I. Introduction
L’élaboration et l’entrée en vigueur du nouveau droit de protection de l’adulte a permis, entre autres, de repenser les règles permettant une bonne collaboration entre les établissement bancaires, les personnes touchées par une incapacité de discernement et leurs proches ainsi que les autorités de protection. Plusieurs modifications ont impacté la gestion du patrimoine d’une personne incapable de discernement. Ainsi, le mandat pour cause d’inaptitude favorise désormais le droit de la personne à disposer d’elle-même (art. 360 ss CC), l’art. 374 CC confère de plein droit des pouvoirs de représentation au conjoint ou au partenaire enregistré d’une personne incapable de discernement et les curatelles de représentation avec gestion patrimoniale (art. 394 et 395 CC) et de portée générale (art. 398 CC) sont adaptées à la gestion patrimoniale d’une personne incapable de discernement.
Le présent article se concentrera sur le rapport entre le conjoint ou le partenaire d’une personne incapable de discernement (par exemple dans le coma) ou donnant des signes d’incapacité de discernement (par exemple à cause d’une démence sénile) et la banque de cette dernière, sans qu’une mesure personnelle soit appliquée ou une curatelle instituée. Il s’agit d’une problématique qui peut dès lors toucher tant un couple de personnes jeunes confronté par exemple à un grave accident qu’un couple âgé faisant face à la diminution des capacités cognitives de l’un des conjoints ou partenaires.
Il s’agira, en particulier, de décrire le comportement auquel on pourra s’attendre de la part des banques et de l’autorité de protection à l’égard du conjoint ou du partenaire de la personne incapable et d’esquisser les mesures à prendre avant la survenance d’une éventuelle incapacité.
A titre liminaire, en ce qui concerne la gestion du patrimoine financier d’une personne incapable de discernement, rappelons que, si la majeure partie des bases légales à prendre en considération se trouve dans le Code civil, il ne faut pas oublier le Code des obligations (notamment les art. 35, 397a et 394 ss CO) ainsi que les Recommandations conjointes de l’Association suisse des banquiers (ASB) et de la Conférence des cantons en matière de protection des mineurs et des adultes (Copma) du 25 juillet 2013 (ci-après «Recommandations»). Ces dernières offrent une interprétation pratique du droit de protection de l’adulte à l’attention des banques et des autorités de protection. Elles permettent également aux autres acteurs d’ajuster leur intervention dans le cadre de relations bancaires. Elles n’ont pas de force obligatoire (soft law). Dès lors, ces dernières sont émises sous réserve d’une interprétation divergente de la loi par les autorités et/ou les tribunaux. Enfin, nous mentionnons pour mémoire l’Ordonnance sur la gestion du patrimoine dans le cadre d’une tutelle ou d’une curatelle du 4 juillet 2012 (OGPCT). Néanmoins, la gestion patrimoniale effectuée par le conjoint ou le partenaire ne tombant pas dans la sphère d’application de l’art. 408 CC, les dispositions de l’Ogpct, édictée sur cette base, ne trouveront en revanche pas application pour les hypothèses que nous développerons dans le présent article.
2. Les conditions de représentation
Le Code civil organise aux art. 374 à 376 CC un pouvoir légal de représentation du conjoint ou du partenaire enregistré (ci-après «partenaire») dans l’hypothèse où l’autre membre du couple deviendrait incapable de discernement. Ce pouvoir de représentation constitue une extension du droit de représentation accordé au conjoint par l’art. 166 CC et au partenaire par l’art. 15 LPart3 et a pour objectif de garantir que les besoins personnels et matériels du conjoint incapable de discernement puissent être satisfaits sans l’intervention de l’autorité de protection4.
Les conditions pour que cette représentation légale puisse avoir lieu sont fixées à l’art. 374 al. 1 CC. Il faut, en premier lieu, que le conjoint ou partenaire soit incapable de discernement. Il faut, ensuite, que la personne devenue incapable de discernement, mariée ou liée par un partenariat enregistré, forme une vraie communauté de vie avec son conjoint ou son partenaire. Il faut encore qu’elle n’ait pas rédigé de mandat pour cause d’inaptitude (art.
360 ss CC) et ne soit pas sous le coup d’une curatelle impliquant un droit de représentation (art. 390 ss CC)5. Il faut enfin, même si cette exigence n’est pas prévue explicitement par la loi, que le conjoint ou le partenaire dispose du plein exercice de ses droits civils6. Nous présentons ci-après certaines de ces conditions en terminant par la question délicate de l’incapacité de discernement de la personne concernée.
