L’art. 12 lit. a LLCA impose à l’avocat d’exercer sa profession avec soin et diligence. Selon la jurisprudence, il découle de ce devoir que l’avocat doit s’abstenir de tout comportement qui soit propre à créer le risque que des témoins soient influencés (ATF 136 II 551, JT 2010 I 604, c. 3(1)). L’art. 7 al. 1er CSD prévoit aussi que «l’avocat s’abstient d’influencer les témoins». En principe, il ne doit donc pas prendre contact avec un témoin. Il faut rappeler qu’en droit suisse, c’est au tribunal d’établir les faits et rechercher la vérité, et non aux parties ou à leurs mandataires. Comme le relève le prof. Bohnet(2), l’avocat «vu sa position particulière, doit contribuer au bon fonctionnement des institutions judiciaires et ne pas profiter de ses connaissances et de son expérience pour influencer l’administration des preuves». Il y a là un risque abstrait d’influencer le témoin. Ce n’est donc qu’exceptionnellement(3) que l’avocat prendra contact avec un témoin potentiel. Même alors, cette démarche devra être effectuée avec prudence, dans le respect des conditions posées par le Tribunal fédéral, soit en substance.
• L’audition du témoin ne peut être justifiée que par l’intérêt du mandant.
• Elle doit répondre à une nécessité objective, telle qu’évaluer les chances de succès d’un procès ou d’un recours, retirer une plainte, etc. L’avocat ne doit pas pouvoir obtenir autrement ces éléments(4). Il convient d’examiner si les circonstances du cas particulier justifient objectivement un tel contact. Si le témoin a déjà été cité, l’avocat ne devrait plus pouvoir le contacter(5).
• Des exigences quant à l’organisation de l’audition doivent être respectées pour éviter toute influence sur la personne entendue: l’avocat sollicitera l’entretien par écrit en précisant que la personne n’a aucune obligation de se présenter et de répondre; il indiquera le nom de son mandant, l’audition se déroulant en l’absence de ce dernier, si possible à l’étude de l’avocat, en présence d’un tiers. L’avocat ne pourra ainsi pas téléphoner au témoin.
• L’absence de toute interférence dans la constatation des faits par le tribunal doit être garantie: l’avocat ne fera pas pression sur le témoin et évitera de l’influencer d’une quelconque manière. Il s’adressera au tiers objectivement.
En l’espèce, il n’y a pas de nécessité objective à une audition de l’employé du kiosque par Me Max. Ce dernier devra plutôt requérir formellement l’audition de ce témoin potentiel, voire suspect, par l’autorité pénale compétente. Bien plus, une telle démarche irait à l’encontre des intérêts de son client, car l’employé du kiosque apprendrait ainsi sa mise en cause.
Signalons encore ici la problématique liée au statut de partie ou de témoin, pas toujours évident à définir. Comme le relève la doctrine(6), l’avocat devrait par exemple pouvoir considérer qu’il est en contact avec sa cliente et non un tiers lorsqu’il s’adresse à l’employé responsable du dossier au sein de la société qui le mandate.
1 Arrêt dont le présent cas est inspiré.
2 F. Bohnet, Droit des professions judiciaires, 2e éd., Neuchâtel 2010, p. 44 N. 25; et note sur l’ATF 136 II 551, Les contacts de l’avocat avec les témoins, RSPC 2/2011, 120.
3 B. Chappuis, La profession d’avocat, Tome I, Genève 2013, p. 43, relève la nécessité de se montrer souple dans l’application des conditions posées par la jurisprudence. Pour une analyse critique en procédure civile: cf. P. Hafner/P. Reichart, Private Zeugenbefragung durch den Anwalt im Zivilprozess, SJZ 2011, 201. Sur un sondage effectué auprès d’avocats, cf. M. Züger, Privater Zeugenkontakt der Verteidigung in der Praxis, RPS 2013, 247.
4 Bohnet/Martenet, Droit de la profession d’avocat, Berne 2009, N 1181; Chappuis, p. 44; RJN 2008 397.
5Bohnet, RPSC 2011, 120; Chappuis, p. 43.
6 Ibid.