Pour «choisir», il faut que différentes choses ou possibilités s'offrent à soi, disent en substance les dictionnaires de la langue française. Mais pour bon nombre de prestataires de services, «choisir» entre plusieurs options nécessite d'aller lire des conditions générales interminables ou, sur internet, de cliquer sur des menus déroulants bien dissimulés à l'œil de l'internaute moyen. Sans cela, c'est un produit ou un service «type» qui est imposé par défaut, avec des caractéristiques pas toujours intéressantes pour le client. Par exemple, Facebook vous permet de «choisir» de rendre certaines informations confidentielles, mais, si vous n'allez pas modifier les paramètres vous-même, un nombre impressionnant de données vous concernant seront accessibles à tout un chacun.
Sur internet on développe, de ce fait, un art consommé du «cochage» et du «décochage», qui s'ajoute aux réflexes affûtés depuis de nombreuses années pour ne pas tomber dans le piège de conditions générales abusives sur papier. Ainsi, les consommateurs avertis ont peu à peu compris qu'une «vérification de votre inscription» dans un annuaire n'implique pas qu'on y soit préalablement inscrit et qu'il peut s'agir d'une offre entièrement nouvelle. Ils ont également dû s'habituer au fait que le prix total d'une telle offre peut figurer en très petits caractères au bas d'un formulaire, de même que la durée du contrat et le renouvellement automatique d'année en année. En première instance, des juges ont à plusieurs reprises cautionné ce type de pratiques, dont le caractère abusif était pourtant patent. Mais, alors qu'on n'y croyait plus, le Tribunal fédéral vient de tordre le cou aux méthodes abusives de certains annuaires, pour violation de la loi contre la concurrence déloyale1. Une loi qui a entre-temps changé et impose la mention des éléments essentiels du contrat «en grands caractères, à un endroit bien visible et dans un langage compréhensible». Comme quoi le législateur est parfois contraint d'appeler «un chat un chat»...
Les clauses abusives et insolites font des victimes également dans le domaine des assurances. Ainsi, un dentiste tombé en dépression a encaissé un coup supplémentaire en découvrant que sa compagnie lui réduisait ses indemnités journalières de moitié au bout de six mois: une clause appliquée à tout assuré souffrant d'une maladie psychique. Il a trouvé la force d'aller au tribunal, qui a bien considéré la clause comme insolite, mais a estimé que, par sa profession, le recourant aurait dû suspecter le problème et le repérer dans la longue liste des conditions générales. Pugnace, notre dentiste a finalement obtenu gain de cause au Tribunal fédéral2: si un dentiste est bel et bien confronté à des questions liées à la santé, cela n'est pas propre à développer chez lui un flair particulier pour détecter d'inhabituelles conditions générales d'assurance.
En somme, les tribunaux reconnaissent aussi parfois que, pour faire un choix éclairé, l'assuré et le consommateur doivent disposer d'un minimum d'informations sur les différentes options. Comme les dictionnaires de la langue française, en fin de compte.
1Arrêt 4A_11/2012 du 29 juin 2012
2Arrêt 4A_24/2012 du 30 mai 2012