Lorsque le curateur agit au nom de la personne concernée, il doit requérir le consentement de l’APA1 pour les actes énumérés aux chiffres 1 à 9 de l’alinéa 1 de l’art. 416 CC2. L’APA compétente pour donner son consentement est celle chargée de l’exécution de la mesure3.
Il peut être consenti à bon nombre de ces actes sans que cela ne cause de retards et sans controverse particulière. C’est pourquoi cette contribution se penchera sur les deux cas les plus délicats en pratique, soit le consentement en matière successorale (art. 416 al. 1 ch. 3 CC) et celui pour les actes allant au-delà de l’administration ordinaire (art. 416 al. 1 ch. 5 CC)4.
En parallèle du régime de consentement prévu par le CC, l’OGPCT5 règle le placement et la préservation des biens qui sont gérés dans le cadre d’une tutelle ou d’une curatelle (art. 1). Des normes détaillées ont ainsi été édictées pour encadrer la gestion des biens des personnes fragilisées; celles-là prévoient aussi que l’APA donne son consentement dans certaines hypothèses. Il s’agira donc de passer en revue ces différents cas de figure.
S’agissant de la nature du consentement et de l’examen auquel doit se plier l’APA, il est ici renvoyé à la jurisprudence et à la doctrine en la matière6, la présente contribution se voulant essentiellement comme un aperçu de la pratique judiciaire. Relevons encore que le Tribunal cantonal vaudois a édicté une circulaire n° 7 du 10 décembre 2012 qui énumère les documents et les pièces que le curateur doit fournir lorsqu’il requiert le consentement de l’APA.
1. L’art. 416 CC
1.1. Champ d’application
En préambule, relevons que le consentement au sens de l’art. 416 CC n’est nécessaire que lorsque le curateur agit au nom de la personne concernée selon le texte légal. Ainsi, cette disposition ne s’applique pas à la curatelle d’accompagnement (art. 393 CC) en vertu de laquelle le curateur n’a aucun pouvoir de représentation. Il en va de même lorsque l’acte considéré n’entre pas dans les tâches confiées au curateur de représentation (art. 394 CC) dans la mesure où il ne peut pas agir au nom de la personne concernée, de sorte qu’il n’a pas à demander un consentement pour un acte qu’il n’est pas habilité à faire. L’APA peut soumettre d’autres actes à son consentement que ceux énumérés à l’art. 416 CC (art. 417 CC).
Le consentement de l’APA n’est pas nécessaire si la personne protégée est capable de discernement, que l’exercice de ses droits civils n’est pas restreint par la curatelle pour l’acte en cause et si elle donne son accord (art. 416 al. 2 CC). Il s’agit de trois conditions cumulatives: si une seule fait défaut, le consentement de l’APA est obligatoire pour emporter la validité de l’acte du curateur. Ainsi, lorsque la personne est au bénéfice d’une curatelle de portée générale (art. 398 CC) – qui la prive ex lege de l’exercice de tous ses droits civils7 – le consentement sera nécessaire, quand bien même elle serait d’accord avec l’acte du curateur et capable de discernement. Aussi, lorsqu’une personne est au bénéfice d’une curatelle de représentation et de gestion sans restriction de ses droits civils, mais qu’elle est incapable de discernement pour l’acte concerné, le consentement sera nécessaire.
Le fait que des affaires déterminées soient soumises à la condition du consentement de l’autorité de protection selon l’art. 416 al. 1 CC ne change rien au pouvoir de représentation délégué, qui se trouve toutefois limité par la condition (suspensive) du consentement de l’autorité (art. 418 CC). Ce consentement permet à l’acte de déployer des effets juridiques, mais ne guérit pas les vices dont il pourrait éventuellement être entaché8.
Rappelons encore, sommairement, que les actes passés entre une personne et son curateur nécessitent le consentement de l’APA, quel que soit le type d’acte, sauf s’il s’agit d’un mandat donné à titre gratuit (art. 416 al. 3 CC). Les affaires pour lesquelles une représentation par le curateur est exclue ne peuvent pas être validées par un consentement qui serait donné par l’autorité, dans le but, par exemple,
de contourner les interdictions de l’art. 412 al. 1 CC9.
