces peines. En revanche, celles d’une durée de cinq ans et plus connaissent une nette tendance à la baisse depuis 2000. Les deux constats sont encore plus positifs quand on tient compte de l’augmentation de la population; on peut alors parler d’une diminution importante du nombre de sanctions les plus longues. Donc, pour répondre à des détracteurs de la révision du droit des sanctions, cette dernière n’a pas conduit à une hausse des faits de criminalité à juger, ni dans le domaine de la petite délinquance ni dans celui de la grande criminalité.
1.1.4 La Suisse romande: croyance dans l’efficacité de la courte peine privative de liberté
Depuis cent ans, pénalistes et spécialistes du pénitentiaire critiquent la courte peine privative de liberté5 et son effet dissuasif général ou spécial supposé; aussi, d’innombrables études6 montrent toutes une efficacité équivalente des différentes formes de courte peine (peine pécuniaire, travail d’intérêt général, bracelet électronique, peine privative de liberté, autres mesures ambulatoires). Pourtant, en observant la distribution géographique de l’usage des sanctions, on constate que les autorités de jugement de Suisse romande semblent continuer à avoir une croyance ferme, une attente excessive dans l’efficacité de la peine privative de liberté. Les cantons romands représentent, ces dernières vingt années, une part d’environ 25% de la population suisse. La part des peines prononcées dans cette région était, en 1997 déjà, de 32%; depuis quatre ans, elle se situe autour de 54%. Trois cantons sont à la pointe: Vaud7, Genève8 et Neuchâtel. Les manières de sanctionner des deux premiers cantons mentionnés connaissent de plus une relation paradoxale à l’usage de la détention provisoire, analysée à travers son imputation dans le jugement, comme on le constate ci-après.
1.1.5 La détention provisoire imputée et la courte peine privative de liberté
Le Code de procédure pénale (CPP) stipule: «Le prévenu reste en liberté.» (art. 212 al. 1). L’alinéa 3 du même article précise que «la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ne doivent pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible».
Entre 1997 et 2013, le nombre des détentions provisoires prises en compte dans les condamnations pénales passait, pour la Suisse dans son ensemble, de 10 000 à 22 000, pour baisser à 20 000 cas en 2016. En raison de l’introduction du CPP en 2011, la part des détentions provisoires jusqu’à deux jours est passée de quelque 35% en 1997 à 76% en 2017. On peut donc penser qu’il s’agissait de faits de peu d’importance.
Cependant, la distribution et l’évolution sont très inégales selon le statut de résidence des prévenus: pour les Suisses, le nombre de détentions avant jugement a baissé de 25%; pour les étrangers ayant un lieu de résidence en Suisse, il est resté plus ou moins stable; en revanche, pour les étrangers sans lieu de résidence, il a doublé, passant, entre 2008 et 2013, de 6000 à 12 000, pour se stabiliser depuis.
Plus problématique encore: près de la moitié des personnes qui ont fait l’expérience – souvent dramatique – d’être placées en détention avant jugement sont ensuite condamnées à une peine pécuniaire, en contradiction avec les principes du CPP et la règle de la proportionnalité. Ce phénomène devrait donner lieu à une observation permanente. Reste à signaler les contenus très différents des politiques de privation de liberté à Genève et dans le canton de Vaud comparées à celle dans le Tessin (graphique ci-dessus): le Ministère public du canton de Genève conduit une politique dissuasive, voire punitive à l’aide de la détention provisoire conçue comme une peine anticipée; en revanche, le Ministère public du canton de Vaud réalise une politique des sanctions qui, pense-t-on probablement, devrait également déployer son effet dissuasif et punitif. En effet, alors que, à Genève, la majorité des personnes placées en détention provisoire est punie d’une peine non privative de liberté, c’est exactement l’inverse qui se passe dans le canton de Vaud. Ce dernier place proportionnellement peu de gens en détention avant jugement, mais condamne deux fois plus de personnes à une peine privative de liberté sans sursis qu’il ne place de personnes préalablement en détention avant jugement9. En comparaison, le canton du Tessin utilise la détention avant jugement de manière bien plus restrictive que la moyenne suisse, tout comme il ne pratique qu’un usage restreint de la peine privative de liberté10. D’où cette conclusion que le recours à la détention avant jugement et à la courte peine privative de liberté relèvent plus de la politique criminelle que du taux de criminalité11. Faut-il préciser que cette politique du tout répressif a conduit à une dégradation des conditions de détention, tant dans le canton de Genève que dans celui de Vaud. Les deux cantons ont été épinglés, voire condamnés pour avoir pratiqué des détentions prolongées inhumaines et dégradantes12.
