Profitant du feu rouge, un chauffeur de taxi détache brièvement sa ceinture de sécurité pour attraper une carte de visite qu'il veut remettre à son passager. Il la rattache avant même que le feu ne passe au vert. Pour le Tribunal fédéral, ce comportement justifie une amende de 60 fr.
Cette décision (6B_5/2011 du 14 juillet 2011) a été considérée comme «pointilleuse et formaliste» par le jury du concours de l'«Arrêt le plus délirant», qui lui a attribué la première place après examen d'une sélection d'arrêts proposés par les lecteurs de plaidoyer. Le jury était composé de trois professeurs issus de plusieurs universités et spécialisés dans différents domaines du droit: Brigitte Tag, professeure de droit pénal, procédure pénale et droit médical à Zurich, Thomas Sutter-Somm, professeur de droit civil et de procédure civile à Bâle, et Bernhard Rütsche, professeur de droit public et de philosophie du droit à Lucerne.
Dans l'arrêt qui a remporté la palme, la Cour pénale du Tribunal fédéral soutient que la ceinture de sécurité doit être attachée pendant tout le trajet. Celui-ci comprend également les arrêts aux feux de signalisation entre le point de départ et l'arrivée. Thomas Sutter-Somm s'oppose à cet argument de manière pragmatique: «Rouge, c'est rouge.» Selon lui, les juges ont vraiment coupé les cheveux en quatre: «Le jugement ne tient pas debout tant sur le plan juridique qu'en se fondant sur le bon sens.» Pour sa part, Brigitte Tag trouve que la décision n'est pas si scandaleuse. Mais elle est d'accord avec ses collègues pour dire que le Tribunal fédéral «a tiré sur des moineaux avec un canon».
Mais ce qui dérange surtout le jury, c'est que le Tribunal fédéral a par le passé, pris une décision différente dans un cas semblable: il a en effet donné raison à un avocat, qui avait été surpris en train de lire au volant un journal posé sur ses genoux, dans une file de voitures à l'arrêt. Dans ce jugement de 2006, les juges ont soutenu que le degré d'attention requis par l'ordonnance sur la circulation routière (art. 3 al. 1) dépendait de l'ensemble des circonstances concrètes.
Dans le cas du chauffeur de taxi, cette jurisprudence ne serait toutefois pas applicable, selon le Tribunal fédéral, car l'obligation de mettre sa ceinture de sécurité ne représente pas une règle de circulation routière. Les juges constatent que «le fait de ne pas attacher sa ceinture ne met pas en danger la circulation, mais, en premier lieu, la propre personne du conducteur».
Pour Bernhard Rütsche, il est incompréhensible que le Tribunal fédéral applique des critères plus sévères à la simple mise en danger du chauffeur de taxi qu'à la mise en danger de tiers par l'avocat en train de lire le journal au volant. «L'appréciation du Tribunal fédéral n'est pas cohérente, estime le professeur lucernois. On ne peut pas subitement soutenir, dans l'affaire de la ceinture de sécurité, que les circonstances concrètes ne jouent plus aucun rôle et qu'une la mise en danger abstraite suffit.» Le jury est unanime: le TF a considéré différemment deux états de fait comparables sur la base d'une argumentation formaliste.
Parmi les autres candidats au concours
Une amende pour bruit excessif pendant la Streetparade
Un propriétaire de bar du Niederdorf à Zurich a écopé d'une amende parce qu'il faisait trop de bruit, alors même que la Streetparade battait son plein. Le Tribunal fédéral n'a pas admis l'inégalité de traitement arbitraire, car, contrairement aux organisateurs de la Streetparade, le propriétaire du bar n'avait pas obtenu d'autorisation spéciale.
(6B_40/2011 du 7 juin 2011)
Randonnée nue sanctionnée à raison
Celui qui randonne dans le plus simple appareil ne tombe pas sous le coup du Code pénal. Cependant, le Tribunal fédéral confirme la compétence cantonale (en l'occurrence Appenzell Rhodes-Extérieures) de prévoir une législation sanctionnant ce type de comportement par une contravention.
(6B_345/2011 du 17 novembre 2011)
Surveillance dans le domaine de l'AI
L'AI peut mandater un détective privé pour observer de l'extérieur une personne se trouvant sur son balcon privé ou dans son logement, lorsque l'incapacité de travail de cette personne n'est pas précisément établie par son dossier. Le Tribunal fédéral n'y voit qu'une atteinte minime au droit de la personnalité.
(8C_272/2011 du 11 novembre 2011)