Depuis l'introduction de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA), le 1er janvier 2010, l'Administration fédérale des contributions (AFC) clôt son contrôle par une notification d'estimation (assimilable à une décision), qui précise le montant de la créance fiscale pour la période contrôlée (art. 78, al. 5 LTVA). Sous l'ancien droit, en revanche, un contrôle n'aboutissait pas à la notification d'une décision.
Le contribuable assujetti à l'impôt pouvait ainsi encore réduire, le cas échéant, l'imposition complémentaire - par exemple, parce qu'il apportait la preuve que cet impôt avait des répercussions sur le titulaire de la prestation ou en négociant avec l'AFC. Par ailleurs, le contribuable pouvait contester certains points du décompte complémentaire, ce qui permettait de calculer plus aisément le montant de la valeur litigieuse.
Une réclamation pour corriger l'estimation
Le nouveau droit ne permet de corriger l'estimation que si la personne assujettie à l'impôt s'oppose à la décision en formulant une réclamation sur décision dans le délai imparti qui est de trente jours après la communication de la notification d'estimation. En outre, l'AFC établit désormais la créance fiscale par une notification d'estimation valable pour l'ensemble de la période fiscale. Cela a pour conséquence que l'auteur de la réclamation doit chiffrer précisément dans quelle mesure il conteste la notification d'estimation et quelle est l'ampleur de la créance fiscale pour l'ensemble de la période fiscale. L'établissement de cette créance sera facilité lorsque la personne assujettie pourra totalement soustraire la TVA déductible et se borner à contester uniquement la notification d'estimation portant sur le chiffre d'affaires.
En revanche, si l'on est en présence de relations fiscales compliquées - par exemple pour les sociétés qui décomptent au moyen de l'imposition de groupe ou lors d'une estimation discrétionnaire, d'un taux de TVA déductible réduit, de corrections de TVA supplémentaires, de détails manquants nécessaires au calcul de la TVA ou d'une notification d'estimation insuffisamment détaillée -, la rédaction d'une demande en justice pourra se révéler difficile, parce que divers facteurs sont susceptibles d'influencer la créance fiscale.
C'est précisément lors de cas complexes que la nouvelle procédure place les assujettis devant de vrais challenges. On n'en viendra pas à bout facilement si l'on ne dispose pas d'un soutien juridique en matière de TVA et de droit de la procédure. C'est pourquoi on peut se demander si le but de la réforme de la LTVA - qui visait à simplifier la procédure - a réellement été atteint.
Après la clôture d'un contrôle, il se justifie de prier l'AFC par écrit de motiver en détail la notification d'estimation. D'un côté, cette procédure permettra de faciliter la formulation de la demande en justice et, d'un autre, la personne assujettie pourra voir sa réclamation déposée contre une décision de l'AFC motivée en détail, être transmise à titre de recours au Tribunal administratif fédéral (art. 83, al. 4 LTVA), à la demande de l'auteur de la réclamation ou avec son assentiment.
Il faut toutefois relever qu'il est nécessaire de documenter préalablement et complètement le processus de prélèvement de la TVA et de calculer automatiquement la correction de cette dernière, afin de pouvoir établir de manière satisfaisante la prétention en justice qui s'y rapporte.
La TVA et l'indemnisation des parties
La plupart des avocats ont l'habitude d'être confrontés à des questions de TVA lorsqu'il s'agit d'établir les indemnités dues aux parties. En pratique, on constate régulièrement que les tribunaux sont trop peu familiers du fonctionnement de cet impôt. Ils qualifient l'indemnité due aux parties de «TVA comprise», comme s'il s'agissait d'un chiffre d'affaires imposable. Or, les indemnités fixées par les tribunaux comme devant être payées par la partie qui succombe sont des dommages-intérêts. Ceux-ci ne sont dont pas soumis à la TVA et ne donnent donc lieu à aucune réduction de la déduction de l'impôt préalable (art. 18, al. 2 lit. i LTVA en lien avec l'art. 33, al. 2 LTVA).
Il en va de même des conventions entre parties portant sur une indemnité. Il faut cependant qu'il résulte clairement des documents correspondants que ce paiement est fait en réparation d'un dommage. Dans le cas contraire il peut s'agir d'un échange de prestations, imposable normalement au taux de 8%.
L'indemnisation des parties comprend en particulier les coûts qui incombent à la partie victorieuse, s'agissant de ses frais d'avocat. La question se pose alors de savoir si la TVA facturée par l'avocat doit être considérée comme un facteur de coût supplémentaire dans la demande en justice.
Pas de frais en plus pour la partie qui l'emporte
Si les frais d'avocat d'une partie entièrement légitimée à prélever une retenue au titre de la TVA sont pris en compte dans le cadre d'un procès en lien avec l'activité de son entreprise, elle a le droit de déduire la TVA au taux de 100%. Il n'y a cependant pas de TVA lorsque:
• l'avocat n'est pas soumis à la
TVA (parce que son chiffre d'affaires est inférieur à 100000 francs);
• l'avocat a son siège à l'étranger, la partie n'est pas assujettie à la TVA et aucune prestation de services pour plus de 10000 fr. n'a été perçue à l'étranger (par exemple pour des frais d'avocats; comparez les articles 45 II lit. a et b LTVA relatifs à l'impôt sur les acquisitions);
• l'avocat a son siège en Suisse et la partie qui a son siège à l'étranger ne doit y déclarer aucun impôt sur les acquisitions.
Dans ces cas, la TVA ne représente aucun facteur de coût supplémentaire et ne doit pas être prise en considération lors de la rédaction de la demande en justice.
Frais supplémentaires exigés
Si, au contraire, les frais d'avocats destinés à un procès d'une partie, qui n'a pas ou qui n'a que partiellement le droit de prélever la TVA, sont pris en compte, des frais supplémentaires découlent de cet impôt. Il en va de même lorsque:
• l'avocat a son siège à l'étranger et la partie qui n'a pas ou qui n'a que partiellement le droit de prélever la TVA doit déclarer cette prestation au titre de l'impôt sur les acquisitions (art. 45 LTVA);
• l'avocat a son siège en Suisse et la partie qui n'a pas ou qui n'a que partiellement le droit de prélever la TVA, qui a son siège à l'étranger, doit déclarer un impôt sur les acquisitions provenant de l'étranger.
Si une telle partie l'emporte dans le procès, elle devra prendre en compte les frais supplémentaires que cela implique dans la rédaction de sa demande en justice. Dans le cas contraire, le tribunal ne consentira pas à les lui accorder.
Si la personne assujettie à la TVA fait valoir ces frais supplémentaires dans le cadre de sa
demande d'indemnité, elle doit pouvoir en chiffrer l'ampleur et prouver leur existence. La preuve de la TVA est facile à établir grâce à la facture de l'avocat. Il en va tout autrement de la preuve des frais supplémentaires effectifs lorsque sont mises en œuvre des méthodes de facturation compliquées, telles que l'imposition de groupes de sociétés, taux de TVA déductible réduit ou autres.