L’annonce des chiffres annuels de l’assurance-invalidité se passe rarement sans remous. Ce fut de nouveau le cas en mai 2015, après la publication du communiqué de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Certains médias ont fait leurs titres sur les cas d’abus, alors qu’ils ne sont que 540 pour un total de plus de 225 000 rentes en cours. Quelques uns ont assimilé ces abus à de la fraude, et même à de l’escroquerie, alors que l’OFAS avait évité ces termes. La réaction ne s’est pas fait attendre du côté des milieux de la défense des assurés, qui ont dénoncé les amalgames, mais aussi la manière de l’OFAS d’informer le public.
En 2014 déjà, le conseiller national Christian Lohr avait réclamé, dans une interpellation, «une communication plus objective dans le domaine de l’AI». Il estimait que «l’OFAS use, dans ses communiqués, d’un langage qui conforte le sentiment de défiance généralisé du public et alimente les préjugés à l’égard des bénéficiaires de prestations de l’AI». Le politicien dénonçait l’usage du terme «abus», que le grand public ne distingue pas, selon lui, de celui de «fraude». Mais, surtout, il mettait en évidence que cette notion comprenait également les cas où l’erreur dans l’octroi d’une rente était due à un Office AI.
Il faut malheureusement constater que la confusion subsiste dans l’information donnée en mai 2015. Les autorités évitent, certes, de titrer sur les abus, incluant cet aspect dans une information générale sur les données de l’AI. Mais elles ne précisent pas l’origine des abus, au nombre de 540 pour l’année 2014. Dans un document annexe intitulé «Lutte efficace contre les abus dans l’AI», on apprend qu’il ne s’agit pas toujours de fraude au sens juridique du terme, mais surtout de cas de violation de l’obligation de renseigner ou d’omissions non intentionnelles d’informations.
Cette annexe laisse entendre que ces erreurs sont le fait de l’assuré. Nulle mention qu’elles sont parfois commises par les Offices AI. Ceux-ci seraient-ils devenus irréprochables? Le service médias de l’OFAS, sollicité par plaidoyer, livre des informations contradictoires: on nous répond dans un premier temps que «la notion d’abus comprend toutes les prestations qui ne sont pas conformes à la loi. Il peut s’agir de cas où l’assuré s’est rendu punissable pénalement, mais aussi de cas où la prestation n’était pas due à cause d’un concours de différentes circonstances.» Mais s’ensuit une rectification, selon laquelle les 540 cas d’abus comptabilisés pour 2014 trouvent leur origine dans le comportement de la personne assurée.
Et qu’en est-il des prestations indues pour d’autres raisons? Impossible de le savoir. En 2007, une feuille d’information de l’OFAS précisait pourtant qu’elles sont parfois «décidées à tort par suite de certains défauts dans le système ou dans les procédures de décision ou parce que leur montant est trop élevé, sans que la personne assurée n’y soit pour rien».
Informer sur cette catégorie d’abus limiterait sans doute les amalgames. Et on n’ira pas jusqu’à exiger que l’OFAS fasse la liste des comportements critiquables des Offices AI, que dénoncent régulièrement les défenseurs des assurés: lenteur dans l’examen des dossiers, pressions sur les personnes atteintes dans leur santé ou encore soupçons de partialité adressés aux médecins traitants. Et, là, les assurés ne sont guère outillés pour traquer les abus et organiser leur communication.