2.1. Communauté de vie7
L’exigence d’une communauté de vie a pour but de prouver l’existence d’une relation réelle. Elle est réalisée si les deux personnes font ménage commun (soit «vie commune» au sens des art. 166 al. 1 CC et 15 al. 1 Lpart) ou si l’une fournit à l’autre une assistance personnelle régulière (conditions alternatives)8. En pratique, il arrive souvent que les deux conditions soient remplies. Mais il n’est pas rare que seule la condition relative à l’assistance soit réalisée9. C’est le cas notamment lorsque l’assistance est fournie au conjoint ou au partenaire incapable de discernement résidant dans une institution médico-sociale ou dans un home10.
2.2. Absence de mandat ou de curatelle11
La vérification de l’absence de mandat pour cause d’inaptitude ou de curatelle est essentielle. En effet, si le mandat pour cause d’inaptitude désigne, pour les domaines couverts par l’art. 374 al. 2 ou 3 CC, comme représentant le conjoint ou le partenaire, la représentation se fondera sur les règles relatives au mandat pour cause d’inaptitude, si les conditions pour sa mise en œuvre sont remplies. Quant à la curatelle, il faudra vérifier si cette dernière comprend la représentation de la personne incapable de discernement dans les domaines couverts par l’art. 374 al. 2 ou 3 CC.
Si le mandat ou la curatelle porte sur d’autres domaines, le pouvoir de représentation légal du conjoint ou du partenaire va coexister en parallèle du mandat ou de la curatelle12.
2.3. Incapacité de discernement
Quant à l’incapacité de discernement de la personne concernée, il sied de relever que cette dernière peut être passagère ou durable. Selon la doctrine, elle ne doit pas être constatée par un tiers (autorité de protection ou médecin): le conjoint ou le partenaire peut la constater tout seul13. En cas de doute, il peut saisir l’autorité de protection qui statuera sur son pouvoir de représentation et lui remettra, le cas échéant, un document faisant état de ses compétences (art. 376 al. 1 CC).
Tout en admettant ce principe, il sied de relever que, en matière de relations avec la banque, c’est le principe contraire qui trouve application en pratique, à savoir que la constatation de l’incapacité de discernement par un médecin ou l’autorité sera généralement exigée. Les Recommandations semblent indiquer que la banque devrait en principe accepter le pouvoir de représentation du conjoint ou du partenaire sur simple présentation du certificat médical et uniquement en cas de doute requérir l’intervention de l’autorité de protection. On peut en effet lire, au point 8 des Recommandations ce qui suit: «Dès lors que les conditions de la représentation légale, en particulier l’incapacité de discernement attestée le cas échéant par un certificat médical, sont réunies, la légitimation du conjoint ou du partenaire enregistré envers la banque découle de la loi. Si la banque a des doutes, notamment en l’absence de procuration bancaire toujours en vigueur, elle peut demander au conjoint ou au partenaire enregistré un document établi par l’APEA conformément à l’art. 376 al. 1 CC. Ce document confirme le pouvoir de représentation légal et peut prévoir des restrictions aux pouvoirs de représentation.»
Deux remarques s’imposent
En premier lieu, d’après les informations en notre possession, plusieurs établissements bancaires n’acceptent pas la seule production d’un certificat médical et exigent la production d’un document établi par l’Autorité de protection. Cette approche est compréhensible. Comme nous l’avons indiqué, les conditions de la représentation légale ne sont pas uniquement l’existence d’un lien conjugal ou d’un partenariat et l’incapacité de discernement. Il faut également que les autres conditions (communauté de vie, absence de mandat pour cause d’inaptitude ou de curatelle et exercice des droits civils du conjoint ou du partenaire) soient réalisées. Or, dans la pratique la banque ne souhaitera pas s’impliquer dans la vérification de ces autres conditions14. Ainsi le seul moyen pour avoir la certitude que les conditions légales sont remplies sera la production d’une attestation sur la base de l’art. 376 al. 1 CC.
En deuxième lieu, le passage des Recommandations relatif à la procuration bancaire mérite une réflexion. En effet, l’absence ou la présence d’une procuration bancaire toujours en vigueur n’a pas d’incidence sur la réalisation des conditions de la représentation légale15. Le banquier devrait demander au conjoint ou au partenaire un document établi par l’Autorité de protection s’il a des doutes quant à l’incapacité de discernement de la personne (par exemple, si le certificat médical produit ne fait pas clairement état d’une incapacité de discernement) ou quant à la réalisation des autres conditions (lien conjugal/partenariat, vraie communauté de vie, absence de mandat pour cause d’inaptitude ou de curatelle impliquant un droit de représentation, plein exercice des droits civils du représentant).
