Si l’avant-projet de révision de la loi sur le contrat d’assurance (LCA) représentait un compromis acceptable entre les intérêts des assurés et ceux des assureurs (lire plaidoyer 1/17), il en va différemment de la mouture élaborée par le Conseil fédéral à l’issue de la procédure de consultation. Ce dernier projet, rendu public en juin 2017, conserve certes quelques points favorables aux assurés, comme le délai de résiliation de quatorze jours et le délai de prescription de cinq ans (au lieu de deux ans), mais il laisse tomber des éléments essentiels, aux yeux de plusieurs spécialistes.
Volker Pribnow, avocat spécialiste en droit de la RC et des assurances, a confié à notre partenaire alémanique plaedoyer que, selon lui, la version préparée pour les Chambres fédérales n’est globalement pas meilleure que la LCA actuelle, élaborée en 1908. Il ne voit pas de raison de voter en sa faveur. Elle maintient le bref délai de prescription de deux ans pour les indemnités journalières, abandonne la prolongation de couverture pour les dommages différés et laisse tomber l’obligation d’information supplémentaire dans l’assurance sur la vie. Autrement dit, le projet est privé des grandes avancées pour le consommateur, sous le prétexte d’éviter son échec devant les Chambres, déplore le spécialiste.
Pour Helmut Heiss, professeur de droit privé à l’Université de Zurich, le projet du Conseil fédéral n’atteint pas ses objectifs, notamment parce qu’il n’est même pas compréhensible par les personnes au bénéfice d’une formation juridique (lire plaedoyer 2/18). Le spécialiste critique aussi le droit de l’assureur de modifier unilatéralement les conditions d’assurance, ne laissant à l’assuré que le droit de résilier. «C’est insatisfaisant du point de vue de la politique juridique», note-t-il. Et s’il devait voter sur le projet actuel? Il s’abstiendrait…
Droit excessif de résilier
«Le Conseil fédéral a mangé dans la main des assureurs, regrette pour sa part Anne-Sylvie Dupont, professeure de droit de la sécurité sociale aux Universités de Genève et de Neuchâtel. Il a biffé des dispositions de l’avant-projet pour se conformer à leurs exigences.» La spécialiste n’accepterait pas la dernière mouture du projet, si elle devait se prononcer. Elle pointe surtout du doigt le droit de résiliation ordinaire accordé aux assureurs en matière d’assurance-maladie complémentaire. Cette disposition fait son entrée dans le projet du Conseil fédéral, alors qu’elle ne figurait pas dans l’avant-projet. En matière de complémentaire-maladie, ce dernier ne prévoyait le droit de résiliation ordinaire que pour le preneur d’assurance.
Une révision totale de la LCA avait échoué au Parlement en 2013 sous la pression de la branche de l’assurance, alors qu’elle avait été préparée sur une base paritaire et avec l’aide de spécialistes du domaine. En lieu et place, une révision partielle a été lancée en 2016.