1.2. L’art. 416 al. 1 ch. 3 CC
1.2.1. L’acceptation ou la répudiation d’une succession
Ce n’est que lorsqu’une déclaration expresse est nécessaire10 que le consentement de l’APA doit être requis. Autrement dit, dans tous les cas où la détermination de la personne a lieu tacitement en vertu du droit des successions, l’APA n’a pas à intervenir11.
A teneur de l’art. 566 al. 2 CC par exemple, lorsqu’une succession apparaît notoirement insolvable, elle est censée être répudiée par tous les héritiers. Ce n’est que si l’héritier, ou son curateur, désire néanmoins accepter la succession, c’est-à-dire renverser la présomption légale, qu’une déclaration expresse est nécessaire. Dans ce contexte, le curateur devra expressément solliciter le consentement de l’APA.
A l’inverse, lorsque la succession est solvable et que la personne concernée est héritière légale ou instituée, ce n’est que si elle fait une déclaration de répudiation qu’elle perd sa vocation successorale; son silence est en effet présumé valoir acceptation tacite de la succession conformément aux principes de l’art. 560 CC. Dans cette hypothèse, si le curateur souhaite répudier une succession pourtant active, il doit le faire expressément et requérir le consentement de l’APA. A l’inverse, s’il ne réagit pas dans le délai de l’art. 560 CC et dès lors accepte tacitement la succession, il n’a pas à demander le consentement de l’APA. S’il souhaite accepter expressément une succession active, le consentement de l’APA n’est, à mon sens, pas nécessaire, quand bien même cela revient à réduire le délai de détermination de trois mois de la personne concernée, car un tel acte est dans l’intérêt de cette dernière12.
Le problème central est bien entendu celui de la détermination des forces de la succession. En pratique, le juge de la dévolution n’est tenu de dresser d’office un inventaire13 que dans l’hypothèse où l’héritier est placé sous curatelle de portée générale ou doit l’être (art. 553 al. 1 ch. 4 CC). Dans les autres cas, le curateur, de même que l’APA, peut requérir du juge successoral qu’un inventaire soit dressé (art. 553 al. 1 ch. 3 CC). A la lumière de cet inventaire, le curateur sera ainsi plus à même de déterminer ce qui est dans l’intérêt de la personne concernée: accepter ou répudier. Dans certaines situations, notamment lorsque le de cujus détenait un patrimoine complexe (entreprise, immeubles, biens à l’étranger, etc.), on conseillera toutefois au curateur de demander l’ouverture d’une procédure de bénéfice d’inventaire (art. 580 ss CC)14, laquelle a l’avantage de ne faire supporter à la personne concernée que les dettes du défunt constatées officiellement (art. 589 CC). Une fois l’inventaire dressé, le curateur doit prendre parti au nom de la personne. De nouveau, ce n’est qu’en cas d’acceptation d’une succession insolvable ou de répudiation d’une succession solvable que le consentement de l’APA est nécessaire.
1.2.2. Conclure ou résilier un pacte successoral
L’art. 416 al. 1 ch. 3 CC prévoit que le consentement de l’APA est nécessaire pour conclure ou résilier un pacte successoral. Ce cas est en réalité très rare, car, si la personne concernée n’est pas d’accord de conclure ou de résilier un pacte successoral, on voit mal que le curateur l’y oblige. S’il le fait, on peut sérieusement douter que l’officier public dont le concours est nécessaire pour dresser un tel acte authentique accepte de l’instrumenter. De même, si la personne est incapable de discernement, on voit mal qu’un officier public puisse accepter d’instrumenter un tel acte authentique dans ces circonstances.
1.2.3. Conclure un contrat de partage successoral
L’art. 416 al. 1 ch. 3 CC prévoit encore que le consentement de l’APA est nécessaire pour conclure un contrat de partage successoral. Cette situation, beaucoup plus fréquente en pratique, est en général réglée de deux manières: soit la succession est relativement simple et le curateur peut aisément entrer en contact avec les autres héritiers, soit la succession s’avère complexe et, dans ce cas, l’APA désignera souvent un substitut au curateur (art. 403 CC) en la personne d’un avocat ou d’un notaire. Dans cette dernière hypothèse, le partage successoral fera l’objet d’une attention particulière par un homme de loi spécialisé, de sorte que la pratique ne donne que très peu de cas problématiques.