En pratique, le banquier vérifiera néanmoins, en premier lieu, si une procuration bancaire toujours en vigueur existe en faveur du conjoint ou partenaire.
3. Procuration bancaire et incapacité de discernement
Si le titulaire d’un compte bancaire a octroyé une procuration avant la survenance d’une incapacité de discernement, celle-ci pourra continuer de déployer des effets pour autant que cela ait été expressément prévu ou ne résulte de la nature de l’affaire (art. 35 CO)16.
Lors de l’adoption du nouveau de droit de protection de l’adulte, le législateur n’a pas mis fin à la possibilité d’octroyer des pouvoirs de représentation allant au-delà de la survenance d’un cas d’incapacité17. Le maintien des pouvoirs de représentation s’inscrit également dans la logique du nouvel art. 397a CO qui oblige à certaines conditions le mandataire à annoncer une incapacité de discernement durable de son mandant aux autorités18. Contrairement au mandat pour cause d’inaptitude, cette procuration n’est soumise à aucune forme, bien que la forme écrite s’impose naturellement en pratique19.
Une procuration bancaire octroyée au conjoint ou au partenaire pourra ainsi fonder la capacité pour celui-ci d’agir au nom du titulaire de manière concurrente à son pouvoir de représentation légal. L’étendue des pouvoirs octroyés sera, d’une part, définie par le contenu de la procuration (étendue maximale), mais sera, d’autre part, limitée par les dispositions impératives du droit de protection de l’adulte. En effet, ce droit différencie les actes relevant de l’administration ordinaire des actes relevant de l’administration extraordinaire et soumet ces derniers au consentement systématique de l’Autorité de protection de l’adulte (art. 374 al. 3 CC, cf. infra 4). Nous estimons ainsi que, dans le domaine de la représentation légale du conjoint ou du partenaire, il faut considérer que la procuration bancaire continue de pleinement déployer ses effets pour les domaines couverts par l’art. 374 al. 2 CC, soit les actes relevant de l’administration ordinaire20.
Si la procuration couvre tous les actes d’administration ordinaire prévus par l’art. 374 al. 2 CC, le banquier pourra se fonder sur la seule procuration, sans vérifier la réalisation des autres conditions de l’art. 374 al. 1 CC.
Si, en revanche, la procuration couvre uniquement certains domaines spécifiques de l’administration ordinaire ou limite cette administration à certains montants, pour les autres domaines ou montants couverts par l’art. 374 al. 2 CC, le pouvoir de représentation du conjoint ou du partenaire se fondera sur l’art. 374 al. 1 CC et le banquier aura donc le devoir de vérifier la réalisation des conditions d’application de cette disposition. A cette fin, il exigera en général du conjoint ou du partenaire de celui-ci, une attestation de l’Autorité de protection conformément à l’art. 376 CC. Il semblerait par ailleurs que certaines banques exigent systématiquement de telles déclarations dès qu’elles ont connaissance d’un cas d’incapacité, même dans l’hypothèse d’une procuration encore valide.
Pour les domaines relevant de l’administration extraordinaire, plusieurs approches sont envisageables concernant la validité, ou non, d’une procuration après la survenance d’une incapacité de discernement21. A notre sens, si la procuration couvre des domaines relevant de l’administration extraordinaire, ces actes ne pourront pas être effectués par le représentant seul, mais il faudra, conformément à l’art. 374 al. 3 CC par analogie, dans tous les cas requérir l’autorisation de l’Autorité de protection. La procuration bancaire demeure ici valable, mais l’acte en question est boiteux jusqu’à ce que l’Autorité de protection donne son consentement. Ce consentement peut être donné avant la conclusion de l’acte (autorisation) ou peut intervenir a posteriori (ratification)22.
Ainsi, pour les actes d’administration extraordinaire, la banque ne donnera suite aux ordres du représentant, quand bien même ils sont couverts par la procuration, qu’après avoir obtenu l’accord de l’Autorité de protection. A défaut, la banque pourrait se trouver confrontée à un refus de ratification de la part de l’Autorité de protection.
4. Patrimoine concerné et étendue du pouvoir de représentation
La représentation du conjoint ou du partenaire porte, en principe, sur tous les biens de la personne incapable de discernement. Seules sont exclues les parties du patrimoine qui seraient soumises à un mandat pour cause d’inaptitude ou à une curatelle23.
