Le souk des données médicales
Sommaire
Plaidoyer 4/11
24.08.2011
Dernière mise à jour:
06.10.2013
Suzanne Pasquier
«Livrez-nous les données médicales détaillées de vos patients et nous participerons au financement de vos installations...» C'était, en substance, la proposition faite par la faîtière des assureurs à celle des hôpitaux, dans le cadre d'une négociation sur le financement hospitalier. Un marchandage qui a été dénoncé par Privatim, le groupement des commissaires suisses à la...
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Abonnement«Livrez-nous les données médicales détaillées de vos patients et nous participerons au financement de vos installations...» C'était, en substance, la proposition faite par la faîtière des assureurs à celle des hôpitaux, dans le cadre d'une négociation sur le financement hospitalier. Un marchandage qui a été dénoncé par Privatim, le groupement des commissaires suisses à la protection des données, au nom, justement, de la même protection des données... «Une transmission systématique et détaillée, lors de chaque facturation, des diagnostics et des indications sur le traitement violerait le principe de la proportionnalité», et compromettrait le secret médical, argumente Privatim. Le message a été reçu «cinq sur cinq» par la grande majorité des hôpitaux suisses, qui a rejeté la convention soumise à leur approbation. Du coup, c'est le Conseil fédéral qui tranchera par voie d'ordonnance, afin que le nouveau financement hospitalier puisse entrer en vigueur au 1er janvier 2012. Mais le Parlement avait d'ores et déjà fait savoir qu'il s'opposait à la transmission systématique des données médicales aux assureurs, suivant ainsi l'avis du Préposé fédéral à la protection des données. Dans un récent communiqué, celui-ci souligne que «l'Office fédéral de la santé publique doit accorder plus d'importance à la protection des données et aux droits des patients», tout en notant que, «pour qu'une solution adéquate puisse être trouvée, les questions concernant le financement et celles concernant la protection des données doivent être examinées et réglées séparément». Autrement dit: stop au marchandage! Les informations hautement sensibles ayant trait à la santé n'ont pas leur place dans un souk.
Mais comment, alors, contrôler la facturation et maîtriser ainsi
les coûts de la santé? Privatim et les milieux médicaux proposent leur solution depuis longtemps: pour vérifier par sondages que les hôpitaux ne s'en mettent pas plein les poches en prodiguant des traitements superflus, il suffit de se pencher sur les informations médicales détaillées des patients... sans livrer l'identité de ces derniers. Ces contrôles sur des dossiers anonymisés permettent de savoir si tel ou tel hôpital est plus cher qu'un autre. Les assureurs, en majorité, refusent cette méthode. Ce sont les mêmes qui sont parfois pris en flagrant délit d'avoir utilisé les informations médicales de l'assurance de base pour leur activité dans le domaine des complémentaires...
Le marchandage digne d'un souk, les assurés y sont aussi confrontés directement, par exemple lorsqu'ils sont en arrêt de travail et présentent une demande d'indemnités journalières. Avant de toucher quoi que ce soit, ils sont souvent priés d'autoriser leur assurance à solliciter des informations sensibles auprès de toute une série d'acteurs de la santé et des assurances, mais aussi de l'employeur, et même parfois «d'autres tiers» non spécifiés! Encore un effort, et les assureurs se transformeront vraiment en paparazzis...