Il faut ici relever que l’action en partage ne tombe pas sous le coup de l’art. 416 al. 1 ch. 3 CC, mais de l’art. 416 al. 1 ch. 9 CC, qui prévoit que le curateur doit obtenir le consentement de l’APA s’il entend ester en justice. Dans la pratique, si c’est un curateur substitut qui a été désigné pour procéder au partage, bien souvent l’APA lui aura donné le pouvoir d’ester en justice directement dans la décision qui le désigne, dans l’hypothèse où il ne parviendrait pas à la signature d’un contrat de partage consensuel entre tous les héritiers.
1.3. L’art. 416 al. 1 ch. 5 CC
Le pouvoir de gestion qui est confié au curateur en application des art. 395 ou 398 CC peut porter sur tout ou partie des revenus ou de la fortune, sur l’ensemble des biens et sur l’épargne de la personne concernée. A ce titre, il a la possibilité d’engager financièrement la personne sous curatelle, dans les limites prévues à l’art. 408 al. 1 et 2 CC. Afin de contrôler toutefois l’impact de cette gestion, le législateur a prévu la cautèle de l’art. 416 al. 1 ch. 5 CC qui impose à l’APA de donner son consentement au curateur qui souhaite acquérir, aliéner ou mettre en gage d’autres biens, ou les grever d’usufruit si ces actes vont au-delà de l’administration ou de l’exploitation ordinaires. Reste à définir ce qu’on entend par là.
S’agissant de la notion d’administration ordinaire, il faut se référer à celle qui prévaut dans le cadre de la communauté de biens de l’art. 227 CC15. Relèvent ainsi de l’administration ordinaire les actes qui, selon le cours ordinaire des choses, apparaissent à la fois nécessaires et adéquats et n’entraînent pas de frais particuliers16. La définition dépend donc essentiellement de la situation financière de la personne concernée. Le critère principal n’est pas tant l’importance de l’acte envisagé, mais plutôt l’impact financier qu’il représente par rapport à la situation globale de la personne. Ainsi, lorsque cette dernière est dans une situation précaire, une dépense de l’ordre d’un millier de francs peut déjà dépasser la notion d’administration ordinaire. A l’inverse, si la situation financière est très confortable, une dépense de plusieurs milliers de francs pourrait ne pas tomber sous le coup du consentement nécessaire de l’APA.
Au-delà ce critère purement patrimonial, l’APA doit aussi examiner la pertinence et l’opportunité de l’acte considéré en faisant une pesée d’intérêts entre la dépense consentie et le bénéfice pour la personne concernée. L’exemple le plus fréquent en pratique est celui de frais médicaux non remboursés par une assurance sociale, mais qui sont indispensables à la personne pour sa santé et/ou sa dignité17. Dans ce cas, l’APA devrait, à mon sens, accorder son consentement de manière large, quand bien même la dépense en question pourrait réduire à néant les économies de la personne. A l’inverse, l’achat d’un bien somptuaire pour des simples questions de confort18 ne saurait être admis si cela impacte grandement les économies.
2. L’OGPCT
2.1. Champ d’application
En complément aux règles prévues par l’art. 416 CC que l’on vient de voir, l’art. 408 al. 3 CC donne la compétence au Conseil fédéral d’édicter les dispositions relatives au placement et à la préservation des biens de la personne concernée. C’est ainsi que l’OGPCT du 4 juillet 2012 est entrée en vigueur au 1er janvier 201319. Le principe général découlant de cette ordonnance est celui du placement sûr et, si possible, rentable des biens, avec une minimisation des risques par une diversification adéquate (art. 2 OGPCT).
Les rapports entre l’art. 416 CC et l’OGPCT font l’objet de débats doctrinaux auxquels le lecteur est ici renvoyé20. En substance, il faut retenir ce qui suit: les actes énumérés à l’art. 416 CC sont soumis au régime de consentement du CC, ceux énumérés dans l’OGPCT au régime d’autorisation prévu par cette ordonnance. Je n’imagine en effet, pas en pratique, qu’un placement tombant sous le coup de l’art. 6 al. 1 let. f OGPCT ne soit pas soumis à autorisation de l’APA en vertu de l’ordonnance (art. 6 al. 2 OGPCT), mais soit soumis à son consentement au sens de l’art. 416 al. 1 ch. 5 CC. Le CC prévoit en effet un régime de consentement, alors que l’OGPCT prévoit des règles de gestion qui lui sont propres. Ainsi, le but de ces règles doit être distingué et la simplicité procédurale pour le curateur doit impérativement être de mise.