1.2 Les mesures
La révision de 2007 comprenait également un volet de sécurisation renforcée des personnes sanctionnées avec une mesure stationnaire. Aussi, les obstacles à la libération conditionnelle ont été renforcés. Ce nouvel agencement des mesures était encore une fois appuyé par l’adoption de l’internement à vie en 2004.
Le paradoxe du prononcé des mesures depuis 2007 est que, parmi les sanctions utilisées, l’internement a quasiment disparu, alors que les mesures thérapeutiques stationnaires sont devenues plus fréquentes. Alors que l’on comptait en moyenne annuelle une trentaine de ces dernières jusqu’en 2005, près d’une centaine sont prononcées chaque année depuis 2008, avec d’importantes variations annuelles (maximum 2010: 136 cas; 2011: 77 cas)13. Etant donné que leur durée se rallonge fortement, on compte, en 2016, plus de 800 personnes soumises à une telle mesure, alors que la Suisse ne dispose au mieux de quelque 450 places thérapeutiques pour réaliser leur exécution. La durée moyenne des placements est passée de 700 jours, avant 2004, à 1627 jours en 2016, donc de près de deux à quatre ans et demi14.
Le manque de place mène dans l’impasse. L’usage massif de ces mesures comprend le danger de l’application de sanctions à des fins préventives. La forte critique développée ces dernières années par différentes instances a peut-être produit un timide début de changement; il y a eu, en 2015 et en 2016, plus de libérations que d’incarcérations pour une mesure stationnaire thérapeutique.
2. La récidive
Le rapport d’évaluation de la révision du Code pénal16 montre une méconnaissance assez répandue du taux de récidive dans le pays17. Plus encore, il souligne des erreurs d’appréciation des personnes interrogées dans les Ministères publics, les tribunaux et les Services pénitentiaires au sujet de l’évolution du taux de récidive à la suite de l’introduction des peines pécuniaires. Pourtant, l’Office fédéral de la statistique avait, en 2011 déjà, publié des résultats prometteurs au sujet de la récidive pénale en relation avec le nouveau droit des sanctions18. En 2016, il est possible d’affirmer, chiffres à l’appui et contre les prises de position non informées, que le taux de récidive baisse dès le moment de la mise en œuvre de la révision du droit des sanctions. Cette baisse est d’autant plus significative qu’on est face à des situations d’application différentes des sanctions avant et après la révision de 2007 (lire développements sous 1.1.1. et 1.1.2). Le taux de récidive est en baisse dans tous les cas de figure, tant pour le total que pour les différentes caractéristiques démographiques ou caractères judiciaires, alors même que la structure des infractions et des personnes jugées n’a pas été modifiée. Pour les caractéristiques judiciaires, on observe que les personnes avec deux antécédents et plus connaissent une diminution de leur taux de récidive de dix points, celles avec une récidive non spécifique19 de quelque quatre points, et celles avec une récidive plus grave de presque deux points. Le même phénomène s’observe pour les personnes libérées d’une exécution de peine, notamment en relation avec le taux de réincarcération; dans ce dernier cas, on constate une baisse du taux de récidive de presque 30 points20.
Conclusion
Avec l’introduction de la peine pécuniaire, notamment avec sursis, la Suisse s’est dotée d’un système de sanctions moderne; elle a aussi profondément modifié la manière de sanctionner, en reléguant à l’histoire l’usage massif d’une peine héritée de la Révolution française. La brève augmentation des peines dans les dernières années s’est limitée à la Suisse romande où des représentations conservatrices sur l’efficacité de la peine privative de liberté et une politique criminelle à dominante répressive se maintiennent plus fortement qu’outre-Sarine.
La peine pécuniaire, notamment dans sa version avec sursis, s’est établie comme sanction principale, prononcée pour juger des faits d’importance mineure. Etant donné que la majorité des indicateurs de la criminalité sont à la baisse, on peut penser que la nouvelle révision du droit des sanctions n’aura qu’un impact faible sur le nombre de peines privatives de liberté. Malgré la révision entrant en vigueur le 1er janvier 2018, il est possible d’avancer la thèse que la répartition des sanctions prononcées restera plus ou moins stable.
L’usage actuel et statistiquement important de la peine pécuniaire peut être interprété de trois manières: il est en cohérence avec la grande majorité de la délinquance jugée dans notre pays, pour des infractions globalement de peu d’importance; il correspond ensuite à l’état de développement de la société basée aujourd’hui sur le salariat et la valeur de l’argent; il est finalement en phase avec des manières civilisées de traiter les auteurs d’infraction et avec l’efficacité des sanctions, mesurée à l’aide du taux de récidive. Depuis l’introduction de la peine pécuniaire, ce dernier est en effet à la baisse, tant pour l’ensemble des sanctionnés que pour ceux libérés de prison.
