En 1999, le Conseil fédéral a autorisé l'exécution de peines privatives de liberté sous forme de surveillance électronique à titre d'essai dans les cantons de Berne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Tessin, Vaud et Genève, et, en 2003, dans le canton de Soleure. En 2009, il a prolongé les autorisations accordées aux cantons mentionnés jusqu'en 2015, sauf si une base légale définitive voit le jour auparavant. Dans son avant-projet de révision du droit des sanctions, le Conseil fédéral propose d'introduire la surveillance électronique dans toute la Suisse.
Dans le cadre de l'essai mené par ces sept cantons, ce mode alternatif d'exécution est réservé aux peines allant de 20 jours à 12 mois ainsi que pour l'achèvement (au maximum les 12 derniers mois) d'une peine de longue durée. Il est par ailleurs assorti d'un certain nombre de conditions.
• Le condamné doit disposer d'un logement fixe et d'un téléphone.
• Il doit exercer une activité professionnelle ou une autre occupation régulière ou alors suivre une formation.
• Les personnes vivant avec lui doivent approuver la mesure.
• Il doit lui-même accepter le plan d'exécution de la peine.
Par ailleurs, l'encadrement de la personne en arrêts domiciliaires doit être assuré par le canton concerné, de même que le financement de la mesure.
Echos positifs
La procédure de consultation sur l'avant-projet du Conseil fédéral a été rendue publique le 12 octobre dernier. Les participants se sont montrés majoritairement favorables à la surveillance électronique, pour diverses raisons: les expériences menées dans les sept cantons pilotes sont concluantes, la méthode favorise la resocialisation, car le délinquant n'est pas coupé de son environnement tant professionnel, familial que social. Une minorité estime en revanche qu'il existe déjà suffisamment de sanctions dans le domaine des courtes peines privatives de liberté pour empêcher la désocialisation, ou encore que les plus petits cantons ne disposeraient pas des moyens financiers pour introduire la surveillance électronique.
Quant aux sept cantons «pilotes», ils évaluent positivement ce mode alternatif d'exécution des peines et soulignent qu'il contribue à la réduction des coûts. Dans le canton de Vaud par exemple, la méthode électronique revient à 47 fr. par jour, contre 84 fr. pour le travail d'intérêt général (TIG), 103 fr. pour la semi-détention et 155 fr. pour la détention ordinaire. En comparaison, Genève compte 84 fr. pour une journée avec bracelet électronique, contre 91 fr. pour le TIG,189 fr. pour la semi-détention et 212 fr. pour la détention ordinaire. Globalement, la surveillance électronique est la forme d'exécution des peines privatives de liberté la moins coûteuse, conclut un rapport de l'Office fédéral de la justice, publié en 20091: dans la plupart des cantons, elle est même plus avantageuse que le TIG.
Certains pensaient que la surveillance électronique deviendrait superflue avec la suppression des courtes peines de prison et l'introduction des jours-amende. Il n'en a rien été. «Dans notre rapport d'évaluation à l'intention de la Confédération, nous avons démontré que les arrêts domiciliaires restent nécessaires, explique Marianne Isenschmid, codirectrice de la Section de la probation et des formes particulières d'exécution de peines du canton de Berne (SPFP). Les courtes de peines de prison n'ont pas disparu et nous continuons à avoir des demandes pour le bracelet électronique.» Mais les personnes intéressées ne sont plus tout à fait les mêmes. «Nous recevons de plus en plus de requêtes provenant de condamnés qui ne sont pas en mesure de payer leurs peines pécuniaires, car ils doivent déjà se contenter du minimum vital.»
A Genève, les demandes émanent de personnes actives professionnellement, et principalement condamnées pour les délits suivants: infractions à la loi sur la circulation routière, escroquerie, non-paiement de la contribution d'entretien, détournement de valeurs patrimoniales (décisions de saisies pas respectées).
Inégalité de traitement?
Le bracelet électronique est parfois critiqué pour son manque de caractère punitif et l'inégalité de traitement qu'il induit. Il est clair que pour le condamné habitant une luxueuse villa, les arrêts domiciliaires sont plus faciles à vivre que, pour le locataire d'un petit appartement sans balcon ni jardin. Quoi qu'il en soit, le port d'un appareil à la cheville est généralement perçu comme une mesure de répression, conclut une étude publiée par le Ministère néerlandais de la justice. Il faut dire que le condamné doit respecter un horaire strict et revenir à la maison après son travail. Cela exige une capacité à s'autodiscipliner. Dans son rapport de 20091, l'OJF dresse un constat similaire: «L'émetteur placé à sa cheville permet de rappeler constamment au condamné le caractère répressif de la surveillance électronique. Cette forme d'exécution n'est en aucun cas un simple mode de résidence surveillée. (...) Les exigences en termes de coopération, de discipline et de persévérance auxquelles doivent se soumettre les condamnés sont plus élevées qu'en régime de détention ordinaire.»