On peut également se demander si les conditions d’exclusion du consentement de l’APA au sens de l’art. 416 al. 2 CC devraient trouver application dans le cadre de l’OGPCT. A mon sens, la réponse est négative, et ce pour deux raisons21. D’un point de vue formel, la compétence déléguée par l’art. 408 al. 3 CC est, dans la systématique du CC, placée avec les règles de gestion, et non avec les règles relatives aux cas de consentement aux actes du curateur. En outre, l’OGPCT prévoit expressément les cas dans lesquels le consentement de l’APA est nécessaire22, de sorte qu’elle s’éloigne de la règle prévue à l’art. 416 al. 2 CC. D’un point de vue matériel, je suis d’avis que la personne concernée, donc fragilisée, doit être particulièrement protégée lorsqu’il s’agit de ses besoins financiers. Les pouvoirs donnés au curateur sont en effet larges et la surveillance que peut opérer l’APA, en vertu de l’OGPCT, ne doit pas, à mon sens, être cantonnée uniquement aux cas d’absence de discernement, d’exercice des droits civils ou d’accord de la personne.
2.2. Nature
La notion de sécurité du placement doit être comprise dans le sens qu’elle postule l’individualité des placements ainsi que leur diversification, les biens devant être répartis dans des placements aussi différents que possible afin d’optimiser le rapport entre rendement et risques pour l’ensemble du patrimoine (art. 5 ss OGPCT). Lors du placement initial de biens d’une certaine importance ou de la conversion du placement de ces biens (art. 8 OGPCT), il convient ainsi d’opter pour une large répartition des risques23. Plus les biens sont conséquents et mieux est assuré l’entretien d’une personne à long terme compte tenu de son espérance de vie, plus il est loisible à la personne chargée de la gestion du patrimoine de s’écarter d’un mode de placement généralement considéré comme sûr pour investir une partie au moins dans des secteurs plus risqués où les placements ont cependant un revenu supérieur24.
Le curateur doit ainsi se laisser guider au premier chef par les besoins concrets de la personne. Par principe, le curateur doit adopter une approche globale tenant compte d’éléments comme l’âge de la personne protégée, de son état de santé, du coût de ses besoins courants, de ses dépenses extraordinaires prévisibles (uniques ou répétées), de ses expectatives éventuelles d’un droit, de la couverture des risques par ses assurances sociales et privées, de sa propension putative au placement et, quant aux biens à gérer, en fonction du montant, de la date et de la durée du placement et du risque d’inflation. De même, la planification des besoins de liquidités constitue un moyen d’assurer la sécurité des placements, les biens devant être répartis entre placements à court, à moyen et à long terme25.
2.3. Les types de placement
L’OGPCT distingue deux types de placements: ceux destinés à couvrir les besoins courants de la personne (art. 6 OGPCT) et ceux visant à couvrir les dépenses excédant les besoins courants (art. 7 OGPCT). Les placements énumérés à l’art. 6 OGPCT doivent être sûrs du point de vue économique et de nature conservatoire. Les placements énumérés à l’art. 7 OGPCT, autorisés en complément des placements visés à l’art. 6 OGPCT et, si la situation personnelle de la personne le permet, peuvent être à risque plus élevé (Guide pratique COPMA 2012, n. 7.38, p. 215; Häfeli, CommFam, n. 16 ad art. 408 CC, p. 547).
Dans la pratique, il n’est pas souvent aisé de déterminer si la proposition de placement faite par un établissement bancaire au curateur est conforme aux dispositions de l’OGPCT. S’il ne faut pas perdre de vue la finalité de protection contenue dans l’OGPCT, cela ne doit pas avoir pour conséquence de transformer les autorités de protection en gestionnaires de fortune26. Ainsi, des attestations ciblées de conformité établies par les banques sont admissibles27. Il sied toutefois de préciser que, si l’autorité peut en principe s’y fier, elle n’est cependant pas liée par ces attestations si d’autres éléments lui permettent de retenir le contraire.