Ce constat positif ne doit pas faire oublier qu’il y a bien des aspects qui méritent attention: d’abord le fait qu’une forte majorité de courtes peines privatives de liberté est prononcée sans sursis; que les autorités de jugement persistent à refuser les nouvelles formes de sanctions et les nouveaux modes d’exécution des peines aux étrangers, particulièrement à ceux sans lieu de résidence en Suisse; qu’on pratique un usage intensif de la détention provisoire et recouvre cette détention avec une peine privative de liberté. Tant les aspects positifs que les aspects négatifs des révisions du droit des sanctions et des politiques criminelles mériteraient des évaluations scientifiques en profondeur, sur le plan national et sur celui de la comparaison entre cantons. Le monitorage des pratiques des sanctions et de la détention s’impose d’autant plus que les données sont aujourd’hui largement disponibles auprès des statisticiens fédéraux. y
Des révisions par étapes, de 2007 à 2018: deux pas en avant, un pas en arrière
La révision du Code pénal a été lancée au début des années 1980. Approuvée en 2002, elle a été mise en œuvre en 2007. Elle a introduit la peine pécuniaire pour les infractions de faible et de moyenne gravité. Elle a en même temps renforcé les mesures, comme modalité de sanction, afin de rassurer une partie de la population éprouvant un sentiment d’insécurité.
La révision a introduit de nouvelles sanctions et modalités d’exécution. De deux, respectivement trois types de sanction (amende, peine privative de liberté – avec et sans sursis), on passait à quatre, voire à dix formes (peine pécuniaire, peine privative de liberté, travail d’intérêt général, tous avec, sans ou sursis partiel, à côté de l’amende pour les contraventions). La plus importante innovation résidait dans l’introduction du système des jours-amende et de la peine pécuniaire avec sursis. La peine pécuniaire ne pouvait excéder 360 jours-amende, le travail d’intérêt général 180 jours-amende. Les peines privatives de liberté pouvaient être prononcées de six mois à vingt ans.
La révision de la révision du droit des sanctions a été préparée dès 2010. Il s’agissait de revenir à l’ancien système de la peine privative de liberté, tout en maintenant la peine pécuniaire sans sursis jusqu’à 180 jours-amende. Le Message du Conseil fédéral a été approuvé en avril 2012, alors que les Chambres fédérales se sont prononcées en juin 2015. Entre ces deux dates, des négociations ont eu lieu en commission d’abord, aux Chambres ensuite, permettant de préserver des acquis importants de la réforme de 2007. Les changements sont entrés en vigueur le 1er janvier 2018.
La peine pécuniaire garde la priorité sur la peine privative de liberté et elle pourra toujours être prononcée avec sursis. De courtes peines privatives de liberté pourront de nouveau être prononcées si cela «paraît justifié pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits» (art. 41 CP). Ces dernières peuvent également être imposées avec sursis. Dans tous les cas, l’autorité de jugement doit «motiver le choix de la peine privative de liberté de manière circonstanciée» (idem). La durée de la peine pécuniaire a été réduite à un maximum de 180 jours-amende. Le travail d’intérêt général devient de nouveau une modalité d’exécution de peines privatives de liberté sans sursis. De plus, la modalité d’exécution de ces peines sous contrôle électronique («bracelet électronique») est introduite sur le plan fédéral; elle pourra se substituer à une courte peine privative de liberté ou à une partie d’une longue peine.
1Chargé de cours en statistique de la criminalité et politique criminelle aux Universités de Lausanne et de Lucerne. Ancien chef de la Section criminalité et droit pénal à l’Office fédéral de la statistique (OFS). Il a été membre du groupe d’accompagnement du projet d’évaluation de la révision du droit des sanctions, dirigé par l’Office fédéral de la justice. Auteur, entre autres, de «Le compte du crime – Kriminalstatistik» (Berne, Stämpfli, 2016) et de «La prison en Suisse. Un état des lieux» (Lausanne, PPUR, 2017).
2Exception faite de quelques brèves indications, les dispositions relatives aux sanctions ne seront pas traitées pour elles-mêmes. Elles sont résumées dans mon ouvrage La prison en Suisse. Un état des lieux. Lausanne, PPUR, 2017.