4.1. Administration ordinaire
Selon le Code civil, le pouvoir légal de représentation du conjoint ou du partenaire porte sur des actes spécifiques visés à l’art. 374 al. 2 CC. Outre du droit, si nécessaire, de prendre connaissance de la correspondance du conjoint concerné et de la liquider, il s’agit des actes suivants:
• les actes juridiques habituellement nécessaires pour satisfaire les besoins de la personne incapable de discernement. Selon les Recommandations, fait partie des «besoins» tout ce qui est nécessaire au client devenu incapable de discernement et à sa famille pour maintenir leur niveau de vie antérieur (point 9). A titre d’exemple on mentionnera: les besoins en alimentation, hygiène corporelle, habillement, frais de loisirs, acquisition d’équipements adaptés, paiement de primes d’assurance, conclusion, modification, résiliation d’un contrat d’assurance24;
• l’administration ordinaire de ses revenus et autres biens. Selon les Recommandations, il s’agit, là, d’actes effectués fréquemment et de manière habituelle comme, par exemple, le paiement de factures pour des prestations de soins nécessaires et payantes, des travaux d’entretien ou encore les commandes de réparations de biens meubles et immeubles (point 9).
Sans trop s’attacher aux deux catégories mentionnées ci-dessus, on sera en présence d’actes d’administration ordinaire s’ils sont nécessaires et propres à une bonne gestion, et apparaissent de portée limitée au regard de l’ensemble des circonstances25. Il s’agit, par exemple, du règlement d’une dette échue, des réparations d’entretien courantes d’une chose, de l’aliénation ou de l’acquisition de biens de peu de valeur, du réinvestissement de titres appartenant à la même catégorie de risques, de la gestion ordinaire d’un immeuble de rendement, de la dénonciation d’une créance ou de l’acceptation d’un paiement, de l’introduction d’une poursuite ou de l’opposition à un commandement de payer, de l’octroi d’un prêt de peu d’importance, de la réception avec effet libératoire de prestations dues par des tiers26.
Dans le domaine bancaire, le conjoint partenaire peut ainsi accomplir tous les actes de gestion qui apparaissent de portée limitée au regard de l’ensemble des circonstances27. Il est important de rappeler que la gestion patrimoniale effectuée par le conjoint ou le partenaire ne tombe pas dans la sphère d’application de l’art. 408 CC, et n’est donc pas soumise aux limitations de l’Ogpct édictée sur cette base. Il peut ainsi procéder à tous les actes de gestion patrimoniale qui ne comportent pas de nouveaux risques économiques ou une modification importante et durable de la situation patrimoniale. Ainsi, au niveau de la gestion bancaire, il peut procéder au réinvestissement de titres remboursés par d’autres dans la mesure où la politique de placement reste comparable28.
Le point 10 des Recommandations, prévoit en conséquence que sont, en principe, autorisés tous les placements que le client concerné pourrait effectuer lui-même, compte tenu de son profil de risque. Comme l’indique la version allemande, les banques vont se référer au dernier profil de risque existant du client avant la survenance de l’incapacité de discernement «im Rahmen seines bestehenden Risikoprofils». Cela permet ainsi, dans un premier, temps la poursuite de la politique de gestion décidée par la personne devenue incapable de discernement. Si le représentant ne dispose pas des mêmes compétences que le client devenu incapable de discernement, les banques devront immédiatement adapter leurs explications au niveau de connaissance et d’expérience de leur nouvel interlocuteur. A cela s’ajoute que les banques devront également tenir compte de l’incapacité de discernement d’un client, en particulier si elle est durable, en tant que nouvel élément de sa situation personnelle et financière et adapter leurs prestations de gestion ou de conseil patrimonial en conséquence29.
Le conjoint ou le partenaire dispose du statut de représentant légal pour ces différents actes et doit exercer sa fonction selon les règles du mandat qui s’appliquent par analogie (art. 394 ss CO par renvoi de l’art. 375 CC)30. En matière bancaire, il dispose d’un droit d’information sur la relation bancaire du client incapable de discernement dans la mesure où cela lui est nécessaire pour exercer son pouvoir légal de représentation au sens de l’art. 374 CC (Recommandations, point 12). De son côté, la personne représentée (client de la banque) incapable de discernement, n’a plus aucun droit de disposition (Recommandations, point 13).