2.4. Les placements pour la couverture des besoins courants
2.4.1. Notion
Aux termes de l’art. 6 OGPCT, seuls les placements énumérés aux lettres a à f de l’alinéa 1 sont autorisés pour les biens destinés à couvrir les besoins courants de la personne. La clef de voûte de cette disposition légale réside donc dans la définition des besoins courants, que l’OGPCT ne définit pas.
Dans une directive validée le 5 mars 2014 par la Commission d’examen des fonds de la personne protégée, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant de la République et Canton de Genève a défini un mode de calcul de la couverture des besoins courants en multipliant le déficit budgétaire annuel par l’espérance de vie (plafonnée à dix ans).
Bien que cette méthode de calcul présente des avantages, d’autres méthodes peuvent également être admises28. Dans un arrêt récent29, le Tribunal cantonal vaudois a estimé, vu l’âge de la personne30, que le maintien d’une fortune en espèces servant à couvrir seulement cinq années du déficit budgétaire annuel était admissible, pour autant que la fortune placée puisse être aisément convertie en espèces, en cas d’imprévu.
2.4.2. Le consentement de l’APA
Les placements au sens de l’al. 1, let. a, b, c et f, ne requièrent pas l’accord de l’APA. A l’inverse, les placements au sens de l’art. 6 al. 1 let. d et e OGPCT requièrent ce consentement (art. 6 al. 2 OGPCT).
2.5. Les placements pour dépenses supplémentaires
Aux termes de l’art. 7 al. 1 OGPCT, si la situation personnelle le permet, d’autres types placements sont autorisés pour les biens destinés à couvrir les dépenses excédant les besoins courants, en complément des placements visés à l’art. 6. En pratique, cela signifie que, si les besoins courants de la personne sont assurés par ses revenus ou le placement de sa fortune conformément à l’art. 6 OGPCT, alors le surplus de fortune peut être placé conformément à l’art. 7.
Les placements énumérés à l’art. 7 al. 1 OGPCT requièrent tous l’accord de l’APA (al. 2).
2.6. La situation financière particulièrement favorable
Si la situation financière de la personne est particulièrement favorable, l’APA peut autoriser d’autres placements (art. 7 al. 3 OGPCT). L’existence d’une situation particulièrement favorable se détermine sur la base de l’importance de la fortune comme des besoins résultant du budget de la personne. La doctrine considère que bénéficie d’une situation particulièrement favorable la personne dont la fortune s’élève entre 2 et 5 millions de francs, en fonction de sa composition et des besoins de la personne31. L’existence d’une situation particulièrement favorable ne signifie cependant pas que toutes les formes de placements doivent être admises. En particulier les placements dans des hedge funds, des COSI (Collateral Secure Instruments) ou des CFD (Contracts for difference) sont prohibés32.
Le consentement de l’APA est toujours nécessaire dans ce cas.
2.7. Exemple chiffré
Angela Poisse33, qui a 48 ans, a des revenus de son travail qui ne couvrent pas entièrement ses charges: son déficit budgétaire annuel est de 30 000 francs. Elle bénéficie cependant d’une importante fortune familiale héritée d’un oncle décédé aux USA, de 3 millions de francs. Son curateur peut, dans ce cas, placer sa fortune de la manière suivante:
a.
Besoins courants calculés sur dix ans, vu l’âge d’Angela, soit 300 000 francs placés conformément à l’art. 6 OGPCT.
b.
Besoins supplémentaires, 1 700 000 de francs (soit le solde pour arriver à la limite doctrinale de 2 000 000 francs), placés conformément à l’art. 7 al. 1 OGPCT.
c.
Le solde de 1 000 000 de francs à placer conformément à l’art. 7 al. 3 OGPCT.
2.8. L’art. 8 OGPCT
Les placements déjà souscrits avant la nomination du curateur ou avant l’entrée en vigueur de l’OGPCT doivent être convertis en placements conformes aux art. 6 et 7 OGPCT, en tenant compte de l’évolution de l’économie, de la situation personnelle de la personne et, si possible, de la volonté de cette dernière, un placement non conforme qui revêt une valeur particulière pour elle ou pour sa famille pouvant être conservé si les besoins courants sont couverts et avec l’accord de l’autorité de protection (art. 8 al. 2 et 3 ainsi que art. 12 OGPCT). y
*
Justice de paix du district de Lausanne.