3Les données relatives aux condamnations pénales 2017 ne seront pas publiées avant la fin du printemps 2018. Pour la beauté de l’article et à la faveur de la méthode prospective, les tendances ici décrites vont jusqu’en 2017 en prolongeant tout simplement les séries statistiques observables entre 2007 et 2016. La vérification de la justesse des tendances pronostiquées s’avérera un exercice nécessaire. Là où nous parlons de l’avenir, il s’agit d’appréciations basées sur les tendances passées en tenant compte de possibles facteurs d’influence.
4Malheureusement, l’OFS ne publie pas la durée de peine qui doit être exécutée, sous forme de catégories de durée ou de durée moyenne et médiane.
5Les statuts de la Société de droit pénal international, fondée en 1889, comprenaient l’article suivant: «La Société considère cependant le remplacement de la courte peine privative de liberté par d’autres moyens punitifs de même efficacité comme possible et souhaitable.» in U. Germann, Kampf dem Verbrechen, Zürich, 2014, p. 65 (notre traduction).
6A côté d’un grand nombre de recherches réalisées à l’étranger (F. Streng, Die Wirksamkeit strafrechtlicher Sanktionen – Zur Tragfähigkeit der Austauschbarkeitsthese, in F. Lösel et al., Kriminologie und wissensbasierte Kriminalpolitik, Mönchengladbach, 2007), voir pour la Suisse:
R. Storz, Strafrechtliche Verurteilung und Rückfallraten, Bern, BFS, 1997. S. Vaucher, Strassenverkehrsdelinquenz und Rückfall, Neuchâtel, BFS, 2000.
7Il prononce 33% de toutes les peines privatives de liberté de courte durée en Suisse.
8Lors des Etats généraux de la détention à Genève, le procureur général du canton a déclaré: «La petite délinquance (…) n’est sensible qu’à une seule et unique chose, c’est à la détention et à l’expulsion.» in Kleinkriminelle landen in Genf schneller im Gefängnis, DRS, Schweiz aktuell du 30.11.2017, 18 h 59.
9Il faut ici encore remarquer que bien des peines privatives de liberté sans sursis ne sont pas exécutées, les autorités estimant, voire espérant, qu’une sanction non exécutée exerce une pression suffisante pour forcer les étrangers non résidant à «s’expulser» du pays. Voir la prise de position du procureur général du canton de Vaud citée dans l’émission DRS Kontext, Strafen! Strafen! Strafen? du 25 septembre 2017.
10Pour plus de détails sur les pratiques de sanctionner dans le canton du Tessin, voir ma contribution à paraître, en italien, dans Dati statistiche et società 1/2018, mai/juin.
11On n’a pas assez de place pour démontrer, statistiques à l’appui, que si le taux de criminalité est plus élevé à Genève, ce n’est pas le cas pour le taux des prévenus.
12Champ-Dollon de nouveau épinglée par la justice, tdg, 19.04.2017; Bois-Mermet: 648 jours de détention dans des conditions «illicites», rfj, 4.12.2017.
13Depuis l’année de référence 2016, l’OFS ne publie plus les mesures stationnaires différenciées selon les art. 59 et 60 CP. Les indications se basent sur l’ancien tableau de l’OFS, no T19.3.3.2.1.4.1, daté 30.4.2016, publié en 2016.
14Voir le travail d’enquête de B.F. Brägger, Massnahmenvollzug an psychisch kranken Straftätern in der Schweiz: Eine kritische Auslegeordnung, Revue suisse de criminologie, 2014, No 1.
16Evaluation der Wirksamkeit des revidierten Allgemeinen Teils des Strafgesetzbuches. Schlussbericht vom 30. März 2012, Zürich, econcept, www.bj.admin.ch, document consulté le 28.11.2017.
17Pour un bref survol de l’histoire des statistiques de la récidive et de ses résultats en Suisse, voir D. Fink, Die statistische Beobachtung von Rückfall, 1900-2012, in Le compte du crime – Kriminalstatistik, Berne, 2016. Egalement D. Fink, Die Konstanz des Rückfalls, in D. Fink,
P. Schulthess, Strafrecht, Freiheitsentzug, Gefängnis, Berne, 2015. Pour une analyse de l’évolution récente, voir l’ouvrage de D. Fink: La prison en Suisse. Un état des lieux. Lausanne, 2017.
18Nouveau droit des sanctions et récidive pénale, Actualités OFS, Neuchâtel, 11.2011.
19Récidive non spécifique: l’infraction sanctionnée dans le jugement de référence n’est pas de même nature que l’infraction de la récidive.
20Pour une analyse plus détaillée de tous ces aspects, voir le chapitre sur la récidive in D. Fink, La prison en Suisse. Un état des lieux, Lausanne, 2017.