En dépit des instruments de protection des droits de l'homme existants, les personnes handicapées continuent d'être confrontées à de virulentes inégalités partout dans le monde, dans tous les domaines de la vie. Cela s'explique notamment par le fait que les barrières comportementales et environnementales qui entravent leur pleine et effective participation à la société n'ont longtemps pas été reconnues. Le handicap était principalement perçu comme un problème individuel - un coup du destin - auquel il fallait apporter des solutions individuelles spécifiques, tels que les soins, une rente ou la réhabilitation, en Suisse par le biais de l'assurance invalidité.
La CDPH opère un changement de perspective et aborde les nombreux préjudices auxquels sont confrontées les personnes handicapées comme une problématique relevant des droits de l'homme. Elle reprend les droits déjà garantis, pour la plupart, par d'autres conventions internationales ratifiées par la Suisse. Il s'agit, entre autres, des Pactes I et II des Nations Unies ainsi que de la Convention européenne des droits de l'homme. La CDPH spécifie leur contenu et les mesures à prendre s'agissant des besoins spécifiques des personnes handicapées. Ainsi, afin de leur assurer une participation pleine et autonome à la vie en société, elle leur garantit notamment une protection contre les discriminations dans l'éducation, l'emploi, l'accès aux constructions, aux transports publics et aux prestations. Dans tous ces domaines, elle requiert que des «aménagements raisonnables» - c'est-à-dire des ajustements n'imposant pas de charges disproportionnées - soient proposés par les collectivités publiques et les particuliers.
A quand la ratification?
Adoptée en 2006 par l'Assemblée générale des Nations Unies, la CDPH est entrée en vigueur en 2008. A ce jour, elle a été ratifiée par 129 Etats ainsi que par l'Union européenne.
En 2007 déjà, en réponse à une motion parlementaire exigeant une ratification rapide de la CDPH par la Suisse, le Conseil fédéral reconnaissait l'importance fondamentale de ce traité. Sur le principe, il estimait souhaitable que la Suisse ratifie la CDPH. Il fallait toutefois, selon lui, examiner de plus près sa portée avant de pouvoir se prononcer sur cette question. La convention est mise en consultation en décembre 2010, suivie d'une longue période de silence. En décembre 2012, le Conseil fédéral publie son Message, appuyant une ratification du traité onusien par la Suisse. Le sort de la CDPH est ainsi désormais entre les mains du Parlement. Le dossier a été confié à la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) du Conseil national, qui s'y consacrera pour la première fois le 23 mai 2013. La question de la ratification pourrait être définitivement tranchée cette année encore, lors de la session d'hiver 2013.
Craintes des opposants
Ce qu'exige la CDPH semble aller de soi: garantir aux personnes handicapées la pleine et égale jouissance de tous les droits de l'homme. Les opposants, issus notamment des milieux économiques et de plusieurs cantons, s'élèvent néanmoins contre la ratification de la CDPH. Certains d'entre eux sont particulièrement soucieux de l'impact de l'art. 27 CDPH, consacré au travail. Ratifier la convention reviendrait à introduire en Suisse un droit au travail ainsi que des quotas en faveur des handicapés. De plus, l'exigence d'aménagements raisonnables ferait peser une charge trop lourde sur les employeurs, mettant ainsi en péril les mesures d'intégration adoptées dans le cadre de la 5e révision de l'AI. Or, le droit au travail, non justiciable, est reconnu en Suisse depuis 1992 par le biais du Pacte I des Nations Unies et la CDPH n'exige nullement l'introduction de quotas. Enfin, cette argumentation méconnaît que la plupart des aménagements raisonnables exigés par la CDPH dans le domaine de l'emploi sont aujourd'hui déjà reconnus et couverts par l'AI. L'accent mis sur l'intégration des personnes handicapées dans le cadre de la 5e révision de l'AI correspond, qui plus est, entièrement au but de la CDPH.
L'art. 24 CDPH relatif à l'éducation se trouve également au centre des préoccupations, en particulier des cantons. Certains d'entre eux redoutent le principe de l'éducation inclusive, qui représenterait une tâche trop lourde. Sans aucun doute, la CDPH fait de l'inclusion la règle et des solutions séparées l'exception, ce dans tous les domaines. Déjà sur la base du droit suisse existant, la scolarisation d'un enfant handicapé doit se faire dans une optique d'intégration, être aménagée conformément à ses besoins spécifiques et, en aucun cas, sur la base de préjugés. L'art. 24 CDPH ne veut pas autre chose. Mais il confronte les cantons à leurs obligations encore plus clairement que ne le fait le droit suisse actuel. Certains d'entre eux semblent les avoir méconnues jusqu'à présent.
Enfin, à un niveau plus général, c'est la perte de la souveraineté qui est opposée à la ratification de la CDPH. Cet argument surprend, dans un pays ayant précisément pour tradition de ratifier les convention internationales de protection des droits de l'homme, reconnaissant ainsi la nécessité de partager leur contrôle avec les instances internationales.
Renforcement du droit actuel
Le droit suisse actuel exige des collectivités publiques et des particuliers des aménagements en faveur des personnes handicapées en particulier dans les domaines des constructions, des transports publics, des prestations et de la formation. Aujourd'hui déjà, les mesures découlant de ces obligations impliquent des coûts; la CDPH n'introduit ici pas fondamentalement de nouvelles charges économiques.
Une adhésion à la CDPH est en adéquation avec la politique que la Suisse a toujours défendue dans le domaine des droits humains. La ratifier, c'est avant tout confirmer - aussi vis-à-vis de la communauté internationale - l'engagement pris de lutter contre les inégalités frappant les personnes handicapées. C'est aussi clarifier, renforcer, compléter les dispositions de droit existantes et accélérer leur mise en œuvre.