1
L’autorité de protection de l’adulte.
2
Code civil suisse.
3
Biderbost, CommFam, Protection de l’adulte, Berne 2013, n. 39 ad art. 416 CC.
4
Pour un aperçu détaillé de la question, cf. Meier, La gestion du patrimoine des personnes sous curatelle, RMA 2014 p. 394 [cité ci-après:
Meier, RMA 2014]
5
Ordonnance fédérale sur la gestion du patrimoine dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle du 4 juillet 2012 [RS 211.223.11]
6
Meier, Le consentement des autorités de tutelle aux actes du tuteur, thèse Fribourg 1994, pp. 133 à 147; Biderbost, op. cit., nn. 43 et 44 ad art. 416 CC; Vogel, Basler Kommentar, Erwachsenenschutz, 2012, n. 44 à 46 ad art. 416/417 CC.
7
En vertu de l’art. 398 al. 3 CC.
8
Biderbost, op. cit., n. 4 ad art. 416 CC.
9
Arrêt du 31 janvier 2017 de la Cour de protection de l’enfant et de l’adulte du Tribunal cantonal fribourgeois, n°106 2016 123.
10
Selon le texte légal de l’art. 416 al. 1 ch. 3 CC.
11
Pour un exposé détaillé des différents cas de figure, cf. Meier, Acquisition de la succession et protection du majeur incapable, in: Une empreinte sur le Code Civil, Mélanges en l’honneur de Paul-Henri Steinauer, 2013, pp. 387 à 401 [cité ci-après: Meier, Mélanges].
12
Contra: Meier, Mélanges, p. 392 et les références citées.
13
Dit «civil» ou «conservatoire».
14
Dans ce sens: Meier, Mélanges, pp. 392-393, qui semble conseiller toutefois de requérir le bénéfice d’inventaire de manière systématique en cas de curatelle d’un héritier, ce qui me paraît disproportionné pour bon nombre de situations successorales simples.
15
Message du CF du 28 juin 2006 concernant la révision du Code civil suisse [Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation], FF 2006 pp. 6635 ss, spéc. p. 6690; Biderbost, op. cit., n. 31 ad art. 416 CC, p. 598.
16
Guide pratique COPMA, n. 7.49, p. 220.
17
On pense notamment à une prothèse dentaire, à des lunettes de vue, à des supports orthopédiques, à un lit électrique, etc.
18
On pense notamment à une voiture, à un grand voyage,
à une montre de luxe, etc.
19
Relevons ici que l’OGPCT s’applique aussi à la gestion des biens des mineurs placés sous tutelle au sens de l’art. 327a CC.
20
Résumé de la controverse au JT 2016 III 3; voir aussi Meier, RMA 2014, n. 33 et les références citées.
21
Dans ce sens: Meier, RMA 2014, n. 33.
22
Par ex. art. 6 al. 2, 7 al. 2 et 3, 8 al. 3 et 9 al. 1 OGPCT.
23
Conseil fédéral, Rapport explicatif sur le projet de l’OGPCT, novembre 2011, ad art. 2 OGPCT, 2e paragraphe.
24
Rapport explicatif précité, ad art. 6 OGPCT.
25
Rapport explicatif précité, ad art. 5 OGPCT.
26
Dörflinger, Zusammenarbeit zwischen KESB und den Banken – Art. 9 der Verordnung über die Vermitigensverwaltung (VBVV), RMA 2013, pp. 353 ss, spéc. p. 361.
27
Pour plus de détails sur les devoirs des établissements bancaires, cf. Meier, RMA 2014, n. 34, p. 22.
28
Cf. notamment Arrêt de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal vaudois (CCUR) du 5 novembre 2015/268 c. 2c.
29
CCUR du 27 novembre 2018/222, c. 3.2.
30
87 ans en l’espèce.
31
Stupp/Bachmann, Erwachsenenschutzrecht, Einführung und Kommentar zu Art. 360 ff. ZGB und VBVV, 2e éd., Bâle 2015, n. 34 ad art. 7 OGPCT, p. 658.
32
Stupp/Bachmann, op. cit., n. 35 s. ad art. 7 OGPCT, p. 658.
33
Nom fictif.