L’existence d’un conflit d’intérêts entraîne de plein droit l’extinction du pouvoir légal de représentation pour l’acte faisant l’objet du conflit31. Le conjoint ou le partenaire devra, dans cette hypothèse, aviser l’Autorité de protection qui prendra les mesures nécessaires.
4.2. Administration extraordinaire
Conformément à l’art. 374 al. 3 CC, le pouvoir légal de représentation peut s’étendre également aux actes relevant de l’administration extraordinaire des biens. Le conjoint ou le partenaire doit toutefois, cette fois, requérir le consentement de l’Autorité de protection pour que ces actes soient valables.
Sont considérés comme administration extraordinaire, les actes comportant des risques économiques ainsi que ceux qui sont importants et revêtent un caractère durable ou définitif32. Il s’agit notamment de tous les actes mentionnés à l’art. 416 al. 1 CC.
Au niveau d’une gestion bancaire, il s’agira des placements qui ne sont pas admis au regard du profil de risque existant du client, soit parce que, individuellement, le produit de placement n’est pas admis par le profil de risque, soit parce que, collectivement, les nouveaux placements constitueraient une augmentation du niveau de risque encourus et correspondraient à un profil de risque plus élevé. Il est donc clair que des nouveaux investissements comportant une augmentation significative des risques patrimoniaux nécessitent le consentement de l’autorité de protection.
En ce qui concerne le processus de désinvestissement, et bien que les Recommandations ne semblent pas limiter la compétence du conjoint ou du partenaire en la matière, la liquidation d’un portefeuille est cité comme un acte d’administration extraordinaire nécessitant l’accord de l’Autorité de protection33. La liquidation d’un portefeuille ne doit, en effet, pas être effectuée trop facilement, en particulier dans le cas où l’incapacité de discernement n’apparaîtrait pas d’emblée durable ou lorsqu’il s’agirait d’un investissement à des fins autres que spéculatives. Les opérations visant à diminuer le niveau de risque du portefeuille seront toutefois plus largement admises que celles visant à l’augmenter, dans la mesure où cela correspondra souvent aux nouveaux besoins de la personne devenue incapable de discernement.
S’il existe des doutes quant au fait qu’une opération bancaire entre dans le cadre de la gestion ordinaire, ou non, la banque peut suspendre l’exécution de ladite opération jusqu’à ce que l’Autorité de protection ait clarifié la situation, conformément à l’art. 376 CC (Recommandations, point 11). Elle peut aussi refuser d’effectuer l’opération et laisser au conjoint ou au partenaire le soin de se faire légitimer, ou pas, auprès de l’autorité de protection (consentement selon l’art. 374 al. 3 CC ou document selon l’art. 376 CC).
5. Conclusion
Les dispositions prévoyant la représentation légale d’une personne incapable de discernement par son conjoint ou son partenaire offrent en principe une solution adéquate pour la gestion des affaires courantes. En ce qui concerne les relations bancaires, il ne faut toutefois pas oublier qu’elles ne permettent pas toujours d’obtenir immédiatement les prestations souhaitées, même dans le domaine de l’administration ordinaire. Ainsi, le conjoint ou le partenaire ayant, par exemple, besoin de retirer une somme importante du compte bancaire de la personne devenue incapable de discernement pour pouvoir couvrir des besoins courants urgents de la famille, risque de se heurter à la demande de la banque de produire une attestation de l’Autorité de protection avant de procéder à toute opération. Afin d’éviter l’attente liée à la production d’un tel document, la constitution d’une procuration bancaire en faveur du conjoint ou partenaire prévoyant expressément sa continuation après la survenance d’un cas d’incapacité constitue, à notre sens, une solution simple et pratique. Ainsi, les praticiens et les conseils n’oublieront pas de mentionner cette possibilité aux couples qui risqueraient d’être confrontés à cette situation. Nous pensons en particulier aux couples de personnes âgées où traditionnellement le mari, seul titulaire de comptes, s’est toujours occupé de l’administration de tous les biens de la famille et aux couples jeunes qui, pour d’autres raisons, ont des comptes bancaires séparés et s’en servent pour assurer l’entretien de la famille. Nous estimons que la signature d’une telle procuration bancaire constitue également un complément souhaitable à la rédaction d’un mandat pour cause d’inaptitude. En effet, même si un tel mandat est susceptible de déployer immédiatement ses effets, en pratique, dans ses rapports avec la banque, le mandataire ne pourra agir qu’après avoir obtenu une décision de l’Autorité de protection à la suite d’un processus de vérification qui, ici encore, risque d’être relativement long. y