Avocat à Bâle et à Liestal, Alain Joset commente: «J'ai l'impression que les condamnés sous-estiment souvent les conséquences de cette forme d'exécution. Il faut savoir que cela les empêche d'exercer des activités sociales courantes, comme aller boire un verre le soir avec les collègues, faire du sport ou avoir un hobby en dehors de la maison.»
A Genève, la durée passée à l'extérieur (principalement au travail) est généralement de 12 heures sur 24 (comme pour la semi-détention), auxquelles s'ajoutent quelques heures de sortie le week-end. Le contrôle des heures de sortie et de rentrée se fait par l'intermédiaire du téléphone. Dans le canton de Vaud, «le temps libre et de repos» est obligatoirement passé à la maison, selon le règlement sur l'exécution des courtes peines privatives de liberté sous forme d'arrêts domiciliaires, tandis que quelques heures de liberté sont accordées le samedi et le dimanche. A Berne, à part le trajet pour se rendre au travail, le condamné a également droit à un peu de temps libre, en général le week-end. Pas facile, dans ces conditions, de cacher à son entourage qu'on est en train de subir une peine. Même vis-à-vis de son employeur, le secret est parfois difficile à garder.
Les arrêts domiciliaires conviennent plutôt aux personnes au bénéfice d'un sursis partiel, estime Alain Joset: lorsque la peine ferme ne dépasse pas un an, il devient alors intéressant de l'exécuter sous monitoring électronique.
Les prisons restent pleines
Beaucoup ont vu le bracelet électronique comme un moyen de lutter contre la surpopulation carcérale. Mais ce n'est pas le cas. En effet, dans le cadre de l'essai pilote, ce système n'est utilisable que pour les peines jusqu'à 12 mois. Les personnes condamnées à des peines supérieures continuent à fréquenter les prisons. Et les conditions prévues par l'avant-projet du Conseil fédéral sont encore plus restrictives, avec une surveillance électronique réservée aux peines d'un mois jusqu'à six mois au maximum. Mais, lors de la procédure de consultation, de nombreuses voix se sont élevées contre le durcissement des conditions de l'essai pilote, qui ont fait leurs preuves. Selon l'Association de probation suisse et de travail social dans la justice (Prosaj), la surveillance électronique a un effet plus durable que les autres formes d'exécution des peines, car les condamnés, en restant dans leur entourage habituel, apprennent directement à gérer les difficultés, d'où une réduction du taux de récidive. A Berne, Marianne Isenschmid confirme cette observation et plaide aussi pour une application du système aux peines jusqu'à 12 mois.
Taux de récidive
Le professeur Martin Killias salue également l'effet de la méthode électronique sur le taux de récidive: «Les résultats sont positifs, alors qu'ils sont plutôt décevants s'agissant du taux de récidive des personnes ayant effectué un travail d'intérêt général.» Une étude de ce dernier publiée en août 2011 dans le «British Journal of Criminology» conclut que le taux de récidive est de 23% pour les arrêts domiciliaires avec surveillance électronique, mais de 31% en cas de travail d'intérêt général.
La plupart des cantons «pilotes» recourent au bracelet électronique à la fin de longues peines de prison, relate l'Office fédéral de la justice1. Cet usage «permet au condamné de faire l'apprentissage de la liberté dans son environnement réel», selon les autorités bernoises. Pour le canton de Vaud, il favorise, en fin de peine, «la réintégration des condamnés dans leur environnement tant professionnel, social que familial» et prépare la libération conditionnelle.
1 Expériences faites en matière de surveillance électronique des détenus depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle PG-CP (2007-2008), synthèse des résultats de l'évaluation menée dans les cantons de BE, SO, BS, BL, TI, VD et GE.
A titre préventif?
En dehors du cadre de l'exécution des peines, le bracelet électronique pourrait être utilisé à des fins de prévention, par exemple pour surveiller les maris violents. «Il existe déjà des interdictions de périmètre, souligne Marianne Isenschmid, codirectrice de la Section de la probation et des formes particulières d'exécution de peines du canton de Berne. Mais il est difficile de les faire appliquer sans système de surveillance par GPS.» L'Espagne a lancé un programme de protection des victimes fonctionnant avec le GPS: environ 10 000 personnes se trouvent ainsi sous le contrôle d'une centrale, elle-même reliée à la police. La centrale en question occupe aussi des psychologues et des travailleurs sociaux, amenés à conseiller les victimes potentielles.
En Suisse, des appareils GPS sont testés dans la région de Bâle. «Ils ne représentent une solution que dans des cas particuliers, comme la protection des victimes, explique Gerhard Mann, chef de service à la Direction de la sécurité de Bâle-Campagne. Mais le GPS peut aussi être utilisé dans quelques cas pour favoriser la resocialisation. On peut alors surveiller une sortie qui n'aurait peut-être pas pu être accordée sans cela.» Ainsi, en plus de son bracelet électronique, la personne surveillée porte un GPS. Ce qui permet à la direction de la sécurité de Bâle-Campagne de contrôler, depuis un ordinateur, où se trouve la personne et où elle s'est rendue au cours des dernières heures. (tk)